Mon ex-conjoint(e) refuse la garde alternée de mon enfant pendant le confinement, que puis-je faire ?

Julie a 15 ans et vit une semaine sur deux chez son père. Au début du confinement sa mère a refusé qu'elle retourne chez lui. Le confinement prolongé, Denis se sent démuni et souhaite revoir sa fille qui habite à moins de 2 kilomètres. Lundi, il n'a pas pu déposer plainte au commissariat.

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Le confinement peut-il être une excuse pour arrêter la garde alternée ?

Julie, la fille de Denis a 15 ans. Elle vit chez lui une semaine sur deux, en résidence alternée. "Je vis à moins de 2 kilomètres de la résidence de sa mère", explique Denis. "Avant le confinement, les établissements scolaires avaient fermé et Julie était chez sa mère. Le confinement a été annoncé le 17 au soir et deux jours plus tard, quand j’ai eu ma fille au téléphone, on s’est dit à demain. Elle devait revenir à la maison le 19." 

Mais le soir même, j’ai reçu un mail de mon ex-conjointe citant deux articles trouvés sur Internet disant qu’il valait mieux éviter de changer de domicile pour les enfants. Elle m'a dit que le confinement ne vaut que s’il est absolu et qu’il était hors de question que Julie viennent chez moi.
 

"Comme il n’était alors question que de 15 jours de confinement, je me suis dit que ce n’était pas très grave. Mais je n’ai pas vu ma fille depuis un mois. Et là, je ne sais pas quoi faire" avoue Denis.

"C’était le premier message de mon ex depuis 4 ans, nous ne communiquons pas. Mais la garde alternée, décidée en Justice, fonctionnait jusqu’ici. J’ai posé des questions sur le tchat du Ministère de l’Intérieur : il m'a été répondu que oui, j'était fondé à porter plainte pour non-présentation d’enfant".
 
"En aucun cas la situation actuelle ne pourra exonérer un parent fautif" répond le service. 

Les plaintes pour non-présentation d'enfants, jugées non-urgentes par les commissariats ?

"C’est pas anodin de porter plainte", continue Denis "je suis allé lundi au commissariat avec le jugement et la copie du mail envoyé par mon ex-conjointe. On m’a dit qu'on ne recevait pas les plaintes comme ça pendant le confinement, que ce n’était pas une priorité. Je suis complètement démuni."

La réponse donnée à Denis nous a paru tellement étonnante que nous avons contacté quatre commissariats de Normandie (Rouen, Le Havre, Cherbourg et Caen), pour faire la même demande : est-il possible de porter plainte pour non-présentation d'enfant, pendant le confinement ? 

A l'accueil de l'un d'entre-eux, il nous est expliqué qu'une main courante peut être rédigée par le plaignant, à l’extérieur du bâtiment (pour respecter les gestes barrières). Elle sera revue après le confinement. Un autre prend une déclaration écrite au préalable qui sera retransmise en plainte à l’issue du confinement. Un troisième nous explique que seules les violences physiques et les vols de véhicules peuvent être l’objet de plainte pour le moment "que les choses urgentes" … les parents apprécieront. Un quatrième ne prend pas de plainte, seulement des pré-plaintes par Internet (mais pas concernant les enfants). Il faut revenir après le confinement.

La réponse officielle est différente : "Toutes les plaintes sont prises en compte", affirme la Police de Caen, "mais pour respecter les gestes barrières, il se peut que la plainte ne soit pas prise tout de suite. On peut demander aux gens d'envoyer un courrier ou un mail ou encore de prendre rendez-vous". Aucune plainte n'est donc laissée de côté. Il faudra que Denis retourne au commissariat.


Les cas de non-présentation d'enfants se multiplient-ils pendant le confinement ?

"Dès le début du confinement, les mauvais comportements ont surgi" explique Me Nathalie Rivière, avocate au barreau de Caen, spécialisée en droit de la famille, "c'est un peu comme si le droit était suspendu".

C’est comme quand les radars sont dégradés et que les gens roulent plus vite. Le problème c’est que ce sont les enfants qui en font les frais.

"Normalement, il y a une obligation de continuer le rythme antérieur, habituel, de garde et même les droits d’hébergements le week-end et les vacances doivent continuer. Mais la période de confinement déstabilise les familles où, déjà le partage du temps était fait à contre-cœur. Les excuses ont été vite trouvées." ajoute Me Rivière.

Que peut faire le parent lésé ?

"L’autre parent peut déposer plainte, mais ça ne rentre pas dans les urgences", explique l'avocate en droit de la famille,"une main-courante peut être déposée. On peut aussi écrire au Procureur de la République en recommandé mais ca ne résout pas la question de pouvoir voir ses enfants."


Les clientes qui veulent garder l’enfant, je leur dis qu’elles se mettent hors la loi et que les enfants perdent déjà leur repères en temps de confinement et perdre le rythme de visites de l'autre parent, c’est ajouter à leur stress.
Nathalie Rivière, avocate spécialisée en droit de la famille

La non présentation d’enfant est un délit passible d'un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
"Mais est-ce que les plaintes seront suivies d’effets ?…" s'interroge Me Rivière "les tribunaux étant déjà engorgés avant le confinement".

L'avocate estime qu'il faut toujours porter plainte. "Porter plainte constitue une preuve qui pourra être utile plus tard, si l’on doit revenir en Justice" explique Nathalie Rivière.

Je pense que devant le juge aux affaires familiales, la capacité à respecter les droits de l’autre parent est importante. Une non-présentation d’enfant à cette période-ci pourra se retourner contre le parent au tribunal.
Me Nathalie Rivière, avocate spécialisée en droit de la famille

Quel regard porter sur cette période où l'on peut difficilement avoir recours à la Justice et aux forces de l’ordre ?

"Ca fragilise beaucoup l’équilibre" estime l'avocate "c’est vrai que ca permet de réaliser à quel point ce qui contient est important pour le fonctionnement de la société. Tout ce qui est cadre a pour fonction de contenir les dérives humaines, avec la loi du plus fort, etc... Et ça pour moi, c’est un enseignement, parce que même si on se l'imagine, je ne pensais pas qu’aussi rapidement, ça pouvait être perçu par les justiciables."


 
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