"Quand on a créé Heula, y avait une espèce de complexe des Normands vis à vis des Bretons"

Depuis 2006, la marque Heula croque les Normands avec humour. Depuis le 27 novembre et jusqu'à fin avril, la médiathèque de Condé-en-Normandie et le musée Charles Léandre proposent une rétrospective du travail de Sylvain Guichard, le dessinateur de l'entreprise. L'équipe de Là où ça bouge l'a rencontré.

"Aujourd'hui, on se retrouve avec une petite entreprise qui a 15 ans alors que j'imaginais que ça allait durer trois ans." Sylvain Guichard, co-créateur de la marque Heula avec son beau-frère Jean-François Toudic, est le premier surpris par le succès et la longévité de l'aventure lancée en 2006. L'exposition présentée depuis novembre dernier et jusqu'au 27 avril par la médiathèque et le musée Charles-Léandre de Condé-en-Normandie permet de revenir sur cette belle histoire 100% normande à travers 80 tableaux, des "standards" (ou classiques) de la marque, des objets qu'elle commercialise,  "les travaux de commande" réalisés pour des institutions ou des entreprises (comme la campagne sur les gestes barrières de la Ville de Caen).  "L'idée, c'était aussi de montrer un peu les coulisses d'Heula", souligne Sylvain Guichard, le dessinateur d'Heula, "montrer le processus de fabrication d'un dessin en quelques étapes, montrer des croquis originaux." Une plongée dans l'atelier de l'artiste, né il y a seulement une quinzaine d'années.

"Au début, je ne savais pas manier un crayon"

Car Sylvain Guichard le confesse : "J'ai commencé le dessin pour Heula. Avant, je ne dessinais pas. J'ai d'abord eu une première vie de professeur des écoles pendant dix ans. J'ai démissionné de l'Education nationale et ensuite j'ai été photographe, parce que c'était ma passion. Pendant que j'étais photographe, on a eu l'idée avec mon beau-frère de créer Heula et il a fallu se mettre au dessin à ce moment-là. C'est pour cette raison que le dessin de Heula est si simple, et simpliste je dirais. Au début, je ne savais pas manier un crayon. Il a fallu faire des choses très simples : une carte de France, un nuage, une vache carrée, parce que je ne savais pas faire autrement !" Et de partir dans un grand éclat de rire. 

"Comme tout métier, on s'améliore dans le temps. A force de dessiner, je deviens de plus en plus adroit. Aujourd'hui, j'arrive à dessiner des choses que je n'arrivais pas à dessiner il y a 15 ans. Je deviens de plus en plus efficace. Mais j'essaye de garder toujours cette ligne de simplicité qui est très importante. Dans le dessin Heula, j'ai envie que les gens comprennent très vite le dessin et le texte. Donc, petit texte et petit dessin." Le style Heula, hérité d'une méconnaissance du dessin est devenu sa force ou tout du moins son image de marque. "Quand je fais visiter à des enfants, des fois ils me disent : c'est simpliste. Et ils ont raison. Il y a presque quelque chose d'enfantin donc ça parle à tout le monde. Au niveau lecture, c'est facile à comprendre", estime le dessinateur.

Faire rigoler les gens

Sylvain Guichard assume pleinement son style et la spécificité de son travail. "C'est vrai que ça fait assez BD dans les couleurs, un peu la ligne claire à la Hergé. Mais ce n'es pas de la BD", tranche le dessinateur, "On m'a demandé d'en faire (de la BD). J'ai fait pendant plusieurs années des petits strips en deux-trois images pour le journal Paris-Turf  sur le monde du cheval et je me suis rendu compte que c'était différent. C'est un autre travail. Pour Heula, c'est une seule image avec un message. En bande-dessinée, il faut mettre en place un petit scénario, avec une mise en place, une chute. Je me sens beaucoup moins à l'aise." Pas question également de dresser un parallèle avec le travail d'un dessinateur comme Chaunu, même si "la fonction est la même :  faire rigoler les gens."  

Faire rire les gens de leur quotidien, c'est la ligne directrice de Sylvain Guichard. "Je ne me définis pas comme un dessinateur engagé parce que je n'aborde aucun sujet sensible : ni la religion, ni la politique. Je ne me sens pas à l'aise là-dedans. Je préfère parler des petits sujets du quotidien des gens plutôt que des grands sujets d'actualité. Je vise les petits sujets : la météo, ce qu'on mange, le barbecue, la baignade. C'est ce qui m'intéresse, ces petits sujets dont les gens parlent tous les jours. Les grands sujets, il y a les journaux pour en parler."

Le seul engagement que veut bien reconnaître le dessinateur, c'est celui de la défense de la Normandie avec comme outils le crayon et l'humour. Et c'est sans doute l'autre raison du succès d'Heula. "Le constat, quand on a créé Heula, c'est qu'il y avait une espèce de complexe des Normands vis à vis des Bretons. On a des gens qui sont très revendicatifs, qui ont une culture et qui la mettent en avant. Les Normands ne sont pas du même acabit : ce sont des gens assez discrets, presque complexés", explique Sylvain Guichard.

En Normandie, "on est capable de rire de nous-mêmes"

Et pourtant, "au départ la vocation d'Heula, c'était plutôt de faire rigoler les touristes qui venaient en Normandie en disant : voilà comment on se présente", se souvient le dessinateur. "La grande surprise pour nous ça a été de voir que les Normands se sont tout de suite reconnus dans nos dessins. Finalement, Heula c'est presque quelque chose de revendicatif : on est normands, on est comme ça, c'est notre particularité et en plus on est capables de rire de nous-mêmes, ce qui n'est pas une particularité de toutes les régions. Aujourd'hui, on est très contents de voir que les Normands nous soutiennent depuis 15 ans et continuent. Quand il y a une expo comme ici et qu'on voit le succès populaire que ça a, on se dit qu'on a tapé juste avec la bonne façon de parler de la Normandie.

Propos recueillis par Jacques Perrotte

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