Savourer des aguignettes, humer l'odeur du cidre chaud épicé, remplir les chabots du père Noël... Nombreux sont les rituels de Noël en Normandie. Si les traditions se sont peu à peu perdues dans une grande partie de la région, certains continuent à les entretenir chaque année.
"Quand on était petits, on faisait beaucoup d'hoquignones, c'était même une activité proposée à l'école", notre journaliste Céline Durchon se replonge dans les traditions de Noël de sa jeunesse. Elle a grandi dans le Cotentin, un coin de Normandie où les coutumes sont tenaces.
Pâtisseries, chabots, lutins et baignades
"On préparait un sachet avec des hoquignones et des oranges séchées, puis un verre de lait pour que le père Noël puisse donner à ses rênes après son passage". Céline se souvient qu'elle les plaçait au pied du sapin dans "les chabots", les sabots en parler normand. "Comme il peut y avoir la tradition des cadeaux dans les chaussettes, chez nous, c'était le chabot".
Petite pâtisserie feuilletée en forme d'animal (lapin, canard, coq...), les hoquignones survivent encore dans plusieurs secteurs de la région, où on les nomme aussi aguignettes. Boulanger à Bihorel, près de Rouen, Michael Eudes en fabrique chaque hiver des centaines.
Il y a longtemps, les apprentis récupéraient et cuisaient les rognures de galette de rois, puis les vendaient au coin de la rue. Les gens leur donnaient une pièce contre un morceau de feuilletage. C'était leurs étrennes.
Michael Eudes, boulanger à Bihorel (76)
Trou normand, cidre chaud aux épices, fllip et 44
Si le vin chaud est répandu dans tout le pays, le cidre chaud aux épices est aussi une tradition régionale, en résurgence sur les marchés de Noël. L'odeur de ce breuvage serait une Madeleine de Proust des (vieux) enfants de la région."Le cidre chaud, mes parents en donnaient à une vache qui venait de vêler, pour la réconforter, raconte Rémi Pézeril, président de la Fale, l'association des parlers normands.
Puisqu'on parle d'alcool, le transmetteur de l'héritage régional estime que le trou normand est davantage une tradition issue des mariages que de Noël. Après le repas du réveillon, il n'est pas contre un petit fllip. "Un tiers de cidre doux, un tiers de calva et un tiers de miel. On chauffe jusqu'à ce que ce soit bien chaud, pas bouillant, et on sert dans une petite tasse. Comme un grog, c'est un bon remède. C'est quelque chose que les restaurants devraient reproposer", conclut-il.
Côté digestif traditionnel, Céline Durchon évoque pour sa part le 44, une recette de calvados chaud. "44 grains de café, 44 cuillères de calva dans une orange que l'on pique 44 fois avec du sucre. On laisse macérer 44 jours avant de le boire". Arf, trop tard pour le Noël de cette année !
La mode des lutins farceurs inspirée de Normandie
Depuis quelques années, les lutins farceurs envahissent les foyers du monde entier. Si les Etats-Unis nous ont renvoyé la tendance, on constate qu'à l'origine, le rite prend source en Normandie. "Ca remonte au Moyen-Âge, on parlait alors du goublin, corrige Rémi Pézeril. "C'est un petit lutin qui faisait des bêtises la nuit dans la maison. Il y en a des gentils et des moins gentils".
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Enfin, pour avoir bien chaud tout au long de la nuit de Noël, nos ancêtres normands prenaient l'habitude du chuquet, utiliser une très grosse bûche de bois pour entretenir le feu de cheminée. "C'était une souche de bois assez grosse pour que l'on retrouve les braises après être allé à la messe de Noël", explique Rémi Pézeril. Par ailleurs, selon une superstition normande, pendant la célébration de la messe de minuit, tous les animaux se mettent à genoux dans l'étable. Est-ce encore le cas ? Il faudrait aller vérifier dans les exploitations agricoles.
Quant aux marchés de Noël, traditionnellement et naturellement associés à l'Alsace, force est de constater qu'ils existent aussi en Normandie. Toutefois leur développement est bien plus récent. Vous trouverez sur cette carte les marchés de la région.
Enfin, en ce qui concerne les bains de mer au matin du 25 décembre, d'intrépides irréductibles perpétuent la tradition. Ils en encourageraient même d'autres à sauter le pas. L'an dernier, 287 courageux ont bravé l'eau à 11°C à Agon-Coutainville. Peut-être pour tester un nouveau maillot de bain découvert sous le sapin...