A 100 ans, l'un des derniers vétérans américains du Jour J, Tom Rice, raconte son Débarquement dans le secteur de Carentan-les-Marais, en Normandie, dans un livre-témoignage, "Ma part de guerre", aux éditions In Octavo. Un livre co-écrit avec un historien normand, Denis Van den Brink.
Il aura 101 ans le 15 août prochain et compte bien revenir sauter en parachute au-dessus de Carentan-les-Marais, comme il l'avait fait en 2019, à l'occasion du 75ème anniversaire du Débarquement. Le vétéran américain Tom Rice est l'une des figures emblématiques du Jour J en Normandie. Une force de la nature dont l'histoire est publiée sous le titre "Ma part de guerre, Mémoires du staff sergeant Thomas Rice" aux éditions In Octavo, co-écrit avec l'un des spécialistes de la 101ème Airborne, l'historien Denis Van den Brink qui s'étonne encore quand Tom Rice l'invite en mai 2019 à venir passer chez lui à Coronado "12 jours tous frais payés" pour lui livrer son expérience de la Bataille de Normandie.
Tom Rice, un gars de San Diego
En 1942, Tom Rice a 21 ans. Il habite en Californie sur l'île de Coronado, île en grande partie occupée par la Navy. A proximité, la ville de San Diego est l'une des plus grosses bases militaires des Etats-Unis. "Après l'attaque de Pearl Harbour le 7 décembre 1941, la ville s'est complètement vidée, explique Denis Van den Brink. Tout le monde était parti dans les centres de recrutement. Tom a lui aussi mis entre parenthèse sa vie, au beau milieu de ses études, pour faire "sa part"". Au total, 19 millions d'Américains iront servir sous les drapeaux pendant la Seconde guerre mondiale.
Une sélection impitoyable pour être parachutiste
Quand Tom Rice s'engage, l'armée américaine recherche des "radiomen", des mitrailleurs, mais Tom n'est pas intéressé. Ce qui l'attire, c'est l'aviation. "Il faut imaginer que nous sommes dans les années 40, souligne Denis Van den Brink. A cette époque, on ne prend pas l'avion et sauter d'un avion, alors là, c'était comme aller sur la lune !" Tom veut montrer qu'il en est capable physiquement et moralement.
Car la sélection est rude. "Mais Tom est un athlète", sourit l'historien. C'est le commandant-en-chef qui sélectionne un par un ceux qui feront partie de son régiment. "Il voulait des mecs intelligents, et pas des tueurs". Tom est retenu.
Ensuite, "c'est le parcours classique de formation des parachutistes, celle que l'on voit dans la série Band of Brothers", explique Denis Van den Brink, "avec cette fameuse colline qu'il fallait monter tous les matins, 3 miles up, 3 miles down." Les meilleurs poursuivaient à l'école de saut de Fort Benning, à cheval entre la Georgie et l'Alabama. Mais là encore, la sélection est impitoyable.
Il y avait une tour de 34 pieds, 9 mètres de hauteur, avec une sorte de tyrolienne. Ceux qui avaient la trouille étaient virés.
Denis Van den Brink
En première ligne le 6 juin 1944
Tom est affecté au 501 ème régiment des Parachutistes de la 101ème division américaine, la 101è Airborne, les "Screaming eagles" ("Les aigles hurlants"). Il va donc participer en première ligne au Débarquement allié.
Dans la nuit du 5 au 6 juin, il fait partir des 13 200 parachutistes américains du Jour J. Il est parachuté au-dessus de Carentan, dans la Manche (50). Il atterrit à Addeville. L'objectif de son bataillon est de s'emparer des écluses de la Barquette, en arrière d'Utah beach.
"Pour les Américains, les objectifs étaient de prendre 4 chaussées qui relient Utah beach, le pont de la Douve, des ponts de bois à Brévands, et une batterie allemande du côté de Saint Germain de Vareville. Les Allemands avaient inondé les marais de Carentan, et l'écluse n'était plus gardée que par trois sentinelles allemandes. La prise a donc été facile". Tom fait partie des trois soldats qui va passer la nuit dans la maison du gardien de l'écluse avant de repousser une patrouille allemande.
Après la Bataille de Normandie, Tom Rice ira combattre aux Pays Bas, avant d’être grièvement blessé dans les Ardennes durant le siège de Bastogne. Tom survivra au carnage, et reprendra sa vie à San Diego, là où il l’avait laissée deux ans et demi auparavant.
The greatest generation
Pendant 60 ans, comme la majorité des soldats, Tom Rice ne parlera pas de la guerre. "Il a brûlé ses habits militaires pour reprendre une vie civile". Et ce n'est que dans les années 2 000, notamment grâce à la série Band of Brothers avec Tom Hanks, qu'il a renoué avec ce passé. "Comme beaucoup de vétérans, c'est un homme d'une grande gentillesse et d'une grande humilité, avec beaucoup d'humour aussi." Et puis, Tom a longtemps culpabilisé pour les destructions commises par les bombardements américains. "Il était persuadé que les Normands leur en voulaient, alors, quand il a vu l'accueil que nous réservions aux vétérans, il était très étonné !", sourit Denis Van den Brink.
Aujourd'hui, Tom Rice fait partie des derniers vétérans du Débarquement, "The Greatest generation prête à sacrifier sa vie pour un idéal et par patriotisme".
On estime qu'il resterait environ 700 000 vétérans américains de la Seconde guerre mondiale. "Il en meurt entre 600 et 800 par jour", regrette Denis Van den Brink. "Ils sont aujourd'hui vénérés. Et la Normandie évoque quelque chose à tout Américain, j'ai ainsi relevé 6 villes, dont une au fin fond du Texas, qui ont baptisé des rues du nom de Carentan !"
Tom Rice, lui, compte bien, revenir en juin prochain, année de son 101ème anniversaire. "C'est un sportif, il avait couru son dernier marathon à 64 ans, pratique la gymnastique tous les jours, et a encore sauté en parachute pour son 100è anniversaire le 15 août dernier au-dessus de sa ville natale !" Une santé à toute épreuve digne d'un parachutiste.
"Ma part de guerre", Mémoires du staff sergeant Thomas Rice, co-écrit avec Denis Van den Brink, aux éditions carentanaises "In Octavo". Lancement de la version américaine prévue en mars prochain à San Diego !