Coronavirus : pas de jour de repos pour les boulangeries normandes ?

Depuis la semaine dernière, une dérogation du ministère du Travail autorise les boulangeries à être ouvertes 7 jours sur 7. Une mesure destinée à répondre à une supposée forte demande des consommateurs. Dans les faits, peu de professionnels de la région ont décidé de changer leurs horaires.

"J'ai une super équipe, mon boulanger, ma vendeuse, mon apprenti... Heureusement qu'ils sont là, je leur tire mon chapeau." Fabrice Huwart, le co-gérant de la boulangerie Marcel à Caen, continue de vendre son pain malgré l'épidémie de coronavirus en France. "4 mes collègues ont fermé autour, dans un rayon de 1 km. Par respect pour mes clients, je reste ouvert, même si ce n'est plus rentable depuis le confinement."
 
Son chiffre d'affaire a été divisé par 5. Il a dû revoir totalement sa façon de travailler, presque sans la sandwicherie. Alors il ne s'imagine pas profiter de cette dérogation provisoire pour faire du 7 jours sur 7.

Le 7/7, ça peut être bien peut-être pour les plus petits, dans les campagnes où il n'y rien aux alentours. 

Une journée comme hier, il a perdu de l'argent"On réfléchirait à ne pas fermer le mercredi si la demande était intense, mais là... Et déjà que mes salariés acceptent de travailler, je ne peux pas leur dire qu'ils n'ont plus de journée de repos. C'est plus une possiblité je pense pour les plus petits, dans les campagnes. Et encore, dès qu'il y a deux boulangeries, ca peut créer la zizanie."
 


Stabilité aussi au Moulin de Thibo & Caro, à Maltot, dans la périphérie caennaise. On y estime que ce n'est pas une journée d'ouverture en plus qui changerait les habitudes des gens. "Les clients s'organisent, ils font du stock, parfois même on doit les rationner", sourit Caroline Vauvrecy, la co-gérante. "La semaine dernière, il y a eu au magasin une vague d'achat de pâtes fait maison, maintenant c'est sur la farine et les boules de pain, pour congeler sûrement. On tente de rassurer les clients, comme on est paysan boulanger, on ne sera jamais en pénurie sur ces produits.

Les clients s'organisent, ils font du stock, parfois même on doit les rationner !

Elle a vu sa clientèle évoluer en peu de temps, plus locale, et plus gourmande aussi. "Peut-être les gens compensent leur frustration de rester à la maison, en tout cas on vend beaucoup de patisseries !"
 

Certains n'ont pas attendu pour le faire

Alors pour trouver un boulanger vraiment motivé par le 7/7, nous avons recontacté La Boulaga, à Troarn, où un couple s'était vu refuser de vendre son pain sans aucun jour de fermeture.
Début 2019, le tribunal de grande instance de Caen lui avait interdit.
 "Depuis le temps, on s'est organisé", previent Isabelle Perret, la co-gérante. "On installe chaque semaine une petite remorque sur notre parking, pour faire de la vente extérieure, comme sur un marché."
Du coup, ils ont profité de cette dérogation pour être tous les jours au magasin, par sécurité sanitaire.

Il faut être là, de toute façon je ne suis pas dans la mauvaise tranche d'âge

"Il faut être là, de toute façon je ne suis pas dans la mauvaise tranche d'âge. Je me lave les mains entre chaque client, à tel point que je perds presque la peau de mes doigts", prèfère en sourire cette boulangère.

Elle a finalement plus peur pour son entreprise. "On perd 1/3 de notre chiffre d'affaire habituel en semaine, et même la moitié le week-end."
  

Un appel à la solidarité 

Cette ouverture permanente, le groupement artisanal des boulangers pâtissiers du Calvados était contre. "Ca a été pensé surtout pour aider les grosses chaînes, pas les petits artisans", regrette Pierre Serais, son président. "Ils se sont servis du moment pour essayer de faire passer les choses."
Lui même boulanger patissier à Falaise depuis 32 ans, il estime qu'il est difficile de trouver un juste milieu entre ne pas manquer et ne pas perdre. "La production est complètement disloquée en ce moment, avec des gens qui prennent parfois 10 baguettes et ne reviennent pas avant une semaine... Il faut donc que les artisans se concertent pour dans une même rue, ne pas fermer le même jour, et pour ne pas hésiter à renvoyer les clients vers son voisin si on a épuisé son propre stock. "

En échange, il attend aussi une solidarité de la population. "Il faut que les consommateurs jouent le jeu. Nous assumons notre devoir civique pour que tout le monde ait du pain, soutenez-nous. Nous représentons le lien social, l'image de la France."

 
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