Un rapport commandé par l’Agence régionale de santé et la préfecture provoque la colère des soignants de la clinique privée de Coutances et des élus. La fermeture des services de chirurgie et d'endoscopie y est envisagée. Ce qui sonne comme une condamnation de la clinique rebat aussi l'offre de soins dans le centre-Manche
Instabilité financière permanente, discontinuité des soins. Les voyants sont au rouge pour la clinique de Coutances, comme sa voisine saint-loise distante de 37 kilomètres.
Ce fait n'est pas nouveau, puisque les deux cliniques affichent des dettes de plusieurs millions d’euros et sont actuellement placées en redressement judiciaire.
Mais l'élément nouveau de ce feuilleton tient dans les préconisations proposées par les deux auteurs du rapport. Bernard Dupont, un ancien directeur de CHU, et Bernard Fenoll, ancien inspecteur général des affaires sociales, se sont basés sur l’audition d’une quarantaine d’acteurs du monde de la santé et d'élus locaux.
Renforcer les liens entre les deux cliniques et le public/privé
L'expertise souligne que pour garantir une qualité des soins ainsi que leur permanence, un système de coopération renforcé aurait pu être établi entre les deux établissements gérés par le groupe AVEC. Pour résoudre ce manque de coopération, différentes hypothèses de rapprochement sont proposées, comme de transférer l’imagerie médicale de la clinique de Coutances vers l’hôpital.
Les experts constatent ainsi que "le pôle libéral d’imagerie est actuellement situé dans les locaux de la clinique. Son transfert au plus près des activités hospitalières, sans lui faire perdre son caractère libéral, permettrait de conforter un pôle de soins dynamique, avec les urgences et le Centre Périnatal de Proximité."
Exit les scanners et les IRM passés à la clinique. Quant à la chirurgie et à l'endoscopie, un déplacement vers Saint-Lô est préconisé : "L’activité réalisée en 2022 sur le site de la clinique de Coutances représente 20% de l’activité totale des sites de Saint Lô, et 30% de l’ensemble des cliniques. Il convient d’y associer les activités d’endoscopie. Celles-ci montrent une situation d’équilibre entre les trois sites. Transférer cette activité à Saint Lô y représenterait un accroissement de 35% des actes." Selon le rapport, un tel transfert ne signifierait pas la mort de la clinique coutançaise.
Resterait à accueillir les patients à Saint-Lô, autrement dit pousser les murs et surtout recruter et convaincre les soignants de venir travailler dans le chef-lieu du département.
60 postes sur la sellette
Dans les services de l'établissement privé, c'est la consternation. Le bloc opératoire est pourtant d’ores et déjà fermé en raison d'un problème de stérilisation rencontré en janvier.
Dans une zone déjà désertée par les praticiens, on ne peut pas imaginer que la clinique disparaisse.
Isabelle Chagnot, assistante médicale
Certains soignants ont fait des remplacements à Saint-Lô, mais ne souhaitent pas y travailler durablement. Le personnel de Coutances s'inquiète aussi pour les patients : "on a des patients angoissés, des interventions chirurgicales sur liste d’attente" note Isabelle Chagnot, assistante médicale, "on doit même faire des choix et on n'a aucune visibilité sur l'avenir de cette structure de soins. Ça pourrait être dangereux pour l’offre de soins dans la Manche, le désert médical pourrait s’élargir dans tout le centre Manche," complète-t-elle.
Un espoir en cas de repreneur
Avec son placement en redressement judiciaire, un éventuel repreneur a jusqu'au 4 mars pour se faire connaître. D'ailleurs les élus ne baissent pas les bras. Jacky Bidot président de la communauté de communes de Coutances Mer et bocage, annonce que la collectivité "a proposé de s’associer à un montage financier dans de l’immobilier, pourquoi pas investir pour une clinique? La nouveauté c'est que des médecins et du personnel nous disent qu’ils veulent travailler conjointement sur un projet. C’est révélateur. Il faut absolument qu’on trouve un repreneur parce que gérer une clinique, c'est très spécifique en termes de champs de compétences."
Une échéance approche à grand pas : la mise en liquidation judiciaire pourrait être annoncée le 12 mars par le tribunal de commerce.