Ce n'est qu'un petit projet de construction de 6 éoliennes dans l'Eure, sur le plateau du Vexin, mais il agite les plus hautes instances de l'État. Le Ministère des Armées vient de mettre son véto à moins de deux ans du chantier. En cause : de potentielles interférences avec les radars militaires de la Base 105 d'Évreux. Explications.
Lancé en 2020, ce projet de construction d'éoliennes devait être mis en service en 2027, avec la promesse d'une puissance de 36 mégawatts.
L'implantation devait se faire dans le département de l'Eure, sur le plateau du Vexin, sur le territoire des communes de Mainneville et de Sancourt, comme le montre cette carte du porteur de projet SEPALE, délimitant la zone d'implantation potentielle du parc éolien.
Lors des études préalables, le dossier avait suscité une vive polémique dans la région. Notamment auprès des résidents de ces deux communes, peu enclins à voir l'horizon de leur campagne stoppé par des géants d'acier de plus de 180 mètres de hauteur.
Deux députés avaient même à l'époque pris fait et cause pour les habitants, comme nous vous le racontions dans ce reportage diffusé le 1er juin 2022 sur notre antenne.
La maire de la commune, lui, d'abord opposé au projet, avait fini par donner son accord. La construction de ces éoliennes semblait donc en bonne voie.
Avec la fin de l'enquête publique, le porteur de projet n'avait plus qu'à obtenir le feu vert de la préfecture pour lancer le chantier, attendu pour ce milieu d'année 2024.
Oui mais voilà. Le 18 avril dernier, la préfecture de l'Eure émet l'arrêté suivant :
La demande d'autorisation environnementale concernant le projet d'implantation de six éoliennes sur le territoire des communes de MAINNEVILLE (27150) et SANCOURT (27150) est rejetée.
Préfecture de l'Eure
Mais la préfecture n'aura été, dans ce cas précis, que le messager, puisque dans ce même arrêté, les services de l'État expliquent ce refus par un véto posé en réalité par le ministère des Armées et en particulier la Direction de la sécurité aéronautique et la Direction de la circulation aérienne militaire.
La raison ? L'emplacement choisi se trouve à 48 km de la base militaire 105 d'Évreux et, comme détaille l'arrêté, "l'analyse des spécialiste démontre que ce dernier présente une gêne avérée pour les radars des armées, ce qui n'est pas acceptable en l'état".
Les éoliennes créent des interférences pour les radars militaires
"On a besoin d’avoir une couverture radar d’environ 70 km autour d’une base militaire, nous explique par téléphone un officier de l'Armée de l'Air (qui doit conserver l'anonymat). C'est indispensable en termes de sécurité. En avion, si vos instruments vous donnent des informations erronées, cela peut virer au scénario catastrophe. Et nos instruments peuvent être désorientés par les éoliennes."
En effet, en tournant, les pales des éoliennes créent des perturbations électromagnétiques. Des anomalies qui génèrent des interférences sur les radars, qu'ils soient civils ou militaires.
Alors quelles solutions pour le porteur de projet après toutes ces années d'études préalables ? "En fonction du diamètre et de la hauteur, les éoliennes génèrent plus ou moins d'interférences" glisse l'officier.
Certains projets peuvent donc être modifiés, soit en choisissant un autre emplacement, soit en diminuant la hauteur des éoliennes, et ainsi générer peu voire pas d'interférences pour les radars militaires. Dans ce cas, le ministère des Armées pourrait cette fois valider le projet éolien du plateau du Vexin.
Autre option pour l'exploitant : contester la décision de la préfecture auprès de la cour administrative d'appel. La société a désormais un peu moins de deux mois pour lancer cette démarche. Mais il semble, de toute manière, peu probable que cette juridiction vienne débouter... le ministère des Armées lui-même.