Une boulangerie ferme pendant les fêtes, faute de personnel : "sinon on va y laisser notre peau"

La boulangerie L'Amandine à La Haye-Pesnel (Manche) est fermée du 23 décembre au 2 janvier, dans une période pourtant cruciale. Mais la maison ne trouve pas de salariés pour faire face aux commandes et le patron est "épuisé". Il baisse le rideau. C'est "un crève-cœur".

Le mot s'affiche fièrement sur la devanture : "Artisan". Le sapin de Noël scintille à l'entrée. La boutique sent bon. Les pâtisseries sont impeccables et les viennoiseries accrochent l'œil. Le pain croustille.

Faute de personnel, la boulangerie ferme pendant les fêtes

"Tout est fait maison", insiste la patronne Jennifer Gelin. En temps normal, ce n'est qu'un motif de fierté, mais quand les bras viennent à manquer dans le fournil, c'est une source d'inquiétudes. 

"On a cherché, on a publié des annonces sur les réseaux, poursuit Jennifer. Nous avons eu une ou deux candidatures de gens sans expérience, mais pendant la période des fêtes, le personnel doit connaître le métier parce qu'on n'a pas le temps de former."

Une décision a été prise, radicale : la boulangerie ferme pendant les fêtes de fin d'année. 

On sait qu'on ne pourra pas répondre à toutes les commandes. Et pourquoi dire oui à certains et non à d'autres. C'est tout le monde ou personne. C'est une grosse perte de chiffre d’affaires mais on n'a pas le choix. On ferme.

Jennifer Belin

Boulangerie de La Haye Pesnel

L'Amandine est la seule boulangerie de La Haye-Pesnel, un bourg de 1 600 habitants situés dans le sud de la Manche. C'est peu dire que cette fermeture inattendue n'est pas toujours comprise.

"Les gens sont outrés", dit un client. "Je suis déçue, ajoute une habituée. Je sais que c'est le problème dans pas mal de métiers, mais je ne comprends pas". En sortant de la boulangerie, un monsieur résume : "on va devoir aller acheter du pain industriel".

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Jérôme Belin se dit "épuisé" et s'alarme de ne plus trouver de personnel ©France 3 Normandie

La boulangerie et ses horaires décalés...

Dans le fournil, le patron n'entend pas ces récriminations et c'est peut-être mieux ainsi. Les larmes aux yeux, il vide son sac : "Avant, ici, nous étions six. Nous ne sommes plus que trois. J'ai un boulanger et un apprenti à mes côtés. Mon pâtissier est en arrêt après un accident de voiture. Les fêtes, c'est énormément de travail, mais si on ne peut pas produire, comment on fait ?"

L'équipe voyait s'avancer les fêtes de fin d'année avec une certaine appréhension. Le pain, les pâtisseries, les bûches, les petits fours : c'est la période la plus chargée de l'année. "On est là depuis neuf ans. Aujourd'hui, je fais deux journées en une. Les heures qu'on fait, ça n'est plus possible", explique Jérôme Belin.

"Je suis écoeuré d'être fermé à Noël"

Devant le four, Vincent Cherrier prépare une fournée de baguettes. C'est aujourd'hui un boulanger salarié décontenancé. "On aime fabriquer le pain, les bûches. C'est la période difficile, mais c'est ce qu'on adore faire." Les baguettes cuisent. Vincent passe un œil à travers le hublot du four pour les regarder blondir. "Je suis dans la boulangerie depuis 20 ans. C'est une passion". Le métier peine pourtant à recruter.

Je suis écœuré d'être fermé à Noël. J'avoue que je n'arrive pas à comprendre. Plus personne ne veut venir travailler les week-ends et les jours fériés.

Vincent Cherrier

Boulanger salariés à La Haye-Pesnel

Les bras manquent. L'énergie s'épuise. La mort dans l'âme, Jérôme a donc préféré prendre cette décision qu'il sait difficilement compréhensible. "C'est un crève-cœur, mais je ne voulais pas courir le risque de ne pas être à la hauteur et de décevoir les clients qui nous font confiance toute l'année".

Une fois n'est pas coutume, il peut profiter des fêtes de fin d'année. "La dernière fois que j'ai passé un Noël en famille, j'avais 14 ans. Ma fille a 20 ans, je n'ai jamais fait de réveillon avec elle. Cette fois, je suis là." Maigre consolation.

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