Le 1er janvier prochain, l'Angleterre sortira de l’Europe, mais à un mois de l’échéance, aucun accord n’a été trouvé et le scénario d’un « No Deal » pourrait contraindre certains navires, privés d’accès aux eaux britanniques, à rester à quai.
300 navires normands dans les eaux du Royaume-Uni et des îles Anglo-Normandes
La moitié de la flotte normande dépend des britanniques et le scénario d’un Brexit dur aurait un impact considérable sur la filière puisque que ce sont 300 bateaux, 750 emplois (essentiellement des matelots) et 2250 emplois indirects qui seraient impactés par cette sortie sans accord.Dans la zone des 6-12 milles près de côtes anglaises, l'an dernier, 60 bateaux normands ont pêché 1700 tonnes de produits. «C’est très préoccupant » estime Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches.
70% des produits débarqués dans les ports Normands proviennent des eaux britanniques. Les ports de la Manche, Cherbourg, Granville et Carteret seront les plus touchés, c’est une manne de 20 millions d’Euros chaque année qui dépend de l’Angleterre.
Les normands à la recherche de nouvelles zones de pêche
Exclus des eaux anglaises, les bateaux vont chercher d’autres zones de pêche notamment en Baie de Seine. Si un mur s'érige entre l’Europe et l’Angleterre, il faudra trouver de nouvelles zones près des côtes françaises. « On va tous se retrouver dans les mêmes secteurs notamment dans la baie de Seine déjà exploitée par les plus petits bateaux qui pratiquent la pêche côtière. On sera peut-être contraints de laisser les bateaux à quai avec des aides versées par l’Europe. » estime Sophie Leroy PDG de l’Armement Cherbourgeois, une société qui possède 4 chalutiers hauturiers à bord desquels sont embarqués une quarantaine de marins.
« Une sortie sans accord, ce serait une catastrophe pour nous, on va perdre 70% de notre chiffre d’affaire » ajoute Sophie Leroy qui ne cache pas son inquiétude à l’idée de devoir dire à ses marins de rester au port.
Un caillou dans la botte des Anglais
Si les pêcheurs normands s’inquiètent d’un « Brexit sans accord », de leur côté, les Britanniques risquent d’être les grands perdants puisqu’ils exportent 70% de leurs poissons en Europe et la France est « un gros client » explique Dimitri Rogoff. "Une grande partie du poisson frais que l’on trouve sur nos étals vient du Royaume Uni, c’est vrai pour les filets d’aigle fin, de cabillaud, de merlu."Si les Anglais ne débarquent plus chez nous, on manquera de poisson car on n’est capable de livrer que 40% de poissons frais vendu en France.
Un moyen de pression sur les britanniques
Pour Stéphanie Yon-Courtin, députée européenne qui siège à la commission pêche à Bruxelles, il ne faut pas laisser Boris Johnson imposer ses règlesTous les scénarios sont possibles, ce que l’on essaie de faire, c’est que les pêcheurs français continuent à avoir accès aux eaux britanniques, la pêche ne doit pas être la variable d’ajustement, on a un moyen de rétorsion en empêchant les produits britanniques d’être écoulés dans toute l’Europe.
L’accord Jersey - Guernesey dans la balance ?
« Il y a un mois, le gouvernement britannique a voulu nous interdire l’accès aux îles Anglo-Normandes mais le projet est tombé à l’eau » rappelle Dimitri Rogoff qui voit dans la stratégie des Anglais une manière de faire pression sur la France tout en rappelant que les accords de la Baie de Granville (Jersey-Guernesey) sont des accords historiques qui répondent à d’autres règles que celles du Brexit. Une centaine de navires normands en dépendent.Boris Johnson peut-il repousser encore les négociations ?
Le 1er ministre britannique joue la montre, un accord était annoncé pour le week-end du 28 Novembre, une décision qui était « imminente » mais en ces premiers jours de décembre, il n'y a toujours aucun texte, tout juste quelques bribes de scénarios comme la possibilité d’échanger des quotas de pêche entre l’Europe et L’Angleterre, Boris Johnson ayant demandé un temps de négociation supplémentaire jusqu’au 10 décembre.Affaire à suivre... mais le temps presse sérieusement.