En Normandie, « on s’enflamme pour l’hydrogène » : pourquoi un tel engouement ?

Avec un plan national de 9 milliards d’euros, l’Etat met le paquet sur l’hydrogène. Une "bataille pour l’écologie et la souveraineté" énergétique qui se livre en grande partie en Normandie.

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Aux Assises de la Transition, qui se sont tenues les 26 et 27 novembre 2021 à Gruchet le Valasse (Seine-Maritime), nous avons joué à un petit jeu : demander à tous nos interlocuteurs de nous dire en une phrase, pas plus, pourquoi il fallait s’enflammer pour l’hydrogène. Florilège.

Amandine Allard, directrice client pour Transdev Normandie : "On s’enflamme pour l’hydrogène car c’est l’énergie décarbonée pour répondre aux enjeux climatiques".
Emmanuel Schillweaert, délégué régional Normandie pour Engie : "C’est un vecteur énergétique pour décarboner vite et bien".
Virginie Carolo-Lutrot, présidente de Caux Seine Agglo : "Parce que l’hydrogène se fabrique partout pour tout le monde, que c’est une énergie propre qui nous permettra d’avancer et de préserver cette planète".
Régis Coat, directeur du projet Taxi Rail : "Quelque soit son mode de production, ses bénéfices sociétaux seront toujours largement supérieurs à ses inconvénients".

Vous avez dit "engouement" ?

"Etre les leaders de la production d’hydrogène"

Avant d’analyser la folie hydrogène en Normandie, il convient de prendre un peu de recul, et de rappeler qu’il s’agit d’une stratégie nationale. Le 8 septembre 2020, un plan de 7,2 milliards d’euros est annoncé par le gouvernement afin de devenir un acteur mondial du secteur. Il y a deux semaines, Emmanuel Macron rallonge l’enveloppe : 1,9 milliard d’euros sont ajoutés afin de remporter cette "bataille pour l'industrie, pour l'écologie et pour la souveraineté". "Si nous savons être des leaders de la production de l'hydrogène, alors nous construirons la souveraineté » énergétique, explique alors le Président de la République.

Plus de 9 milliards d’euros investis en France d’ici 2030… et en Normandie ? Et bien la Région a été plus rapide que l’Etat, puisqu’elle a lancé un "Plan Normandie Hydrogène" dès octobre 2018. "La Région Normandie a été la première région française à adopter en octobre 2018 son plan de soutien à la filière", peut-on lire sur son site internet. L’investissement : 15 millions d’euros. Mais depuis, les choses s’accélèrent. Selon Virginie Carolo-Lutrot, vice-présidente de la Région Normandie chargée des finances, le plan hydrogène "est doté de plusieurs centaines de millions d’euros". "C’est un plan encore en construction, construit maintenant avec la région Île-de-France. C’est aussi l’émanation de toutes les initiatives locales, comme le vélo hydrogène dans la Manche, les stations EAS-Hy-Mob…"

Dans le milieu de l’hydrogène, on dit qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’un nouveau projet soit annoncé. Ces projets, la Région les recense dans cette carte interactive. Site de production, station de recharge, zone de stockage, mais aussi les recherches menées ou les nouvelles formations : la filière est en pleine effervescence.

Certains projets sont quasiment aboutis, comme le car hydrogène de Transdev Normandie. Selon Amandine Allard, directrice client, ce car doit "rouler sur la ligne Rouen-Evreux en Juin 2022". D’autres projets sont plus abstraits, mais pas moins ambitieux, comme celui de la société H2V, à Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime) : elle doit y construire le premier site français de production d’hydrogène renouvelable.

Sur la zone industrielle de Port-Jérôme, atteindre le terrain où sera construite l’usine n’est pas une mince affaire. Guidés par Aude Humbert, cheffe de projet H2V, nous y parvenons. A partir de 2023, au plus tard, "il y aura ici un peu plus de 20 000 tonnes d’hydrogène renouvelable produit chaque année" explique Aude Humbert. "On sera le premier site de cette taille, c’est un projet d’envergure".

Particularité du projet, qui est loin d’être un détail : l’hydrogène qui sortira des usines de Port-Jérôme sera complètement "vert". Aujourd’hui, près de 95% de l’hydrogène produit en France est dit "gris" : il est obtenu à partir de gaz naturel ou de pétrole, et cela libère du CO2. H2V, en revanche, compte utiliser une technique complètement propre : l’électrolyse de l’eau. Pour faire simple, il s’agit de récupérer l’hydrogène présent dans l’eau – le "H", de H20 – en décomposant la molécule. Comment ? Grâce à un courant électrique injecté dans l'eau. Une électricité qui proviendra de l’éolien ou du solaire.

Si le projet H2V parait vertueux, cela sera-t-il le cas pour tous les autres ? Selon Virigine Carolo-Lutrot, qui est également maire de Port-Jérôme-sur-Seine, "quand vous produisez 1 kilo d’hydrogène gris, vous rejetez 10 kilos de CO2. C’est une empreinte carbone excessive. On a le but ultime d’avoir uniquement des énergies vertes".

L’hydrogène vert, cher à produire

Valérie Rai Punsola, déléguée Régional de France Hydrogène, l’assure : les 9 milliards du plan hydrogène national, "ce n’est pas pour l’hydrogène gris". Mais il faudra du temps avant que l’hydrogène décarboné ne s’impose. Notamment à cause de son prix : selon un rapport publié en octobre 2021 par le CESER normand, "l’hydrogène issu de process émetteurs de GES tels que le vaporeformage du méthane coûte entre 1 et 2,5€ le kilogramme (…). Le coût de production de l’hydrogène vert ou bas-carbone se situe quant à lui dans une fourchette oscillant entre environ 4 et 8€ environ le kg". Selon Valérie Rai Punsoa, "plus on va massifier, plus il y aura d’usage, plus on va baisser les coûts."

Rapport Ceser

Le futur nous dira si le plan hydrogène a fonctionné. Mais on peut se poser la question : tout miser, ou presque, sur ce gaz, est-ce un pari risqué ? Selon Valérie Rai Punsola, "pas tant que ça, car d’un point de vue technologique on sait faire".

Pour Emmanuel Schillweaert, Délégué régional Normandie pour Engie, "on est au début de la filière. Ce n’est pas un pari risqué car on a véritablement des besoins dans l’industrie et dans la mobilité alternative". La technologie est là ; les besoins sont là ; la volonté politique est là. Il n'existe qu'une inconnue : les Français vont-ils adopter l'hydrogène ?

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