Un an après la rupture du "contrat du siècle" qui prévoyait l'achat de 12 sous-marins à la France, l'Australie est en plein doute. Les chantiers navals de ses alliés américains et britanniques sont surchargés. L'Australie risque de se retrouver sans sous-marin d'ici 2040. Alors pourquoi ne pas se tourner à nouveau vers la France, et les chantiers navals de Naval Group à Cherbourg ?
C'était il y a un an, jour pour jour, la France estimait avoir reçu "un coup dans le dos". C'était les propos de Jean-Yves Le Drian, alors ministre des Affaires étrangères. Signé depuis 2016, un contrat à 56 milliards d'euros liait la France et l'Australie pour la fourniture de 12 sous-marins Attack, dérivés des sous-marins nucléaires français Barracuda. Mais le 15 septembre 2021, l'Australie décidait d'annuler ce contrat. Son argument d'alors : il lui fallait finalement des sous-marins à propulsion nucléaire et non plus à propulsion diésel-électrique comme initialement commandés. Et c'est vers les Etats-Unis et le Royaume-Uni qu'elle s'était tournée. Depuis les relations franco-australiennes étaient au plus bas.
Les chantiers navals américains et britanniques sont surchargés
Mais les américains vont bien avoir du mal à fournir des sous-marins à l'Australie dans les temps impartis. D'après le journal Challenges, le chantier naval de Groton (Connecticut) a déjà le plus grand mal à livrer les navires destinés à l’US Navy.
"Si nous devions ajouter des sous-marins à livrer à notre base industrielle, cela nous serait préjudiciable", déclarait début septembre le contre-amiral Scott Pappano, directeur des sous-marins stratégiques de l'US Navy.
Du côté britannique, le ministre de la Défense Ben Wallace a déclarait début septembre que les sous-marins "Astute" ne seraient plus construits après la livraison du septième exemplaire à la Royal Navy, en fin de décennie 2020. Le temps du développement d'un nouveau-modèle de sous-marin risque de repousser les modèles australiens à l’horizon 2050, au mieux, selon le site Challenges.
L'Australie peut donc craindre des livraisons trop tardives et elle estime qu'en 2040 elle n'aura plus de sous-marin, quand ses 6 sous-marins actuels, les Collins, arriveront en fin de vie.
Un divorce qui a coûté cher à l'Australie
Après la rupture du contrat en septembre 2021, il a fallu solder les comptes. En juin, l'Australie a dû verser 555 millions d'euros de compensation à Naval Group. "Si l’on additionne cette indemnité, les paiements déjà effectués à Naval Group et aux autres industriels, ou encore la construction du chantier naval d’Adélaïde, on arrive à un coût total de 4 milliards de dollars australiens (2,7 milliards d’euros), estime Marcus Hellyer, analyste défense au think tank Australian Strategic Policy Institute (ASPI), basé à Canberra. Tout cela en pure perte, pour un programme qui n’a rien livré."
Mais ce versement de 555 millions d'euros a été accueilli par la France comme "un accord important" et pour le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, la possibilité "d'ouvrir une nouvelle page dans notre relation bilatérale avec l'Australie" et de "regarder vers l'avant".
Un premier rapprochement entre la France et l'Australie en juillet
En juillet dernier, Anthony Albanese, le nouveau premier ministre australien, a fait le voyage à Paris. Emmanuel Macron en aurait profité pour lui proposer une livraison de 4 sous-marins construits non pas en Australie, comme le prévoyait le contrat originel, mais à Cherbourg.
Il est normal que la France essaye de saisir une opportunité car nous avons des compétences, nous avons des savoirs faire, nous avons des matériels de haute qualité. Ce n’est pas pour rien qu’on avait signé ce contrat avec l’Australie.
Anne Genetet, députée Renaissance et secrétaire de la commission défense à l’Assemblée.Journal du 15/09/2022 France Inter
Le 1er septembre dernier, Richard Marles, le ministre de la Défense australien était reçu à la base navale de Brest par Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Une visite qui marque la reprise des relations entre la France et l'Australie et relance l'hypothèse de nouveaux contrats.
Le ministre australien de la Défense dévoilera sa stratégie complète concernant les sous-marins en mars 2023.