La fermeture de l'établissement thermal qui accueille normalement 800 curistes chaque semaine fait souffrir toute une ville. Les hôtels sont presque tous fermés. Le commerce tourne au ralenti. Le thermalisme est confiné et la pandémie semble interminable.
Un silence de cathédrale règne dans le long couloir du spa. "Il n'y a pas un chat", se désole le directeur de l'établissement. Le sol brille. Les cabines sont vides, les lumières éteintes. Pas un curiste en peignoir à l'horizon. "Si nous étions ouverts, ce serait une fourmilière ici", poursuit Bertrand Daban. L'établissement n'a pas rouvert comme il est d'usage au mois de février. Le thermalisme est confiné.
À Bagnoles de l'Orne, 800 curistes sont accueillis chaque semaine pour soigner des maladies chroniques grâce aux bienfaits de l'eau.
Un curiste vient chez nous sur prescription. C'est un acte médical. Or, nous sommes le seul secteur de la santé à rester fermé. Les premières victimes, ce sont les curistes. Si on ne traite pas les pathologies aujourd'hui, il y aura une augmentation de la consommation d'antalgiques et d'anti-inflammatoires.
Le Conseil national des établissements thermaux a demandé au gouvernement de pouvoir rouvrir le 26 avril en proposant de réduire les jauges. L'âge moyen des curistes, environ 65 ans, donne toutefois à réfléchir et la réponse se fait attendre. "Nous n'avons aucune perspective de réouverture", déplore Bertrand Daban. L'établissement de Bagnoles de l'Orne qu'il dirige emploie soixante salariés permanents. En saison, les effectifs atteignent 300 personnes. Quinze salariés seulement sont actuellement au travail, et encore, à temps partiel. Les conséquences économiques sont désastreuses.
Pendant ce temps-là, le compteur des charges tourne. Le secteur a déjà consommé une bonne partie de ses réserves. Cela ne pourra pas durer éternellement.
"C'est très difficile en ce moment pour toutes les villes thermales"
En ville, la fermeture des thermes se fait durement sentir. La plupart des hôtels sont fermés. Les appartements meublés que louent les curistes sont vides. Le casino, lui aussi à l'arrêt est l'autre pilier de la station. Le produit des jeux est même une ressource essentielle pour la municipalité. "Il nous manque ces deux gros moteurs, reconnaît Arnaud Boulanger, l'adjoint au maire en charge du tourisme. C'est très difficile en ce moment pour toutes les villes thermales".
Le commerce tourne au ralenti. "D'habitude, nous avons aussi des touristes, beaucoup d'Anglais, confie Sylvaine Lenoir, qui tient une chocolaterie. Cette année, ils sont tous confinés !". La rue est anormalement calme. Peu de voitures, pas de passage. On n'a jamais aussi bien entendu les oiseaux annoncer l'arrivée du printemps. "Je suis née à ici. Je n'ai jamais vu Bagnoles comme ça. C'est triste". La chocolaterie a sorti tous les assortiments pour Pâques, histoire de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Dans la devanture, une poule couve un gros oeuf sur lequel est écrit : "la fin des haricots".