Les chaleurs actuelles dignes d’un été modifient les habitudes des oiseaux migrateurs : certains attendent avant d’entamer leur long périple. Quelques jours ou semaines de plus. Au risque d'y rester.
Dépasser les 25 degrés n’est pas chose commune en Normandie, surtout en octobre. Et certains habitants au plumage discret y trouvent leur compte. "Chez les populations d’hirondelles qui repartent vers l’Afrique passer l’hiver, on voit des oiseaux qui traînent chez nous. La température et la présence d’insectes les incitent à rester plus longtemps. C’est dangereux comme comportement, car l’hiver va finir par arriver, et sera peut-être trop rude pour ces hirondelles plus téméraires."
Des oiseaux migrateurs tardent à quitter la Normandie, au risque de périr
L’explication est simple pour James Jean-Baptiste du Groupe Ornithologique Normand (GONm) "Les précurseurs testent et meurent parfois. Mais ça marchera peut-être un jour. C’est la logique de la survie de l’espèce et pas d’un individu qui domine."
Même logique en sens inverse, pour les oiseaux qui passent habituellement l'hiver en Normandie. "Ces jours-ci, des pinsons et des grives devraient arriver du nord de l’Europe. Soit, ils arrivent plus tôt chez nous puisque les températures et la nourriture sont favorables. Soit, ils ne migreront plus et vont rester dans les pays plus au nord si les conditions d’hivernage là-bas sont satisfaisantes. C’est déjà le cas de la linotte à bec jaune qui ne descend plus jusque chez nous. Elle quitte la toundra sibérienne pour s’arrêter en Allemagne."
Les cigognes jouent à la roulette russe
C’est un opportunisme qui comporte certains risques. Un hiver rigoureux et des sols gelés pendant une semaine en continu et c’est la mort garantie. Les cigognes qui passent l’hiver en Normandie jouent à la roulette russe."Si ça peut leur éviter 1000 kilomètres de migration, les migrateurs préfèrent rester » note James Jean-Baptiste. Mais certains oiseaux n’ont pas eu la chance de « décider » de migrer ou pas
Des oiseaux venus des Etats-Unis trouvés en Irlande et en Bretagne
"Pour le moment, la terre qui est très chaude à cette saison rencontre des masses d’air venues de la mer, très froides. Ça génère de violentes tempêtes. Des oiseaux américains se sont trouvés pris dans l’une d’elles, et sont arrivés en Irlande et Grande-Bretagne. En ce moment, c'est l’effervescence là-bas, tous les ornithologues cherchent les parulines qui y sont arrivées. On en a aperçu une à Ouessant il y a deux jours. On n’avait pas vu cela depuis 20 ans !" s'étonne James Jean-Baptiste.
L’avenir de ces oiseaux venus de l’autre côté de l’océan ? Il est plutôt sombre : "ce sont des individus qui risquent de mourir, car ils ne sont pas adaptés aux cieux européens. Mais ils vont peut-être à l’avenir trouver leur niche écologique avec le changement de climat. Si des insectes nouveaux arrivent, la suite logique, c'est que de nouveaux oiseaux vont pouvoir vivre ici. Ça mettra des centaines d’années, la nature bosse sur un temps long qui n’est pas notre temps humain".
Des papillons africains gagnent la Normandie
Signe des changements déjà en cours : la présence d’azurés porte-queue et de flambés. Ce sont des papillons qui vivent habituellement en Afrique pour le premier et dans le sud de la France pour le second. "Ils ne sont pas encore installés en Normandie, mais si l’hiver est peu rigoureux comme les précédents, les œufs donneront une nouvelle génération au printemps."
James Jean-Baptiste demeure optimiste - à sa manière : "Il n'y aura pas de trou dans la raquette, les animaux et les plantes vont s'adapter. Le problème du réchauffement climatique est un problème uniquement pour l'homme."