Attaque du site Lafarge : neuf militants écologistes face à la justice pour dégradations et séquestration

Neuf militants âgés de 30 à 77 ans comparaîtront les jeudi 19 et vendredi 20 décembre 2024 devant le tribunal correctionnel d'Évreux. Ils sont accusés d’avoir participé à des dégradations sur le site eurois du cimentier Lafarge, à Val-de-Reuil, en décembre 2023. Le procès s’annonce tendu, sur fond de polémique autour de l’antiterrorisme et des pratiques de l’industriel.

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Un an après les faits, ils vont devoir s'expliquer. Neuf militants écologistes, âgés de 30 à 77 ans,  devront rendre des comptes lors d'un procès les 19 et 20 décembre 2024 devant le tribunal correctionnel d'Évreux. Ils sont soupçonnés d’avoir participé à des dégradations chez le cimentier Lafarge-Hocim.

Les faits s'étaient produits dimanche 10 décembre 2023. À l'initiative notamment du collectif Les Soulèvements de la Terre, le site eurois du cimentier Lafarge avait été violemment attaqué par une centaine de militants écologistes cagoulés qui ont ensuite séquestré le gardien et occupé les lieux à l'occasion d'une "journée d'action contre Lafarge et le monde du béton".  

Des dégâts estimés à plus de 450 000 euros

Selon le parquet, le gardien aurait été "séquestré" dans une pièce jusqu'à l'intervention de la police une dizaine de minutes plus tard. "Vêtues de combinaisons blanches, les visages dissimulés et porteuses de gants", selon un communiqué de Rémi Coutin, ces personnes avaient empêché l'agent de sécurité de sortir de son local avant de se livrer à "d'importantes dégradations".

Avant d'être dispersés par la police à l'aide de gaz lacrymogène, ces activistes écologistes avaient inscrit plusieurs tags dénonçant les activités de l'industriel et les soupçons d'un financement de l'État islamique qui pèsent sur le groupe. 

Les dégradations commises sur le site Lafarge de Val-de-Reuil - mousse expansive à l'intérieur de plusieurs appareils, béton dans une arrivée d'eau, un contenant de billes de polystyrène et des sacs de ciment éventrés ou encore vitres brisées - sont estimées à plus de 450 000 euros.

D'autres manifestations avaient eu lieu le même jour un peu partout en France devant des sites du cimentier. Ces actions coordonnées avaient été revendiquées par 200 organisations écologistes et syndicales contre l’artificialisation des terres, ainsi que des comités locaux des Soulèvements de la terre.

L’antiterrorisme saisi et des interpellations "d'une violence extrême"

Quatre mois plus tard, le lundi 8 avril, 17 personnes, "suspectées d'avoir fait partie des auteurs des faits" selon le procureur d'Évreux, étaient interpellées et placées en garde à vue dans le cadre d'une enquête confiée à la Sous-direction antiterroriste (SDAT) de la Direction nationale de la police judiciaire et à la Direction territoriale de la police judiciaire de Rouen. 16 d'entre elles résident en Normandie, dont cinq dans l'Orne. 

Ces interpellations avaient suscité la colère du mouvement écologiste, qu'ils qualifient "d'une violence extrême". "On nous a pointé le fusil d'assaut en notre direction, ils ont forcé nos portes d'entrée, l'un de nos collègues a même été plaqué au sol, menotté et a subi des violences donc des coups de poing au visage et des coups dans le ventre", relate un des interpellés qui va comparaître jeudi.

"Les militant-es écologistes sont trop souvent considérés aujourd’hui par le pouvoir comme des terroristes, alors qu’ils ne sont que des lanceurs d’alerte pacifistes et qu’ils défendent l’avenir de notre planète et des générations futures", s'insurgeait EELV Normandie dans un communiqué.

L'enquête visant ces militants avait été ouverte notamment pour séquestration, destructions/dégradations graves en réunion et violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique sans incapacité.

Un procès très attendu par les militants 

Deux jours avant le début du procès, des militants et leurs avocats se sont exprimés lors d'une conférence de presse en ligne mardi 17 décembre 2024. "On est vraiment dans une procédure qui vise à criminaliser les militants écologistes. On ne sait toujours pas ce qu’on reproche aux prévenus", déplore l'avocate Ainoha Pascual.

Les prévenus, dont un Rouennais et un Ornais, comparaîtront libres et sont sous contrôle judiciaire. Ils sont poursuivis pour dégradations en réunion dans un lieu destiné au stockage de marchandise, séquestration du gardien et association de malfaiteurs en vue de commettre un délit. La peine maximale encourue pour les militants serait de dix ans.

Une tribune appelle à une "mobilisation massive de soutien exceptionnel" devant le tribunal d'Évreux le jour du début du procès. "Nous étions des milliers à nous soulever contre l’empire du béton en décembre 2023. Nous appelons à une mobilisation exceptionnelle les 19 et 20 décembre à partir de 8h30 devant le tribunal d’Évreux pour continuer à dénoncer les vrais coupables." 

Pour empêcher ce rassemblement et maintenir l'ordre public aux abords du tribunal, la ville d'Evreux a jugé nécessaire de mettre en place un périmètre de sécurité et d'interdire "les barbecues, braseros et autres points chauds sur le territoire communal sous peine de sanctions pénales"

Saisi en référé liberté le mercredi 18 décembre 2024, le tribunal administratif de Rouen a finalement suspendu partiellement l'arrêté municipal pris par le maire Guy Lefranc. La manifestation de soutien prévue allée du Miroir d'Eau aura bien lieu "dans le calme", annonce un organisateur. 

Lafarge également dans le viseur de la justice pour financement du terrorisme

Par ailleurs, le cimentier Lafarge avait été mis en examen pour avoir versé plusieurs millions d'euros au groupe terroriste Daesh via son usine, qui était basée en Syrie. Pour rappel, en février 2024, le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis un premier procès contre Lafarge pour "financement du terrorisme" et "non-respect de sanctions financières internationales", mais aussi contre d'anciens dirigeants pour "financement du terrorisme".

"Ce sont eux les vrais terroristes dans cette affaire, Lafarge est complices de crimes en Syrie contre Daesh", pointe du doigt une activiste du Soulèvement de la Terre.

Le procès se tiendra en novembre 2025.

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