Les précipitations du mois de juillet et la remontée brusque des températures n'ont pas été bénéfiques à la production de lin, dont la Normandie est leader. Des aléas climatiques qui obligent désormais les agriculteurs à se réinventer pour assurer un rendement suffisant.
La Normandie a connu de meilleurs jours. La faute à une météo quelque-peu capricieuse, mais aussi à une invasion d'altises, un coléoptère qui colonise la plante pour s'en nourrir. "Si l'on n'a pas de lin en quantité et de qualité, nos acheteurs - principalement les Chinois, qui achètent la filasse pour la filer et la renvoyer à tisser - ne seront pas suffisamment approvisionnés... Et devront se tourner vers d'autres fibres", commente Vincent Meyer, liniculteur à Pont-d'Ouilly (Calvados).
Découvrez le reportage de I. Mitanne et M. Nicolas :
L'exploitant s'avoue inquiet pour sa récolte. Il doit encore attendre avant de la ramasser, au risque de perdre en qualité. Un constat partagé par d'autres agriculteurs, qui ont même fait le pari de produire une autre fibre textile pour s'assurer un rendement suffisant. Ainsi, le chanvre, une plante aux mêmes propriétés textiles - mais résistante aux aléas climatiques, et qui ne nécessite pas d'investir dans de nouvelles machines - a le vent en poupe.
Le chanvre, une solution d'avenir ?
Le chanvre "n'a pas besoin de traitements phytosanitaires, parce-qu'il est rustique. Il résiste bien à la sécheresse parce-qu'il a une racine pivot qui est très longue", précise Nathalie Revol, de l'association Lin et Chanvre Bio. "Dans les terres profondes, même sans haut, la plante peut pousser très haut. Elle remplit toutes les cases !"
Autre atout majeur : il est multi-usages (industrie, textile, alimentation), ce qui permet une valorisation de la plante dans sa quasi-totalité. Ainsi, il séduit de plus en plus d'exploitants. Depuis 2019, Henri Pomikal, producteur de lin et de chanvre et vice-président de la coopérative linière du nord de Caen, a multiplié par 40 sa superficie de production afin d'assurer ses rendements en cas de coups durs.
"Le fait d'avoir différentes sources d'approvisionnement permet d'avoir un panel face à nos acheteurs, par lequel on leur propose toute une gamme de produits beaucoup plus importante que quand on a une monoculture comme le lin", relève celui qui expliquait, en mars dernier, ne pas vouloir "concurrencer le lin, mais plutôt le coton" avec cette fibre naturelle et anti-microbienne.
En 2022, 70 hectares de terres agricoles étaient dédiés à la culture du chanvre textile. Un chiffre qui devrait grimper à 260 à la fin de l'année et exploser d'ici cinq ans. Nouvelle conquête agricole normande, le chanvre textile n'a pas vocation à remplacer le lin... Mais pourrait constituer une alternative intéressante et durable face aux changements météorologiques.