En procès pour avoir refusé de donner son ADN à la gendarmerie, une militante climatique relaxée par la justice

Lucie Auvray, mise en cause pour avoir refusé de fournir son ADN à la gendarmerie après sa condamnation suite à une action militante écologiste, a été relaxée mercredi 17 janvier par le tribunal de Coutances. Elle avait été condamnée pour avoir décroché un portrait d'Emmanuel Macron, en mars 2020, dans la mairie d'une commune manchoise.

Lucie Auvray, 41 ans, a dû laisser de côté son activité d'agricultrice pour se présenter ce mercredi 17 janvier au tribunal correctionnel de Coutances (Manche). Cette militante écologiste manchoise y était jugée pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement ADN, réclamé par la gendarmerie de Bréhal en décembre 2022. Elle a été relaxée par le tribunal.

Le procureur de la République s'était prononcé pour la relaxe. "Une décision courageuse", commente Lucie Auvray.

La militante et son avocat ont argué que cette demande de prélèvement ADN était disproportionnée. L'agricultrice, qui se déclare non-violente, ne représentant pas selon eux un danger justifiant un fichage ADN. Ils ont en outre avancé que la demande de prélèvement est illégale puisque réclamée hors délai. C'est ce dernier argument qui a certainement été retenu par les magistrats pour relaxer.

Plusieurs membres du groupe Extinction Rebellion étaient présents en soutien de la militante.

Décrochage de portrait

La demande de prélèvement ADN était intervenue après la condamnation de Lucie Auvray, un an et demi plus tôt, pour le décrochage et le vol d'un portrait d'Emmanuel Macron, en mars 2020, à la mairie de La Haye-Pesnel (Manche). L'agricultrice participait alors à une action du groupe militant écologiste Extinction Rebellion. 

Le jour de l'action, plusieurs militants étaient entrés dans l'hôtel de ville et y avaient décroché le portrait officiel du président de la République avant de le brandir sur le parvis du bâtiment, dénonçant l'inaction d'Emmanuel Macron face à la "catastrophe sociale et écologique". Cette action avait été menée "dans le calme, à visage découvert et volontairement filmée", avancent les militants. Le portrait n'avait pas été restitué à l'issue de l'action. "Si c'était à refaire, je le referais, déclare l'agricultrice. J'ai deux filles, de 6 et 9 ans, et je vais tout faire pour qu'elles n’aient pas à vivre dans un monde à +3°C ou +4°C".

Dépassement du délai légal

Pour avoir décroché et emporté le portrait du président, Lucie Auvray et une autre militante avaient fait l'objet d'une enquête de gendarmerie et avaient été placées en garde à vue. Les deux ont été condamnées en juillet 2021 à une amende d'un euro symbolique.

La peine maximale encourue par l'agricultrice pour son refus de fournir son ADN via un échantillon de salive était d'un an de prison et 15 000 euros d'amende.

"Ce que dit la loi, c'est que le procureur peut demander des opérations de prélèvement d'ADN d'une personne condamnée, qui doivent intervenir au plus tard un an après une condamnation", explique Maître Nicolas Pringent, son avocat. Or, la demande de prélèvement a été notifiée à Lucie Auvray le 26 décembre 2022, soit largement plus d'une année après sa condamnation du 6 juillet 2021, ce qui a amené le tribunal à prononcer une relaxe.

"Un acte de répression"

De précédents jugements, dans des affaires similaires, avaient fait jurisprudence concernant le droit des préfets à réclamer des prélèvements ADN. En mars 2023, la Cour de cassation a confirmé le rejet de la condamnation de huit militants écologistes, par des juges correctionnels, pour refus de se soumettre à des prélèvements biologiques. Ces prélèvements avaient été réclamés à ces individus dans un contexte semblable à celui que connaît Lucie Auvray : les personnes inculpées étaient, elles aussi, des militants ayant décroché un portrait du président.

Les avocats de ces militants avaient fait valoir la disproportion de la démarche du prélèvement d'ADN et le droit au respect de la vie privée Pendant l'audience de Lucie Auvray, son avocat a avancé les mêmes arguments. "En étant disproportionné, le prélèvement ADN devient alors un acte de répression", dénonce le collectif militant Action non-violente-COP21, qui finance la défense de Lucie Auvray. "Lucie et sa famille (...) ont passé des fêtes de fin d’année dans l’inquiétude", déplore le collectif, qui ajoute : "Le prélèvement ADN est autorisé en cas d’infractions sexuelles, d’atteintes aux personnes ou d’atteintes aux biens. Y recourir revient à criminaliser les militant·e·s climatiques".

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