On parle toujours de la difficulté des clubs de sport en mettant en avant leurs finances. Mais comment va le monde amateur privé de club, depuis 3 semaines. Quand va t-il pouvoir reprendre et comment ? Mêmes les coachs craquent.
"Il y en a qui manifestent pour aller à l'église. Si on les autorise à le faire prochainement, je ne comprendrai pas qu'on m'empêche, moi, de reprendre mon cours de yoga. C'est ma religion. J'en ai besoin", s'exclame Pénélope qui ne tient plus en place depuis que ce nouveau confinement la prive de ses activités habituelles : les grandes marches sur la plage avec son chien et le yoga. Pas de quoi préparer les JO avec ce niveau d'entraînement, mais peu importe. Le sport, "se bouger", c'est une habitude de vie qui ne peut pas s'arrêter brutalement sans conséquences, surtout quand on n'a plus de perspectives.Sport amateur : quand se fera la reprise ?
Aucune date n'est franchement avancée, pour aucun sport au niveau amateur. Alors qu'Emmanuel Macron et Jean Castex écoutaient, ce mardi 17 novembre, le monde du sport dans ses réclamations, des annonces ont été faites pour ses aides exceptionnelles en 2021 (un passe-sport pour les plus jeunes permettrait notamment le financement de licences). Côté protocole de reprise, le Président de la république aurait avancé une éventuelle reprise en club pour les mineurs en décembre. Ce sera appliqué si la courbe des nouvelles contaminations le permet.Et pourtant, tous, coachs et licenciés ont besoin d'un cadre pour se projetter et parfois, tenir. Le monde du sport amateur est chancelant.Pour le judo, nous travaillons avec la fédération sur une campagne de relance en janvier ( mais plus tôt sera le mieux) pour inciter les gens à s'inscrire début 2021, avec un système de parrainage. Si on ne nous laisse pas reprendre pour le 15 janvier, au moins avec les enfants, ça va être très dur pour la suite. En mars, ce sera plus la peine.
On parle beaucoup du désastre financier qui s'anonce, il paraît inévitable. "Dans le calvados, c'est juste un exemple, entre novembre 2019 et novembre 2020, on a perdu 1200 licences. Certains clubs de judo enregistrent de nombreuses demandes de remboursement. On n'avait pas eu ce phénomène au printemps dernier. C'était la fin de saison. Mais là, c'est une autre histoire", explique Bruno Dessessard qui a une vue globale sur les structures.
En plus des soirées, des tournois, etc qui ne se sont pas tenus, ça commence à faire beaucoup. Le chômage partiel, pour les éducateurs, aide les structures mais s'il faut rembourser les licences, ça va être très compliqué.
Après le côté financier, il y a le moral, ou le mental et tous l'admettent : il n'est pas au top.
"On ne se fait plus d'illusion sur une reprise avant les fêtes. Mais qu'on nous laisse reprendre en janvier avec les enfants. Ils vont à l'école, ils peuvent bien retourner en club avec un protocole sanitaire strict", confie une entraineuse de l'agglomération qui préfère rester anonyme. Dans le judo, le protocole c'est masque pour les coachs, changé toutes les heures, gel hydroalcoolique à chaque entrée sur le tatamis, mains et pieds compris, pour tout le monde. Et puis la règle du partenaire unique était bien appliquée depuis septembre, elle peut se poursuivre comme une activité seule, au moins au début, si besoin.
On a créé un groupe sur facebook entre coachs pour se motiver et parler tous ensemble, ça fait du bien. Je suis inquiète pour certains qui s'interrogent sur leur avenir. Il y a des clubs qui ne conserveront pas tous leurs postes d'éducateur.
Des coachs en pleine crise de doutes ?
