À cause des pluies à répétition, les cultures maraîchères souffrent : mauvaises herbes, champignons, difficultés de semis et récolte. Exemple à Saint-Vaast-sur-Seulles (14) où Jean-Paul Dossi attend que les conditions climatiques lui permettent de reprendre l’exploitation de ses terres.
Sale temps pour les récoltes. Ce n’est pas Jean-Paul Dossi qui dira le contraire. Ce producteur de légumes en agriculture biologique souffre des derniers épisodes climatiques qui ont touché la région. De fortes précipitations qui ont bouleversé son exploitation. En effet, le maraîcher de la commune de Saint-Vaast-sur-Seulles (14) a plus d’un mois de retard sur ses récoltes : « Actuellement on ne peut plus aller travailler sur les terres en extérieur parce qu’elles sont imbibées d’eau. » Les semis de radis et de carottes, que l’agriculteur a l’habitude de semer toutes les semaines, sont à l’arrêt.
À l’arrêt parce que les pluies presque ininterrompues ont détrempé les sols. Il est donc difficile de procéder à quelconque opération culturale. Impossible de planter, de désherber, de ratisser entre les rangs. Manuellement ou mécaniquement, les sols sont impraticables. Et les cultures difficiles à entretenir. Jean-Paul Dossi possède 14 hectares en pleine terre et un peu moins d’un hectare sous tunnel en plastique ; le tunnel étant pratique pour protéger contre l’humidité. Habituellement, ils sont 10 à travailler dans son exploitation, mais aujourd’hui les effectifs sont réduits de moitié, faute de récolte.
C’est le même refrain pour ses tomates. Le mois de juillet est normalement la pleine saison de la plante. Mais la tomate n’aime pas l’humidité, alors avec les épisodes pluvieux à répétition, le retard s’accumule aussi. L’année dernière, à cette période, Jean-Paul Dossi avait sorti 500 kg de tomates de son exploitation. Aujourd’hui, à la même date, il en a sorti 5 kg. Pas 50. Cinq kilos de tomates seulement.
Les légumes d’été sont mis en difficulté.
Plus que pessimiste, le maraîcher est réaliste : « Ce qu’on a perdu, je ne pense pas qu’on va le récupérer. Certes, il y a d’autres variétés qui vont profiter de l’humidité, comme le chou, le poireau ou encore le céleri, mais les légumes d’été sont mis en difficulté ». Les pertes de l’agriculteur sont visibles au moment de la vente. Lui qui vend uniquement ses produits sur les trois grands marchés de Caen se retrouve vite à court de stock. Les variétés de légumes qu’il propose ne changent pas, mais la quantité est plus petite que les années précédentes. Le maraîcher confie en effet, « que dès 10 heures, il manque déjà des tomates, des aubergines et des courgettes ». La table de marché vient rapidement à manquer. Lui, parle même de « pénurie alimentaire ».
Quatre années de mauvais temps
Pour le maraîcher, la dernière belle année de production remonte à 2017. Parce que les conditions climatiques étaient propices à la bonne pousse des plantes : une alternance de températures chaudes, de l’ensoleillement et du beau temps, le tout ponctué d’épisodes pluvieux mais non violents. Désormais, les agriculteurs subissent les intempéries. Dernières en date pour l’année 2021, des mois d’avril et mai secs et froids, un mois de juin tiède et humide, ainsi qu’un début de mois de juillet avec des pluies incessantes.
Pour Valérie Patoux, conseillère légumes et maraîchage pour la Chambre d’agriculture de Normandie, les intempéries viennent bouleverser le planning de production. Parce que les sols sont difficilement praticables, mais aussi parce que la pluie est porteuse de maladies – comme le mildiou ou encore l’oïdium. Les maraîchages biologiques sont d’ailleurs plus affectés car aucun produit phytosanitaire ne peut faire barrage entre la plante et l’humidité. Ce qui laisse les pourritures blanches se former plus facilement. Outre la pluie incessante, la conseillère souligne que les agriculteurs craignent aussi l'arrivée prochaine de fortes chaleurs.
Alors pour éviter de subir les conséquences des intempéries – et notamment vendre moins sur les marchés comme est résigné à le faire le maraîcher Jean-Paul Dossi, Valérie Patoux, conseillère auprès de la Chambre d’agriculture, conseille de ne pas opter pour une production unique. Mais au contraire, de diversifier son maraîchage en proposant plusieurs produits à cultiver. C’est finalement aussi, s’adapter au scénario climatique que l’on connait désormais comme changeant.
Pour l’heure en tout cas, bien que ses denrées se fassent plus rares, Jean-Paul Dossi ou celui qu’on appelle sur les marchés « deux euros », ne compte pas augmenter ses prix pour compenser ses pertes. En effet, si le maraîcher propose des prix abordables pour ses légumes, c’est dans sa volonté de démocratiser le bio.