"Il était comme mon papa Léon" : deux filles de vétérans se sentent orphelines depuis le décès de Léon Gautier

Denise Lofi et Sophie Börner sont toutes les deux filles de vétérans de la bataille de Normandie. Proches depuis toujours de Léon Gautier, dernier survivant du commando Kieffer, elles l'ont toujours considéré comme "un père spirituel" et se sentent à nouveau "orphelines" après son décès survenu le lundi 3 juillet 2023.

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"C'est grâce à Léon que j'ai pu rendre hommage à mon père à travers un livre". Denise Lofi n'aurait pour rien au monde raté l'hommage national rendu à Léon Gautier ce vendredi 7 juillet 2023. Elle lui doit beaucoup. Elle est la fille d'Alexandre Lofi, un compagnon d'armes de Léon Gautier. Son père fait partie de ceux qui n'acceptèrent pas l'armistice de juin 1940. Alexandre Lofi rejoint donc Charles de Gaulle à Londres. C'est là qu'il rencontre Léon Gautier : "Ils se sont croisés le 13 juillet, Papa l'a recruté" explique Denise Lofi.

Affecté au premier bataillon de Fusiliers Marins, il est envoyé au Cameroun. Puis il prend part à la défense des côtes du Liban avec le deuxième bataillon de Fusiliers Marins en 1941 et 1942. Un an plus tard, il se porte volontaire pour intégrer le commando dirigé par Philippe Kieffer qui s'entraîne en Ecosse dans la perspective du débarquement allié.

"Léon et mon père ne faisaient qu'un"

Le 6 juin 1944, les deux amis foulent le sable de la plage de Colleville-Montgommery à la tête d'une compagnie avec laquelle il participe à la libération du casino de Ouistreham : "Papa est décédé en 1992,  c'était quelqu'un de taiseux, qui ne parlait pas trop, je ne connaissais pas trop ses faits de guerre, ni la grandeur de l'homme qu'il était. Alors je me suis beaucoup rapprochée de Léon pour savoir et comprendre qui il était. Ils étaient très liés tous les deux" nous confie Denise Lofi.

"Il était un second père pour moi. "Papa Léon" voilà comment je l'appelais"

Denise Lofi

Fille d'Alexandre Lofi

"Léon et mon père ne faisaient qu’un". En effet, le plus célèbre des Ouistrehamais avait par exemple assisté au mariage de son ami. "Il a aussi été la nounou de mon frère", ajoute Denise Lofi avec un sourire aux lèvres.

Une fille qui finit par regretter de ne pas connaître l'histoire de son père à la guerre. Alors, elle veut savoir : "Léon m'a raconté longuement la vie de mon père, leur vie ensemble, une vie tellement passionnante que j'en ai fait un livre". En effet en 2013, elle sort "Il fallait y croire" aux éditions du bout de la rue pour "rendre hommage à ce père héros et silencieux".

Depuis 1992, elle le voyait régulièrement : "Je lui ai fait un câlin le 12 juin dernier car je repartais de Normandie. Je lui ai dit "On se revoit l'année prochaine papa Léon", il m'a répondu "si Dieu le veut". J'ignorai qu'il partirait aussi vite" nous dit-elle, les larmes aux yeux.

"C'était un père spirituel, il a toujours été là pour nous"

Durant la cérémonie religieuse d'adieu qui s'est déroulée à l'église Saint-Samson à Ouistreham, le père Benoît Sévenier a relaté, durant son homélie, les nombreuses qualités de Léon Gautier dont "le pardon". Un mot qui a profondément touché Sophie Börner : "Léon a travaillé sur le pardon dans son histoire avec mon père".

Elle est la fille de Johannes Börner. Le soldat allemand est l'ennemi de Léon Gautier en 1944. Le parachutiste, né à Leipzig en 1925, est en Bretagne, le 6 juin 1944, quand il reçoit l’ordre de rejoindre la Normandie. Il se bat à Saint-Lô, puis à Vire. Pris dans la nasse de la Poche de Falaise, il sera l’un des rares soldats allemands à survivre. Fait prisonnier en août 1944, il connaît plusieurs camps, participe au déminage des plages, travaille dans des fermes avant d’être libéré en 1948. Finalement, il décide de rester en Normandie et demande la nationalité française. De 1969 à 1998, il tient un restaurant à Ouistreham.

"Mon père et Léon se sont apprivoisés progressivement après la guerre. Dans les années 90, ils ont appris à se connaître et se sont raconté leurs histoires réciproques... Ils ont fini par se pardonner". Léon Gautier, né en 1922, vient d'une famille qui a été marquée et traumatisée par la Première Guerre mondiale ! Chez lui, on n'aimait pas trop les Allemands, "les boches"comme il disait. Cette amitié résulte donc d’un sacré chemin sur lui-même. "C'est un gentil garçon, honnête, droit" disait-il au sujet de Johannes Börner. "Il a été emmené dans la guerre, il n’a pas eu le choix. Alors que moi j'ai eu le choix, je suis volontaire, c'est différent."

"Ils étaient ennemis mais ils ont réussi à faire un pas l'un vers l'autre et sont devenus amis"

Sophie Börner

Fille de Johannes Börner

En 2014, lors de la clôture de la cérémonie internationale du 70ème anniversaire du Débarquement en Normandie, les deux hommes marquent les esprits avec une accolade. Leur amitié est un symbole de la réconciliation franco-allemande. 

Ils vivaient à Ouistreham et se côtoyaient régulièrement autour d'un café, d'un pot ou de repas avec leurs familles respectives. Sophie Börner, élue EELV de la commune, a grandi aux côtés de Léon Gautier. En 2018, Johannes Börner s'éteint mais Léon Gautier fait toujours partie de la famille. "C'était un père spirituel, il a toujours été là pour nous" nous confie cette dernière. "Alors oui, je me sens de nouveau orpheline aujourd'hui".

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