Le linge contaminé, futur ennemi des Ehpad dans la guerre contre le coronavirus

En pleine épidémie de Covid-19, pas question de laver son linge sale en famille, confinement oblige. Désormais, tous les résidents des Ehpad bénéficient des services internes.; un regain d'activité, une réaction en chaîne, et un casse-tête annoncé à l'approche du pic épidémique en Normandie.
 

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Imaginez : vous êtes aide-soignant aux Séréniales, un Ehpad de Bretteville-sur-Odon, près de Caen. C'est l'heure de relever le linge d'un patient en pleine crise autour du coronavirus. Vous ne savez pas s'il est infecté, mais on suspecte un cas dans l'établissement et vous suivez le guide fourni par la maison-mère :
  
1. Équipez-vous de la tête aux pieds : gants, surchaussures, charlotte, surblouse à manches longues, masque et lunettes à usage unique.

2. Vous pouvez pénétrer dans la chambre du résident. Attention, il faut déplacer chemises, pantalons, draps et gants de toilette à bout de bras, sans les secouer, sans toucher la blouse.  

3. Déposez votre magot dans un sac hydrosoluble "doublé d'un sac poubelle". Nouvel avertissement : ils ne doivent jamais entrer "en contact direct avec le sol ou tout autre surface".

4. Vous pouvez - devez - enlever votre équipement de protection dès que vous êtes sorti de la chambre.

5. Immédiatement, vous pouvez - devez - dès à présent prendre une nouvelle paire de gants pour attrapper à nouveau la poignée des sacs et les déposer dans un chariot spécifique, direction la lingerie. Celui-ci devra bien sûr être désinfecté entièrement après utilisation.  

6. Ce chariot devra attendre en zone "sale", car il sera lavé dans un petite machine, à part. Dès que vous vous repasserez en zone normale, avec le reste du linge, vous serez priés de bien vouloir changer de matériel de protection, pour la troisième fois.

Félicitations, vous venez de faire une lessive en pleine crise du coronavirus. Vous pouvez passer au résident suivant. 

À grande échelle, il s'agit là d'une fiction pour le moment. Actuellement, ce protocole a été appliqué pour un seul patient, dont on suspectait (suspicion levée depuis) qu'il ait été infecté par le coronavirus. Mais à l'aune du pic épidémique en Normandie, les établissements se mettent en ordre de bataille sur le front de la logistique notamment. Dès le premier degré de propagation, soit la simple suspicion de cas, "tout le sale doit rester à l'intérieur", souligne Patrice Machuret, directeur des Séréniales de Bretteville-sur-Odon."La chambre devient un bloc opératoire". 

Dans cette maison de retraite dédiée aux personnes âgées dépendantes, un seul cas repéré ou isolé trop tard suffit à faire dérailler toute la machine. "On déclare de plus en plus de cas suspects, raconte le responsable. Même pour des symptômes dits 'bâtards', comme une diarrhée ou des vomissements, car ce sont des signes cliniques qu'on a pu observer chez certains patients atteints du Covid-19."

 


 

Le linge, "la faille dans le système" 

Sylvain Meissonnier, directeur adjoint de la Mutualité française en Normandie, gestionnaire de six Ehpad dans la région. Selon lui, le linge représente "la faille dans le système". Un détail logistique capable de dévoiler les "logiques administratives qui ont fait que nous ne pouvons pas nous permettre des souplesses, des logiques qui prévalent sur le bien-être des patients". Sur les 600 résidents dont il a la charge, près de 250 confiaient leurs vêtements sales à leur famille. Mais depuis le 11 mars et le confinement des Ehpad, ces dernières ont interdiction de rendre visite à leurs aînés. Résultat : il faut bien absorber cette activité supplémentaire, tout en réduisant de moitié le nombre de rotations liées aux lessives, une partie du personnel étant en arrêt maladie ou classée parmi les profils à risques. "Et nous ne sommes pas au coeur de la crise en Normandie ! Vous imaginez la situation quand on aura un cas avéré dans un Ehpad ?", se prend il à conjecturer. Nous n'avons ni le matériel, ni le personnel, ni les formations pour encaisser."

Quel risque le linge comporte-t-il exactement ? Combien de temps le virus reste-t-il sur les tissus ? Pour quelle charge virale? Les deux directeurs d'établissement que nous avons contactés n'ont pas la réponse, les études étant trop peu nombreuses pour le savoir. "On sait que le virus est probablement aérosolisé, c'est à dire qu'il peut se disperser dans l'air dans certaines situations", avance Sylvain Meissonnier. "Quoi qu'il en soit, on ne prendra évidémment aucun risque", rejoint Patrice Machuret. Un seul cas de suspicion, et c'est déjà la grosse claque, il faut tout réorganiser".


 
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