EMPLOI. Recruter autrement grâce au sport. "Je rencontre les employeurs en jogging et on se tutoie !"

Ils courent après un job. Dans la Manche, à Cherbourg, une journée de recrutement d'un nouveau genre était organisée. Le principe ? Employeurs et demandeurs d'emploi ont participé ensemble à des activités physiques. Un "job dating" ludique en abandonnant le traditionnel CV. Reportage.

De la course à pied ou encore du saut en longueur. À Cherbourg, en ce mardi 17 octobre 2023 sur la piste d’athlétisme du stade Maurice Postaire, une centaine de sportifs enchaînent des exercices physiques. Répartis en équipe, ces athlètes participent à une dizaine d’ateliers sous les encouragements et les applaudissements de leurs coéquipiers. Jusqu’ici, rien d’étonnant, à une particularité près : ces Manchois sont tous à la recherche d’un emploi.

Courir après un emploi

Recruteurs et demandeurs d’emploi ont enfilé tenues de sport et dossards spécialement pour cette journée de job dating intitulée "du stade vers l’emploi". L’événement, organisé par Pôle emploi à Cherbourg, consiste à réunir des demandeurs d’emploi et aussi des recruteurs. Mais CV et tenues correctes ne sont pas exigés.

Baskets au pied, ils participent ensemble aux ateliers, durant la matinée. Sans dévoiler leur identité, les employeurs se prêtent au jeu et font équipe avec les demandeurs d’emploi, tout en observant les comportements des sportifs d’un jour. "L’objectif est de casser les codes du recrutement en étant attentif au savoir-être, à l’esprit d’équipe et au relationnel", explique Marie Bon, qui tente de passer incognito, entre deux séries de pas chassés. Derrière ses lunettes, rien n’échappe à cette chargée de recrutement pour le magasin Leclerc : "on voit les gens tels qu’ils sont plutôt que de se retrouver autour d’une table en se regardant dans le blanc des yeux !". Elle a dans son viseur un candidat "qui est prévenant et qui communique bien avec les autres membres de son équipe" dans le cadre de ces exercices physiques.

En Normandie, le taux de chômage est de 6,7 % et dans la Manche il s’élève à 5 %.

David Lefebvre, directeur de l’agence Pôle emploi de Cherbourg-centre

Recruter "sans chichi"

Ce dispositif de recrutement informel est proposé avec le soutien des fédérations sportives. Il existe en France depuis trois ans et il a fait ses preuves. Après ce type d'opération, "60% des participants demandeurs d'emploi sont recrutés", explique David Lefebvre, directeur de l’agence Pôle emploi de Cherbourg-centre, l'un des rares ce jour-là à porter un costume sur les pistes d'athlétisme.

En Normandie, une petite vingtaine de job dating de ce nouveau genre ont eu lieu depuis 2022, mais c'est une première dans la Manche. "Dans notre département, le taux de chômage est très bas. Il est de 5% et cela accroît les difficultés de recrutement", précise David Lefebvre à quelques mètres de la puissante sono qui rythme en musique la séance de sport. Avant de poursuivre : "Car moins il y a de demandeurs d’emploi, plus ils sont éloignés du marché du travail et moins ils ont l’habitude des entretiens".

"Ça fait du bien de ne pas se faire juger sur son CV ou son niveau d’études".

Rachel Douesnard, demandeur d'emploi

Un recrutement "sans chichi", insiste David Lefebvre, qui séduit les participants. "Je rencontre les employeurs en jogging et on se tutoie !" s’amuse Sandrine Gosselin, à la recherche d’un poste dans l’industrie nucléaire ou navale. "Ça change des entretiens très guindés, très formels qui me mettent mal à l’aise", avoue cette quadragénaire.

"Je trouve le concept super sympa ! Même si je ne suis pas une sportive de ouf je participe à mon rythme", ajoute Rachel Douesnard, qui cherche à se reconvertir en gériatrie. Avant de prendre son élan pour sauter, elle ajoute : "ça fait du bien de ne pas se faire juger sur son CV ou son niveau d’études".

Je suis déçue. J'ai déjà postulé dans plusieurs entreprises représentées aujourd'hui. J'espérais rencontrer des recruteurs dans le domaine de l'énergie, du nucléaire ou de l'industrie navale.

Sandrine Gosselin, demandeur d'emploi

Levée de l'anonymat

13h15, les masques tombent. La centaine de participants, toujours en tenue de sport, a désormais un dossier sous le bras. Les recruteurs, issus d'entreprises de secteurs différents, dévoilent leur identité les uns après les autres, en prenant la parole au micro : "Si vous aimez travailler avec des enfants qui font du bruit, venez me rencontrer !", suggère avec humour une animatrice jeunesse. "On propose des missions d'intérim dans le BTP", lance un recruteur. "Nous sommes à la recherche de nos nouvelles super nounous et fées du logis", poursuit une autre chargée de recrutement. Une fois les présentations faites, les demandeurs d'emploi rencontrent les employeurs à la recherche de main d'œuvre.

Les entretiens sont informels. Installés sur des tapis, les candidats échangent avec les recruteurs sans fournir le traditionnel CV. Côté employeur, les activités physiques partagées quelques heures plus tôt ont porté leur fruit. "Il y a beaucoup de participants qui n'auraient pas postulé chez Leclerc et qui sont quand même venus me rencontrer", constate Marie Bon, chargée de recrutement dans cette enseigne. Les ateliers permettent aussi d'engager la conversation plus facilement : "on a couru ensemble tout à l'heure !", s'exclame Marie Bon, en retrouvant son coéquipier d'un jour et éventuel futur collaborateur. "C'est marrant ! Ça enlève la pression, car on a appris à se connaître au fur et à mesure des ateliers", remarque amusé Yann Lepoittevin, candidat pour travailler au drive du magasin. 

Certains se réjouissent des prises de contact, mais d'autres sont déçus, à l'image de Sandrine Gosselin. "J'ai déjà postulé dans plusieurs entreprises représentées aujourd'hui. J'espérais rencontrer des recruteurs dans le domaine de l'énergie, du nucléaire ou de l'industrie navale", admet cette Manchoise avec amertume. Même si elle repart bredouille sur le plan professionnel, cette journée lui a permis de se lier avec ses camarades de jeu du jour. "Ça fait du bien de sortir de chez soi et de rencontrer du monde !", se réjouit la quadragénaire, qui a parfois la sensation d'être isolée en tant que demandeur d'emploi. "On a créé une amitié !" poursuit l'une de ses coéquipières, avant d'ajouter : "donne-moi de tes nouvelles et tiens-moi au courant quand tu auras trouvé ton bonheur".

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