La Cour des comptes a rendu ce jeudi 9 juillet au gouvernement un rapport très sévère concernant la construction de l'EPR de Flamanville. La critique porte plus largement sur toute la filière.
"Un échec opérationnel, des dérives de coûts et de délais considérables". La cour des comptes n'y va pas avec le dos de la cuillère dans le rapport qu'elle a remis ce jeudi 9 juillet au gouvernement. La jurdicition financière administrative ne manque pas de souligner la multiplication par 3,3 des coûts de construction de l'EPR de Flamanville et par 3,5 du délai de mise en service, par rapport aiux prévisions initiales. Les magistrats estiment que s'ajouteraient pour 6,7 milliards de "coûts complémentaires" en plus de la construction à proprement parler, dont une bonne part de frais financiers.
Ces dérives résultent, selon la Cour des comptes, "d’estimations de départ irréalistes, d’une mauvaise organisation de la réalisation du projet par EDF, d’un manque de vigilance des autorités de tutelle et d’une méconnaissance de la perte de compétence technique des industriels de la filière, 16 années après la construction du réacteur de Civaux 2".
Un bilan peu brillant à l'étranger
Outre Flamanville, le rapport pointe plus largement les difficultés de toute la filière EPR. Les deux réacteurs chinois de Taishan, les seuls opérationnels à ce jour, sont décrits comme des "projets peu rentables". Le chantier d'Olkiluoto 3 en Finlande, lancé dès 2005 par Areva, n'est pour sa part toujours pas achevé et a connu de nouveaux problèmes récemment. Quant aux deux réacteurs en construction à Hinkley Point au Royaume-Uni, leur financement "pèse considérablement" sur la situation financière d'EDF, déjà lourdement endetté, juge le rapport.Au regard de ce constat, la Cour des comptes invite l'Etat à la réflexion avant d'envisager la construction de nouveaux réacteurs de ce type. "La construction de nouveaux EPR en France ne saurait en tout état de cause être envisagée sans réponses préalables claires sur les modes de financement et la place de la production électronucléaire dans le mix électrique de demain." En raison des retards de Flamanville, le gouvernement a déjà prévenu que la décision de construire ou non de nouveaux réacteurs en France serait renvoyée au prochain quinquennat. Avant cette décision, les magistrats suggèrent "un exercice de retour d'expérience complet sur tous les EPR construits ou en construction en France et à l'étranger".
Des enjeux financiers énormes
Ils demandent aussi "une analyse complète du mix électrique à l'horizon 2050" préalable à toute décision. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui sert de feuille de route au gouvernement, a aujourd'hui pour horizon 2028 seulement. Or, la décision de construire ou non de nouveaux réacteurs engagera la France "jusqu'au XXIIe siècle", souligne la Cour des comptes. Les enjeux financiers sont énormes: construire trois paires de réacteurs EPR2 (la version améliorée sur laquelle travaille EDF) coûterait 46 milliards d'euros. C'est sur ce scénario de six nouveaux réacteurs que l'électricien travaille actuellement à la demande du gouvernement.Pour pouvoir pendre une décision, la Cour prône également de "calculer la rentabilité prévisionnelle du réacteur de Flamanville 3 et de l'EPR2". Pour ce dernier, censé être moins cher, les estimations de coût reposent encore sur des "données partielles" et "des hypothèses à préciser", s'inquiètent les magistrats. Ils alertent également sur la question du financement, qu'EDF ne pourra plus assurer seul à l'avenir et qui nécessitera donc une forme de soutien public.
Les difficultés "ne doivent pas conduire à disqualifier cette technologie", mais "il faut constater des difficultés passées considérables qui peuvent orienter les choix futurs", a conclu Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, ce jeudi lors d'une conférence de presse..