Brexit: malgré l'accord de pêche signé avec les Anglais, des bateaux normands exclus au 1er janvier?

La subtilité d'un accord se niche parfois dans les détails. Les pêcheurs normands avaient déjà besoin d'une licence pour pêcher dans les eaux de Guernesey. Le 1er janvier, il leur faudra aussi une licence pour travailler dans les eaux anglaises. Impossible à obtenir dans le délai.

Le Brexit n'a pas fini de faire tourner les têtes. L'accord de pêche a, certes, été réglé dans les grandes lignes, avant Noël. Mais dans le détail, la mise en pratique risque de s'avérer un peu plus délicate. 

Ainsi, un détail vient perturber le consensus espéré : les bateaux européens qui pêcheront dans les eaux anglaises devront, dès le premier janvier, présenter une licence, sous peine d'amende en cas de contrôle.

Quelle licence ? la petite nouveauté

La ministre avait bien parlé de changement majeur au moment de l'annonce de l'accord trouvé entre l'Europe et Bruxelles,"mais pas de licence obligatoire pour aller pêcher dans les eaux anglaises", entend-on dans les ports normands ces dernières heures. Car l'inquiétude grandit avec le manque d'explication.

"C'est un accord que l'on découvre peu à peu depuis quatre jours, en anglais et pas toujours facile à comprendre pour nous", reconnaît Dimitri Rogoff, le président du comité régional des pêches de Normandie. Après le soulagement de l'entente signée in extremis, c'est 1250 pages d'un accord commercial complexe qui s'offre aux pêcheurs normands.

" Il y a effectivement, le souci de cette licence qu'on nous demande de présenter dans les eaux anglaises dès le premier janvier, et qui est différente de celle déjà demandée pour Guernesey. Depuis le 24 décembre, on n'a pas eu le temps de remplir le moindre dossier de demande. Mais j'ose espèrer qu'il y aura une tolérance et que ça va se régler dans le temps."

 

Dans la soirée du 29 décembre, le Comité régional des Pêches s'inquiétait dans un communiué de presse : "Il court une rumeur dans les administrations françaises selon laquelle les Britanniques contrôleront et sanctionneront tous les navires CEE, dont les Français, qui seraient dans leurs eaux tant qu’ils n’ont pas été identifiés, listés et transmis par l’Union Européenne." Personne ne connaissant vraiment la durée nécessaire des démarches, certains côtiers ou hauturiers craignent d'être bloqués en France, pendant de longues semaines ou mois. 

Dans un message sur Facebook, à l'annonce de l'accord, Dimitri Rogoff avait appelé à la prudence plutôt qu'à la fête, tant que l'accord n'était pas lu dans ses petites lignes. Il se félicite aujourd'hui d'autant de sagesse :

"Restons prudents. Oui nous sommes satisfaits parce qu'on a évité le no deal, la peche n'a pas été sacrifiée au profit d'enjeux plus importants, elle a tenu jusqu'au bout. Dès le 1er janvier on entrera dans ce nouveau monde qui ne sera pas malheureusement meilleur que le précédent. En fait je ne crois pas au Père Noël avec une redingote couleur Union Jack."

#Brexit Ce matin je suis, à moitié, d'humeur joyeuse parce que Noel va être l'occasion avec la distanciation nécessaire...

Publiée par Dimitri Rogoff sur Vendredi 25 décembre 2020

 

 Sophie Leroy, à la tête de 5 bateaux cherbourgeois, ne peut pas se permettre un écart le premier janvier. La dernière fois que sa société familiale (l'Armement Cherbourgeois) a payé une amende aux anglais, c'était encore en francs et un pv avoisinant les 30 000 euros avait été dressé. 

C'est difficile de prendre une décision d'ici vendredi. Le premier janvier c'est dans 72 heures !Vu le contexte, je n'ai pas les moyens de payer une telle somme si je me fais arraisonner. J'ai peur pour mes bateaux et suis inquiète pour mes salariés qui sont tous en ce moment dans les eaux anglaises et qui, vu la météo difficile, s'abritent près des côtes britanniques.

Sophie Leroy, à la tête de 5 bateaux et 50 pêcheurs envoyés dans les eaux anglaises

Un blocage administratif entre Noël et la Saint-Sylvestre

Ainsi sans le sésame, cette fameuse licence citée dans l'accord, aucun bateau européen n'est autorisé à rester le premier janvier dans les eaux anglaises ? "C'est ce qu'on comprend, oui. Au ministère on nous assure que la continuité nous est garantie. Mais quand on leur demande de nous l'écrire noir sur blanc pour présenter ce papier aux autorités anglaises, en cas de contrôle. On ne nous répond plus", précise Sophie Leroy.

 

En l'absence de cette garantie, elle comme d'autres envisagent de quitter les eaux anglaises le 31 décembre avant 23H. Une perte importante. "Pêcher ailleurs ne sera pas rentable pour nous. On a besoin d'aller là-haut, en Angleterre, car à cette saison le poisson est de ce côté. Rester plus bas, au milieu de la Manche, dans les eaux européennes pour ne rien faire et prendre autant de risque pour mes pêcheurs, vu la météo exécrable, c'est pas la peine", regrette t-elle.

Une tolérance accordée le temps de régler administrativement les dossiers serait la bienvenue. "Mais qui peut nous l'octroyer : les Anglais ? Bruxelles ? D'ailleurs quels sont les critères pour obtenir cette licence? On n'en sait rien du tout", rien ne serait précisé dans l'accord initial. La pilule passe mal, à quelques jours de la deadline, après tant de discussions menées entre Bruxelles et Londres.

 Le ministère de la pêche d'Annick Girardin, a prévu une visioconférence le 31 décembre, avec l'ensemble des représentants de pêcheurs. Une ligne de conduite sera certainement décidée pour qu'une nouvelle guerre des mers entre Anglais et Normands, ne reprennent pas plus vite que prévu.

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