L'association Manche-Nature a porté plainte au commissariat de Coutances après la manifestation de la Coordination rurale qui a visé son local et les bureaux de l'Office Français de la Biodiversité le 26 novembre. À Rouen, le même jour, la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs s'en sont pris à l'Agence de l'Eau. France-Nature Environnement dénonce "une escalade de haine et de violence".
"Ils vont voir ce que c'est un nuisible" : un agriculteur brandit un cadavre de renard avant de l'accrocher devant la porte d'entrée des bureaux de l'OFB. Le mardi 26 novembre, la Coordination Rurale de la Manche avait décidé de s'en prendre à l'Office Français de la Biodiversité. "Quand, ils viennent chez nous, ils sont armés, comme si nous étions des délinquants", s'emporte Yannick Bodin, le président du syndicat.
L'argument fait amèrement sourire Alain Millien, administrateur de l'association Manche-Nature. "L'OFB, c'est la police de l'environnement et s'ils sont armés, c'est qu'ils sont parfois menacés. Est-ce que la Coordination Rurale va faire la même manifestation devant une caserne de CRS ? "
Fumier et cadavres d'animaux
"Nous, on estime que l'OFB doit avoir un rôle pédagogique et c'est tout", estime le président de ce syndicat, connu pour ses actions musclées. "Pendant ce temps-là, les sangliers prolifèrent et détruisent les cultures et on ne fait rien". Les manifestants s'en vont en laissant derrière eux un cadavre de renard, des peaux et une tête de sanglier posée sur un tas de terre.
Quelques instants plus tôt, ils avaient manifesté devant le local de Manche-Nature, une association qui, depuis des années, défend le droit de l'environnement dans les tribunaux. "Ils n'ont pas pu venir avec leurs tracteurs car la rue est étroite", explique Alain Millien. Des pneus ont été déposés devant la porte pendant que le mur était tagué.
Les écologistes face à l'impunité des agriculteurs
"Avant, ils faisaient ça en catimini. Là, les gars se filmaient. C'est la première fois que je vois des dirigeants de la Coordination Rurale qui s'affichent et qui agissent à visage découvert. Ils savent qu'ils ont un passe-droit pour faire ça", déplore Alain Millien qui est allé déposer plainte le lendemain matin au commissariat de police de Coutances. Sans grande illusion.
Dans un communiqué, France Nature Environnement dénonce un "deux poids, deux mesures" : "les militants et associations écologistes sont criminalisés, désignés comme écoterroristes et portés devant les tribunaux, quand les membres de certains syndicats agricoles agissent en toute impunité". L'association exige que des enquêtes soient conduites et que les auteurs des dégradations fassent l'objet de poursuites.
À Rouen, le syndicat majoritaire avait choisi de s'en prendre à l'Agence de l'Eau Seine-Normandie. La FDSEA et les Jeunes Agriculteurs de Seine-Maritime. Ce 26 novembre, des bennes de fumier et de déchets sont vidées devant l'immeuble de cette institution à qui il est reproché d'imposer des règles jugées trop contraignantes. "C'est le symbole de la suradministration française", déplore un manifestant.
L'épandage, les amendements des sols, le ruissellement des eaux, tout est strictement encadré, ce qui fait bondir le président des Jeunes Agriculteurs de Seine-Maritime : "Nous, ce qu'on demande, c'est de pouvoir faire ce qu'on veut quand on veut, revendique Jérôme Malendin. C'est normal qu'il y ait des lois, mais on veut avoir une marge d'erreur afin de pouvoir exercer notre métier en fonction de la météo".
"Une remise en cause de ce qui permet de protéger l'environnement"
Dans son communiqué, France-Nature Environnement et Manche-Nature apportent leur soutien à l'OFB et à l'Agence de l'Eau "face à la campagne de dénigrement général que ces agences subissent depuis plusieurs mois de la part de certains syndicats agricoles". FNE Normandie dénonce aussi "les actions violentes et les discours de haine de la part de la Coordination Rurale ou d'autres syndicats agricoles" contre des associations écologistes.
À Coutances, Alain Millien observe avec un certain désarroi ces actes d'intimidation. "Il y a quelques années, l'ancien président Sarkozy a déclaré que 'l'environnement, ça commençait à bien faire'. Certains politiques tiennent des propos irresponsables et maintenant, on a des manifestants désinhibés à qui on fait croire que les normes empêchent de travailler. Nous assistons à une remise en cause de tout ce qui permet de protéger l'environnement, la biodiversité et au final, notre santé".