Coronavirus : une aide-soignante en EHPAD témoigne, « je ne peux pas laver les résidents à un mètre de distance »

Depuis la mise en place du confinement, les résidents des EHPAD vivent reclus dans leurs chambres. Privés de la visite de leur famille. Anaïs, aide-soignante dans un établissement à Courseulles-sur-Mer (14) raconte son quotidien transformé. Contraintes et émotions rythment ses journées.

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Un masque et des gants en latex. La tenue n’a presque plus rien de surprenant. Anaïs a 31 ans. Elle exerce le métier d’aide-soignante dans un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) à Courseulles-sur-Mer dans le Calvados.

Depuis le 17 mars 2020, jour de la mise en place du confinement, la jeune femme, passionnée par son métier, a appris à adapter ses gestes et ses habitudes professionnelles à la situation. Bien décidée à s'occuper au mieux de ceux qu'elle appelle « les anciens » ou les « ancêtres ».
  

Pas facile de soigner avec un masque

« Il faut vraiment être motivée pour travailler avec un masque du matin au soir », lance Anaïs, soignante dans l'un des 380 EHPAD normands. Les dispositifs de protection sont contraignants. Bien consciente de leur importance, elle précise : « ça fait mal aux oreilles, ça tient hyper chaud ».
 

Je ne peux pas laver les résidents à un mètre de distance. Je ne peux pas leur donner à manger à un mètre de distance, Anaïs aide-soignante en EHPAD

 

D’autres précautions sont plus difficiles à appliquer. Conserver une distance avec les résidents : « il y a des moments où ce n’est pas possible », regrette la soignante. « Je ne peux pas les laver à un mètre de distance. Je ne peux pas leur donner à manger à un mètre de distance », s’insurge-t-elle. Elle ajoute : « On est forcément exposé. On n’a pas le choix. Mais sur le coup, je n’y pense même pas. Parce qu’il faut le faire, il faut que la personne soit bien et c’est le plus important ».
 

Des résidents confinés et privés de visite

Les résidentes et résidents de l’EHPAD calvadosien vivent confinés dans leurs chambres. Les sorties et les promenades ne sont plus autorisées. Aucune visite des familles n’est permise. Des soins jusqu’aux repas, les personnes âgées n’ont de contact qu’avec les soignants.

Le moral est en baisse. Les résidents se sentent seuls, attristés de ne pas voir leur famille. « Il faut faire beaucoup de relationnel », constate la trentenaire qui a noué des liens forts avec les anciens. Les résidents ne sont pas tous en mesure de comprendre la situation et de téléphoner à leurs proches.
 

Internet pour combler la solitude

A Courseulles-sur-Mer, pour entretenir le lien avec les familles, la direction de l’EHPAD a mis en place l’équivalent d’un réseau social. Ce dispositif informatique permet aux familles de poster photos et messages adressés à leurs proches confinés dans l’établissement.

« Cela fait énormément de bien aux résidents parce qu’on imprime les messages et les photos. On fait des petites gazettes. Par exemple, la semaine dernière, j’ai passé un après-midi entier à distribuer les gazettes », explique l’aide-soignante, avant de préciser : « Il y en a beaucoup qui ont pleuré d’émotion. Ils se sentent beaucoup moins seuls ».
 

Je garde le sourire, je fais des blagues. (…) Si je rentre dans une chambre où il y a de la musique, je chante avec le résident, Anaïs aide-soignante en EHPAD


Derrière son masque, Anaïs sait qu’elle ne peut pas dissimuler ses émotions. Alors pour atténuer les angoisses des résidents et les siennes, la soignante a son truc. « Je garde le sourire, je fais des blagues. (…) Si je rentre dans une chambre où il y a de la musique, je chante avec le résident », raconte la jeune femme, animée par la dimension humaine de sa profession. Elle fait de son mieux pour détendre l’atmosphère et « rendre ça plus supportable ».
 

« On a toujours été là » 

« Cela fait plaisir de voir les gens applaudir. Mais j’aurais préféré que cela arrive avant », explique Anaïs en faisant référence aux applaudissements quotidiens des Français à destination des soignants. « Les gens se rendent compte qu’on est là alors qu’on a toujours été là ! », s’étonne la jeune femme. Pour elle, les métiers d’aide à la personne ne sont pas suffisamment reconnus. Elle dénonce la faible rémunération de ces professions, pas à la hauteur du travail fourni.

Pour l'ensemble du personnel soignant, les tâches sont nombreuses et difficiles à assumer au quotidien. Avec ses collègues, Anaïs doit notamment assurer désormais la distribution des plateaux repas dans les chambres. La raison ? Eviter tout contact avec les équipes en charge de la restauration.

Arrêter de travailler, la soignante n’y pense donc même pas. « Je m’en voudrais de laisser mes collègues avec une collègue en moins. (…) et de laisser un EHPAD en sous effectif. Ça m’embêterait énormément », reconnait-t-elle emue à l'idée de voir disparaître des pilliers de générations.
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