Dans les magasins fermés, la peur panique des petits commerçants : "nous sommes sacrifiés !"

Les rideaux sont baissés devant les boutiques aujourd'hui jugées "non essentielles". A Lisieux, les magasins ont beaucoup dépensé pour garnir les rayons à l'approche des fêtes. Ce confinement prolongé jusqu'au 1er décembre au moins fait craindre des "faillites". 

Le sapin de Noël trône à l'entrée du magasin. Les guirlandes et le brillant sont bien visibles depuis le trottoir. Cette boutique est spécialisée dans la décoration, les arts de la table et les ustensiles de cuisine. La période des fêtes est un jalon essentiel, un moment de plaisir autant qu'une nécessité économique.

"J'ai 2000 articles en rayon, et derrière, j'ai des stocks pour servir les clients. On commence à remplir les réserves dès septembre", explique Laure Beaudet, la propriétaire qui ajoute : "ma trésorerie est à sec". En temps normal, les achats effectués par les clients à l'approche de Noël permettent de remettre les comptes à flot et même de dégager des bénéfices suffisants pour que l'affaire soit rentable toute l'année. 

"On a fait un bon mois d'octobre. Et on sentait que les clients étaient dans l'engouement de Noël et que ça allait démarrer. Normalement, novembre, c'est le gros départ." Ce nouveau confinement auquel personne ne voulait croire a brisé net cette mécanique bien rôdée. Le silence qui règne dans les rayons est oppressant. Laure Beaudet en a perdu le sommeil.
Les jours passent, sa colère enfle. "Comment peut-on nous dire que nos magasins ne sont pas essentiels ?"
 

Comment peut-on dire à des gens qui investissent tout leur temps, qui mettent entre parenthèse leur famille à certains moment de la vie, qui ont des employés, qu'ils ne sont pas essentiels ?

Laure Beaudet, présidente des Vitrines de Lisieux

Laure Beaudet préside aussi les Vitrines de Lisieux. L'association regroupe 80 commerçants "très unis". Elle redoute les effets de ce deuxième confinement. "Ici encore, je peux espérer écouler mon stock plus tard. Tout n'est pas saisonnier. Mais vous imaginez dans l'habillement, dans les chaussures ? Ils paient à trente ou soixante jours. Et dans soixante jours, ils n'auront pas la trésorerie pour régler les factures. Les 10 000 euros d'aide qu'on nous promet ne vont pas changer la face du monde. Aujourd'hui, on a l'impression que demain on ne sera plus là et qu'en janvier les rideaux seront tous baissés".

"C'est tellement injuste !"

Deux rues plus loin, quelques lumières testent allumées chez un chausseur. Une table est dressée sur des tréteaux devant la porte d'entrée. Le flacon de gel hydroalcoolique indique que le magasin se tient prêt pour le cas, encore hypothétique, où un client se présenterait. "On n'a encore vu personne. Mais on a décidé de faire notre vitrine de Noël et on va essayer d'instaurer le click and collect. On va essayer de s'adapter, on n'a pas le choix", explique Brigitte Benoist.

Elle est dans la partie "depuis 41 ans". Des hauts et des bas elle en a forcément connus. Les aléas font même partie du métier. Mais comment accepter ce nouveau confinement "tellement injuste" ?

Je ne comprends pas pourquoi les grandes surfaces peuvent ouvrir et nous non. Il y a moins de risques chez nous que dans les supermarchés où on fait la queue à la caisse et où les gens sont les uns derrière les autres.

Brigitte Benoist, le Trotteur, magasin de chaussures à Lisieux



Elle se voit bien limiter l'accès à la boutique à deux clients seulement en imposant le port du masque et la désinfection des mains, mais la fermeté du gouvernement a douché ses espoirs d'une réouverture rapide. "Vous vous rendez compte, on ne sait pas où on va. Je ne comprends pas. Encore une fois, c'est tellement injuste. C'est toujours les petits qui trinquent"

Une amie est venue lui donner un coup de main pour photographier ses chaussures. Elles sont exposées sur les réseaux sociaux. "Moi je n'ai plus 20 ans, je ne maîtrise pas bien tout cela. Et le click and collect, ce n'est pas le commerce tel que je l'imagine. Ici, on se met au pied du client pour le servir..." 
En attendant les premières commandes, le chiffre d'affaire du mois de novembre s'établit toujours à zéro euro. Brigitte Benoist rumine une colère sourde : "j'ai écrit au Premier ministre en lui disant : si votre petit-fils avait les pieds qui grandissaient pendant le confinement, vous ne considèreriez pas qu'un magasin de chaussures est un commerce essentiel ? Je n'ai pas eu de réponse".
L'actualité "Société" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Normandie
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité