Alors que les négociations avec l'Assurance maladie sont suspendues et que le projet de loi est examiné ce mardi 23 février par le Sénat, les organisations représentatives des médecins libéraux ont à nouveau appelé à la grève aujourd'hui.
"Il est indispensable de redonner des moyens à la hauteur des enjeux" insistent les syndicats, dénonçant "un budget 2023 inférieur au niveau de l'inflation" mais aussi le vote récent d'une proposition de loi ouvrant "l'accès direct" au diagnostic et à la prescription pour des professions paramédicales telles que les kinés ou les infirmiers à la pratique avancée, et créant une "obligation collective de garde" en soirée et le weekend pour l'ensemble de ces soignants libéraux.
"Des décisions bloquantes" qui conduiront inévitablement à un échec des négociations, préviennent-ils, apportant leur soutien unanime à plusieurs mouvements de mobilisation en cours, de la grève des gardes aux restrictions des horaires d'ouverture.
Les médecins normands manifestent à Paris
Exemple à Avranches dans le Sud Manche : un cabinet sur deux est fermé aujourd'hui. Rudy Vannobel est médecin libéral dans cette commune. Représentant du collectif "Médecins pour demain", il raconte : "Nous sommes partis à Paris ce matin en car. Nous avons fait une halte à Saint-Lô et Caen, pour récupérer des confrères. Nous sommes soixante-cinq, mais d'autres nous rejoignent en train."
Arrivés de toute la France, les médecins libéraux se retrouvent place Vauban, dans le 7e arrondissement près du ministère de la santé pour se diriger ensuite vers le Sénat, où la loi Rist-Bergé est débattue aujourd'hui.
Les sénateurs sont au courant de nos revendications, ils ont tous reçu un courrier de la profession. Nous souhaitons qu'ils amendent le texte pour retirer la primo-prescription pour les non-médecins, c'est à dire les infirmiers, les pharmaciens, les kinés, etc...
Rudy Vannobel, médecin libéral à Avranches, représentant du collectif "Médecins pour demain"
Le gouvernement considère qu'il y a des pathologies bénignes, qui peuvent être traitées par des non-médecins. Selon lui, ce serait une des solutions aux déserts médicaux. On est contre cela, insiste Rudy Vannobel. "Les médecins diagnostiquent et prescrivent. L'objet du gouvernement est de faire de la médecine sans médecins. Il faut au contraire attirer les médecins à l'exercice médical en améliorant les conditions de travail. Cela passe, certes, par une augmentation du tarif des consultations, mais l'objet n'est pas de s'enrichir, précise-t-il. Nous souhaitons embaucher du personnel pour les tâches administratives, et nous concentrer sur l'aspect purement médical de notre profession... alors que le gouvernement, lui, veut déléguer les tâches médicales".
C'est pourquoi le collectif ne revendique pas d'augmentation précise, contrairement au 5 janvier dernier. Une position qui, du coup, favorise la mobilisation de toutes les organisations de médecins.
Une mobilisation élargie
Parmi elles, "SOS médecins" dont l'inquiétude porte sur le maintien des visites à domicile. Les dernières négociations ne présageaient rien de bon à ce sujet. "Nous souhaitons pérenniser les visites à domicile" indique Jean-Paul Karatchentzeff, médecin coordonnateur de "SOS médecins" à Caen.
Le gouvernement souhaite que tout le monde ait un médecin traitant, mais on se rend compte qu'il y a des gens qui ne le peuvent pas: certains résidents d'Ehpad, des détenus en prison ou encore des patients qui bénéficient d'une hospitalisation à domicile (réplique de la chambre d'hôpital à domicile) sont obligés de faire appel à des médecins mobiles.
Jean-Paul Karatchentzeff, médecin coodonnateur de "SOS médecins" à Caen
"Bien sûr, on peut voir sur site les gens qui peuvent se déplacer mais, historiquement, notre travail c'est d'aller à domicile."
S'agissant de la question financière, "la consultation n'a pas augmenté non plus pour les médecins de SOS médecins depuis 15 ans, il est normal de la revaloriser" disent-ils, même si les visites en semaine sont rémunérées 35 euros, et même 51 euros le weekend. Leur première revendication reste la visite à domicile.
Des concessions non sans contreparties
Selon le journal "Le quotidien du médecin", l'Assurance maladie est prête à faire un effort, mais à conditions qu'il y ait des contreparties, annonce son représentant, Thomas Fatôme. Un "engagement territorial" est demandé pour que les praticiens prennent plus de patients et assurent plus de gardes, les soirs et les weekends.
"Il faut répondre aux besoins de santé de la population, entendre les Français qui n'arrivent pas à trouver un médecin". Voilà aussi l'objectif du ministre de la santé, François Braun, qui ne fait pas abstraction de la colère de la profession. Une position qui justifie, selon lui, l'ouverture à un "accès direct" sans prescription médicale, à certains paramédicaux. Une proposition qui a déjà franchi l'étape de l'Assemblée nationale, après un passage en commission qui n'a pas modifié son contenu.
Aujourd'hui, 10 000 manifestants étaient attendus, deux fois plus que début janvier. Outre les grandes organisations de médecine, les hospitaliers, les internes, l'ordre des médecins ont battu le pavé pour dénoncer les risques de "désorganisation des soins" et de "perte de chance pour les patients" que porte, selon eux, ce projet de "médecine à deux vitesses".