En Seine-Maritime, 72 personnes ont perdu la vie l’an dernier, du jamais vu depuis 10 ans. Que faire face à ce constat ? Faut-il revenir à une politique plus répressive ou favoriser la prévention ? Réponses dans Dimanche en politique avec Franck Besnier et ses invités.
Vitesse : 80 ou 90 km/h sur les routes départementales ?
Alors que les conseils départementaux de l’Orne et du Calvados ont proposé de revenir aux 90 km/h sur une partie de leur réseau routier, soit 2 046 kms dans l’Orne et 435 kms dans le Calvados, la ligue contre la violence routière a obtenu du tribunal administratif de Caen, l’annulation à compter du 1er février, des arrêtés pris par les deux collectivités en l’absence de motivation suffisante.
Les études scientifiques qui ont été menées par le Cerema ont montré que ça fait plus de tués, plus de blessés, plus de pollution. Pour nous, ça semble une raison suffisante.
Philippe VayssettePrésident de la ligue contre la violence routière du Calvados
Le 23 janvier dernier, nouveau coup de théâtre avec cette fois la préfecture de l’Orne qui décidait de valider le retour aux 90 km/h sur ces 2 000 kms de routes départementales !
Alors que les conseils départementaux de la Seine-Maritime et de l’Eure n’en font pas une priorité, dans la Manche, une consultation organisée par l’association des maires a démontré que 87% des élus étaient favorables au rétablissement des 90 km/h sur les routes.
La baisse de la limitation à 80 km/h a-t-elle fait baisser le nombre d’accidents et de tués sur les routes ? Chacun a son analyse des chiffres et à ce sujet la ligue contre la violence routière et la ligue de défense des conducteurs ne sont pas d’accord .
Sécurité routière 2022 : des chiffres inquiétants
En Seine-Maritime, ce sont 73 personnes qui ont perdu la vie sur les routes en 2022, contre 41 l’année précédente, soit une hausse de 109% qui inquiète les autorités et qui interroge sur les raisons de cette recrudescence des accidents (826 contre 715 en 2021). Dans les autres départements Normands, en attendant la confirmation officielle par le ministère de l’intérieur, cette hausse du nombre de victimes se confirme. Dans le Calvados, ce sont 33 personnes qui ont été tués contre 28 en 2021.
L’alcool est impliqué dans 31% des accidents mortels, contre 25% pour la vitesse et 8% pour la fatigue et la somnolence mais le comportement des usagers a également changé depuis le confinement de 2020 selon Yves Goasdoué, le président du conseil national de la sécurité routière :
Les chiffres sur la Normandie et les 5 départements ne sont pas bons du tout. Ce que je constate, c’est une augmentation nette des accidents des cyclos, surtout des vélos en agglomération comme hors agglomération parce qu’on a une modification des usages et une amplification des usages du vélo, qui mécaniquement font monter le nombre de kilomètres parcourus et donc le risque. On a la même chose avec en particulier les trottinettes où là on a une explosion.
Yves GoasdouéMaire de Flers et président du conseil national de la sécurité routière
Vélos, trottinettes, motos : davantage de victimes
Peut-on parler de manque d’attention des automobilistes à l’égard des usagers vulnérables, qu’ils soient piétons, qu’ils circulent à moto, à scooter, à vélo ou même en trottinette ? La question de la cohabitation dans les villes est au tout premier plan, des sujets de préoccupation des autorités. Si l’on note une hausse du nombre d’adeptes de transports plus doux (+31% pour les vélos en 3 ans), ils sont également plus exposés aux accidents.
On a un changement de comportement des usagers de la route. Il y a plus de tensions, on sent des comportements qui sont plus crispés, on parle aussi d’incivilités au volant qui sont plus fréquentes. Tous ces comportements sont aussi liés à une pression qui est accrue sur les automobilistes et les conducteurs particulièrement. Quand on est toujours en train de surveiller son compteur par peur de se faire flasher, quand on est obligés de surveiller tout l’environnement autour de soi, on complexifie la conduite, et le 80 km est un sujet qui vient complexifier la conduite pour l’automobiliste.
Nathalie Troussard,Secrétaire générale de la ligue de défense des conducteurs
Motards : il faut améliorer les infrastructures
A moto, un accident a 20 fois plus de risque d’être mortel qu’en voiture. Les dangers sont présents partout et selon la fédération des motards en colère, les infrastructures routières représentent avec 30% des accidents, la principale cause de mortalité chez les motards, alors que le contrôle technique actuellement à l’étude, ne représenterait que 0,3% :
En tant qu’usagers vulnérables, on est plutôt favorables à des infrastructures routières plutôt qu’à un contrôle technique puisqu’elles sont responsables quand même de 30% des accidents pour l’ensemble des usagers.
Gwen-Aël LamoureuxCoordinateur Fédération des motards en colère
Petits excès de vitesse : vers la fin du retrait d’un point ?
Faut-il sanctionner un excès de vitesse qui ne dépasse pas les 5 km/h ? Gérald Darmanin, le Ministre de l’intérieur peut mettre un terme à cette disposition qui selon lui « pénalise la France qui se lève tôt, les ouvriers, les infirmières, les employés », une mesure qui pourrait rentrer en application dès l’été prochain.
A ce jour, 58% des délits concernent ces petits excès de vitesse, ils sont sanctionnés par une amende de 90 euros en ville et 45 euros hors agglomération. Si la quasi-totalité des usagers sont favorables à cette proposition, les représentants de la ligue contre la violence routière s’opposent à ce cadeau du gouvernement au motif que l’an passé, seulement 219 permis ont fait l’objet d’une rétention du permis de conduire, à cause d’un cumul de petits excès de vitesse. De son côté, la ligue de défense des conducteurs a lancé une pétition pour l’abandon du retrait de point, mais aussi de l’amende pour les infractions constatées hors agglomération.
Le permis à points aujourd’hui, il est quand même extrêmement complexe. Il faut attendre six mois pour récupérer la perte d’un point, sauf si entre-temps, on a commis une nouvelle infraction. Les stages de récupération de points, c’est une fois par tranche de douze mois, ça a également un coût d’environ 200 euros. Lorsqu’on perd un point, on n’est pas toujours informé de la part de l’administration donc véritablement, il y a un manque de suivi et un manque de pédagogie très important dans le permis à points.
Maitre Romain LéandriAvocat spécialisé en droit routier
Dimanche en politique, à découvrir ce dimanche à 11h30 sur France 3 Normandie et en replay sur la plateforme France.TV
La prochaine émission Dimanche en politique sera à suivre le dimanche 5 février 2023 présentée par Émilie Leconte depuis Sotteville-lès-Rouen.