Une trentaine d'agriculteurs normands se sont rassemblés ce lundi 18 novembre 2024 devant la préfecture de Caen pour dénoncer l'accord de libre-échange du Mercosur ainsi que leurs conditions de travail de plus en plus difficiles.
Ils étaient une petite trentaine d'agriculteurs rassemblés devant la préfecture de Caen, ce lundi 18 novembre à midi. Accompagnés de quelques tracteurs et de banderoles revendicatives, ils ont répondu à l'appel de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) et des Jeunes agriculteurs du département.
Si l'ambiance n'est pas à l'agressivité, du moins pour le moment préviennent-ils, l'exaspération se fait fortement sentir parmi les exploitants. La majorité d'entre eux était déjà mobilisée lors des blocages il y a un an et tous regrettent le manque de solutions apportées depuis.
Nous avons tendu notre micro à deux agriculteurs présents, voici leurs témoignages :
Voir cette publication sur Instagram
"En dix mois, la situation n'a pas bougé d’un centimètre", s'impatiente l'éleveur et céréalier Nicolas Langin, président des jeunes agriculteurs de Pont-L’évêque (Calvados). "Au printemps, on avait des revendications sur la loi Egalim, le gasoil pour les non-routiers, la simplification administrative... beaucoup de ces choses-là n’ont pas bougé".
Ce dernier point cristallise particulièrement les tensions chez les jeunes agriculteurs manifestant sous la pluie. "Dans leurs bureaux, c'est peut-être très simple, mais nous sur le terrain ça n’a rien de simple et ça nous prend du temps et de l’énergie. On est agriculteurs, pas secrétaires", poursuit le céréalier Maxime Cotard.
Ils regrettent cette multitude de tâches à assumer, entre comptabilité, suivi du prix des céréales et millefeuille administratif, qui ne permettent pas de se concentrer sur leur cœur de métier : l'élevage de leurs animaux et l'attention à leur bien-être.
"C’est honteux, il y a de quoi tomber fou"
L'une des causes de leur exaspération grandissante est l'accord de libre-échange entre les pays du Mercosur avec l'Union Européenne, examiné lors du G20 qui s'ouvre ce lundi au Brésil. Les agriculteurs redoutent une concurrence déloyale de ces produits, qui n'ont pas les mêmes normes que celles imposées par l'Union européenne.
Jusqu'à 100 mille tonnes de viande pourront être importées des pays d'Amérique du Sud. Des pièces nobles comme des côtes de bœufs ou des filets provenant d'animaux potentiellement nourris aux hormones ou avec des antibiotiques interdits dans l'UE.
Nous, on est obligés d'être à la ligne avec les normes et là on voit qu’on importe des viandes étrangères qui ne respectent rien, c’est honteux, il y a de quoi tomber fou ! On n'est pas du tout valorisé par rapport à la qualité de nos produits
Maxime Cotard
Sans compter les effets "boule de neige" de l'importation de tels produits, pour les abattoirs notamment, déjà en difficulté et qui risquent de mettre la clé sous la porte. "On aimerait que nos productions soient locales, même pour le bien-être animal : faire 100 000 km pour abattre ce n’est pas possible", regrette Nicolas Langin.
Rencontre avec le préfet
"On vient tranquillement se faire entendre à nouveau, mais s'il n’y a aucune mesure de prise aujourd'hui on sera plus agressifs à l’avenir", prévient le céréalier Maxime Cotard. Face à la détresse et à la colère de la profession, le préfet Stéphane Bredin est venu à la rencontre de la trentaine d'agriculteurs en début d'après-midi, après un entretien avec les délégués syndicaux.
Lire aussi : Soutenir l'agriculture française, oui, mais à quel prix ?
Ce dernier a demandé "encore deux mois de patience" aux agriculteurs, le temps que les mesures soient étudiées par le Sénat et que les débats reprennent au sein d'un gouvernement "compliqué" car "sans majorité". Il a promis de faire remonter au Premier ministre "les sujets sur lesquels on n'a objectivement pas assez avancé".
Une temporisation qui a semblé convenir aux jeunes agriculteurs rassemblés, sans pour autant éteindre totalement le feu de leurs revendications.