Emmanuel Macron a entrepris de bousculer les préfets en orchestrant une grande valse, pour s'assurer de l'exécution des réformes jusqu'au "dernier kilomètre". Exemple avec Françoise Taheri dans l'Orne et Jérôme Filippini dans l'Eure.
C'est une mise sous tension significative: à l'issue du Conseil des ministres mercredi dernier, 13 nominations ont eu lieu chez les préfets.
Une autre vague pourrait intervenir vendredi, incluant l'attendue promotion du nouveau Directeur général de la police nationale, un poste qui ne devrait pas échapper au corps préfectoral, selon des sources concordantes. Soit "le plus important mouvement de ces 15 dernières années", dit-on dans l'entourage d'Emmanuel Macron, en insistant sur la main du chef de l'Etat dans ces choix.
"Le président s'est investi très fortement et personnellement dans cette vague", confirme un familier du ministère de l'Intérieur. "Ces mouvements étaient bloqués depuis l'été. Le président avait considéré que les propositions faites par les ministres (Christophe Castaner et Laurent Nunez, ndlr) ne lui allaient pas et leur avait demandé de rencontrer tous les jeunes préfets et sous-préfets en vue de rajeunir et intégrer des femmes", décrypte encore la même source.
De fait, sur les trois personnes nommées mercredi dernier préfets pour la première fois, deux sont des femmes: Françoise Taheri (51 ans) dans l'Orne et Cécile Dindar (41 ans), préfète déléguée dans le Rhône. Avec l'arrivée de Josiane Chevalier, jusqu'ici en Corse, à la tête du Grand Est, trois femmes sont désormais aux commandes de régions.
Les carrières continues ne sont plus le modèle unique
Ce renouvellement envoie aussi des messages politiques à la droite, avec des coups de projecteur: Franck Robine, ancien chef de cabinet de François Fillon à Matignon et envoyé de Martinique en Corse ; Thierry Coudert, autrefois directeur de cabinet de Brice Hortefeux à Beauvau et conseiller de Paris sous l'étiquette UMP, qui de l'Eure à la Seine-et-Marne double le nombre d'habitants sous sa responsabilité (il est remplacé par Jérôme Filippini ; ou Stéphane Rouvé, jusqu'ici sans territoire et nommé dans l'Aube, après avoir été chef de cabinet de M. Hortefeux également.
Désireux de faire bouger une institution très codifiée, l'exécutif a aussi prévenu par la voix d'Edouard Philippe, jeudi, devant les préfets réunis à Beauvau: "Une réussite incontestable peut justifier des promotions plus rapides que l'ordre du tableau".
"Les carrières continues ne sont plus le modèle unique", fait encore valoir Matignon.
"Chaises musicales"
De quoi faire grincer des dents un corps déjà ébranlé ces derniers mois par les limogeages du préfet de police de Paris Michel Delpuech et du préfet du Rhône Henri-Pierre Comet."La rupture de l'avancement à l'ancienneté n'a pas fait que des ravis. Certains ont compris que leur tour allait passer", observe un ex-préfet. Mais plutôt qu'un coup de balai, ces changements s'apparentent à jeu de chaises musicales. Loin de la révolution de l'été 1967, avec une quarantaine de mouvements chez les préfets et 80 chez les sous-préfets.
des hommes et des femmes qui ont pleinement conscience de la feuille de route du gouvernement
Elles traduisent toutefois le souci d'appliquer les réformes "jusqu'au dernier kilomètre", dixit un proche de M. Macron. Le chef de l'Etat avait menacé dès son arrivée en 2017, puis à nouveau en mai dernier, de remplacer massivement les hauts fonctionnaires récalcitrants... pour des effets pour l'heure limités.
Le président "veut des hommes et des femmes qui ont pleinement conscience de la feuille de route du gouvernement", martèle-t-on dans son entourage en évoquant une "volonté d'impulsion". Mais pas de "politisation", surtout à trois mois des élections municipales, jure-t-on aussi.
"Je ne crois pas que quelqu'un puisse sérieusement penser que la nomination des préfets puisse avoir la moindre conséquence sur les municipales. C'est confondre la IIIe République et la Ve", estime un haut-fonctionnaire.
Un préfet proche du pouvoir insiste toutefois: "Il ne faut pas se tromper sur le casting, sinon c'est le gouvernement qui va en souffrir". Une philosophie qui prévaudra aussi sur les prochaines nominations d'ambassadeurs, prévient-on encore dans l'entourage présidentiel.