La carte scolaire du Calvados met en émoi de nombreuses écoles du département. À la prochaine rentrée de septembre, 74 fermetures de classes sont envisagées, pour seulement 24 ouvertures. Face au mécontentement, la direction académique prend la parole pour expliquer ses décisions.
Vendredi 5 avril, la carte scolaire du Calvados a été officiellement annoncée à l'issue d'un Conseil départemental de l'Education Nationale. Une cinquantaine de classes vont fermer dans le département, sur un total de 2417. Autant de suppressions, c'est du jamais vu dans le secteur ! À titre de comparaison, il y avait eu 59 suppressions de classes pour 21 créations en 2023, 69 pour 50 en 2022.
Sur le terrain, syndicats, enseignants, parents d’élèves et élus n’ont pas attendu l’officialisation pour vertement critiquer les décisions de la direction académique et se mobiliser. Pour désamorcer les colères et éclairer sur les décisions prises, la directrice d'académie Armelle Fellahi (Dasen) a tenu un point presse, ce mardi 9 avril.
France 3 Normandie : Mme Fellahi, plus d'une classe sur cinq va fermer dans le Calvados. Comprenez-vous la colère des syndicats, des parents d'élèves et de certains élus ?
Armelle Fellahi, directrice académique : On ne ferme jamais des classes pour le plaisir. J'ai vu que les syndicats avaient fait fuiter des chiffres, qui sont d'ailleurs erronés. 77 fermetures et 21 ouvertures ont été évoquées. Finalement, ce sont 74 et 24. Nous avons d'ores-et-déjà annulé les suppressions un temps envisagées à Sannerville, Thue et Mue, et à l’école maternelle Reine Mathilde de Bayeux.
Il faut rappeler que la carte scolaire établie en mars est un premier point de passage, nécessaire pour déclencher les éventuels mouvements des enseignants. Nous réajusterons fin juin, et en septembre. À l’heure actuelle, on a entre 6 et 8 écoles où les situations sont en observation, sous surveillance. Peut-être que d'ici à juin, un maire nous dira "finalement, je n'ai pas autant d'inscrits que prévu", ou l'inverse. Dans ces cas-là, nous réévaluerons les suppressions ou créations. Ça avait concerné une dizaine de cas l'an dernier. On a des situations de tension chaque année, mais je tiens à préciser que je n’ai jamais reçu aussi peu de demandes d’audience depuis que je suis là (trois ans, NDLR).
Les suppressions de classe ne nous empêchent pas de mener à bien nos politiques ; on améliore même le taux d'encadrement. Au global, on diminue le nombre d'enfants moyen par classe. On est à 21,4 quand la moyenne nationale est à 21,5.
Armelle Fellahi, directrice académique du Calvados
France 3 : Concrètement, pourquoi y a-t-il autant de fermetures de classes prévues à la rentrée prochaine ?
A. Fellahi : Il y a d'abord un phénomène démographique, nous perdons des élèves chaque année dans le département. Nous avons une prévision à plus de 500 élèves en moins pour la prochaine rentrée de septembre, ce qui fait que l'Education Nationale nous demande de rendre 25 postes, équivalent temps plein. À titre de comparaison, l'an dernier, nous avions misé sur une baisse de 900 inscrits pour établir notre carte scolaire. Finalement, on s'est rendu compte en septembre que nous avions sous-estimé la baisse, puisqu'on a perdu 1100 élèves.
Précisons quand même qu'on ne ferme pas de classe au mois de septembre. On n’aurait pu le faire en septembre dernier (- 200 élèves), mais on ne ferme pas de classe à cette période-là, on laisse l’année courir. Par contre, s'il y a une grosse arrivée d'élèves, on ouvre une classe. Ce qui fait que parfois, des écoles vont se trouver dans des situations plus confortables que d’autres. Notons aussi que si une fermeture est annulée, l’enseignant est prioritaire pour reprendre son poste.
France 3 : Dans votre calcul pour la rentrée prochaine, il y a donc un rééquilibrage par rapport à l'an dernier ?
A. Fellahi : Oui, mais pas uniquement. Il y a aussi beaucoup d'autres considérations. On regarde aussi l'organisation pédagogique de chaque école : combien d’élèves y-a-t-il dans chaque classe, sachant qu'on est dans l'obligation d'avoir 24 enfants maximum en Grande Section, CP et CE1, et qu'en zone d'éducation prioritaire (REP+), on dédouble les classes.
Par ailleurs, dans le Calvados, notre politique départementale est de porter une importance particulière aux écoles rurales, et à celles des secteurs classés QPV (Quartier Politique de la Ville). Dans ces zones caractérisées par des niveaux de revenus moyens bas, éloignées des grandes agglomérations et de l'offre culturelle, nous faisons le choix d'affecter un professeur supplémentaire pour alléger les classes des apprentissages fondamentaux.
Ce n’est pas pareil d’être dans une classe à 27 qu’on soit dans une zone prioritaire, où les enfants sont moins favorisés, ou dans un secteur plus privilégié, avec des familles aux revenus plus importants ou plus près des centres culturels.
Armelle Fellahi, directrice académique du Calvados
France 3 : Le Calvados doit "rendre 25 postes", mais 50 classes sont supprimées. Comment expliquez-vous le différentiel ?
A. Fellahi : Tout d'abord, nous renforçons notre brigade de remplacement, avec 10 postes supplémentaires de remplaçants sur le département (306 au total). On fait le choix de mobiliser des enseignants sur l’école inclusive et les pôles d'accompagnement spécialisés (ULIS et PIAL), de créer un poste de référent départemental pour le dispositif APAD (enfants hospitalisés). On renforce aussi la décharge des directeurs qui ont une école qui accueille des ITEP et IME à l’intérieur des établissements, mais aussi de celles et ceux qui gèrent plus de 11 classes ou qui ont des écoles sur plusieurs sites.
Nous avons aussi l'obligation d'allouer des moyens à de nouveaux dispositifs. La loi Rilhac nous demande de mettre en place un référent directeur d’école. Cela représente 6,5 équivalents temps plein, soit un demi-poste par circonscription. Nous devons aussi augmenter le nombre de professeurs ambassadeurs du sport-santé (USEP), nommer un deuxième conseiller départemental d'Arts Visuels, afin qu'aucun élève n'échappe à l'éducation artistique et culturelle, et puis créer un poste de coordinateur du Territoire éducatif rural (TER) à Vire Normandie.
France 3 : Pour finir, que répondez-vous aux élus qui ne comprennent pas la suppression d'une classe dans leur école alors qu'ils construisent de nouveaux lotissements pour attirer des familles ?
A. Fellahi : On ne peut pas faire le travail de préparation de la carte scolaire en prenant en compte les hypothèses de peuplement des futurs lotissements. On travaille avec la réalité des inscriptions, mais on a quand même une photographie assez stabilisée, avec des projections sur trois ans. En mars, on fait un arrêt sur image parce qu’on doit préparer le mouvement des enseignants, leurs mutations.
Si d'aventure il y a un lotissement occupé avec X familles et X enfants pas prévus, on ouvrira à la rentrée, mais on ne peut pas le faire de manière systématique avec les projets d’implantation de lotissements. Parallèlement, on ouvre aussi facilement que l’on ferme. Dans la mesure du possible, on évite de faire le yoyo, mais si les cohortes d'enfants varient du simple au double d'une année à l'autre, on crée des classes en conséquence.