Leur statut n'est déjà pas toujours très simple et les salaires peu élevés. Quand il y a peu de choses à faire ou à préparer, il n'est pas évident pour tous de garder le moral. "D'habitude, j'ai toujours la tête dans le guidon. Je jongle entre les cours, les compétitions, les déplacements, les absents, etc. Et là, plus rien. C'est dur mentalement tout ce vide, même pour un sportif. Se retrouver sans plus rien à faire, du jour au lendemain, j'accuse difficilement le coup", reconnaît pudiquement Pascal Pace, directeur sportif du Tennis Club de Verson qui compte 300 licenciés.Et quid des protocoles sanitaires travaillés par chaque fédération lors du déconfinement ? C'est comme si ils étaient devenus caduques en quelques heures.
Fédérer son groupe en visioconférence, proposer des cours de gainage ? Pascal n'a pas envie. Difficile pour lui de dépenser une telle énergie. " Je ne suis pas sûr que ça marcherait pour les plus jeunes. Et puis après 2 ou 3 séances, je vais tourner en rond."Dans le tennis, en tant que sport individuel, dans le respect du protocole sanitaire de la fédé, on s'imaginait qu'on serait parmi les derniers confinés. Mais, non, pas du tout. L'arrêt a été brutal pour tous. Vous savez ce qui est le plus dur pour moi ? C'est de voir qu'un enseignant de sport au collège peut donner des cours en gymnase avec 30 élèves et que mois je n'ai même pas le droit, avec mon groupe de 6 !
Des coachs qui arrivent à maintenir un lien en visioconférence : top pour le mental de tous
Si beaucoup baissent les bras, le jeu en vaut souvent la chandelle. "Certains de nos coachs concentrent toute leur énergie à ce lien via les vidéos. La fédération de judo, pour bien les occuper pendant ce temps d'arrêt leur propose des formations pour passer des grades supérieurs mais aussi pour apprendre ces outils numériques", précise Bruno Desessard.Le lien social est maintenu avec les parents et les licenciés. Même si tous ne se prennent pas à 100% au jeu, c'est une présence. Et c'est important aussi pour les coachs.
Des tutos sont donc mis en ligne mais aussi des cours en direct, en visioconférence.
Certains coach ont même crée des plateformes "nationales" de web-coaching pour tous, comme Pascaline Magnes et son groupe facebook "Line Judo". "
On est bien en confinement 2.0 : même les footing sont en zoom maintenant ?? Bon dimanche les amis, qu'il soit sportif...
Publiée par Line Judo sur Dimanche 8 novembre 2020
J'ai un programme pour la semaine, on parle prépa physique ou confiance en soi. On fait aussi de l'analyse vidéo. Des 10 ans et plus me suivent très bien. Il n'y a pas que des adultes. C'est important de continuer à parler de notre sport pour progresser sans dojo. Pas besoin d'avoir un tapis chez soi. On peut tout faire dans son salon, c'est le jeu.
L'aviron : l'exemple du sport qui vit bien son confinement
" C'est peut-être un peu décalé mon discours mais je vous jure que nous on le vit bien. Nos jeunes se passent les rameurs qu'on leur a prêté pour se maintenir en forme et garder le niveau. Ils sont très motivés. Le club a acheté un abonnement zoom qui permet aux coachs de réunir ses groupes de travail en visio pour un peu de gainage et discuter. Avec tout ça, on arrive à fédérer. Tous les jours, ils arrivent à travailler un peu", s'exclame Jean Doleman, du club d'aviron caennais qui compte 180 jeunes licenciés et un athlète qui prépare les J.O.Quelle que soit la discipline, les plus inquiets s'interrogent sur une baisse de l'interêt pour le sport, demain. Pascaline web-coach pendant ce confinement, entend bien des choses dans ses groupes de discussion:"Ceux qui peinaient déjà à reprendre un sport faute de temps, entre les enfants et le travail ou les études, on va les perdre définitivement. En effet, ça leur a demandé tellement d'énergie de s'investir parfois pendant un an ou deux qu'ils vont pour beaucoup laisser tomber et ne pas revenir."Nous on a aussi les scolaires qui se sont rués sur l'activité aviron. Et ça maintient le moral de nos coachs. Le club n'est pas totalement fermé. Maintenant, il va falloir une visibilité et des objectifs après Noël. En janvier nos régates reprennent sérieusement.