Connaissez-vous le prosulfocarbe ? Il s’agit d’un herbicide, utilisé par les céréaliers et les maraîchers, qui inquiète les producteurs de pommes. En Normandie, ces derniers demandent son interdiction.

Les producteurs de pommes sont en colère. 80 personnes se sont ainsi rassemblées lundi 16 septembre à Préaux-du-Perche au beau milieu d’un verger. Lors de cette réunion, se trouvaient des associations de défense de l’environnement comme Perche avenir environnement (PAE), des associations de médecins, des citoyens lambdas ou encore des producteurs bio.

« Il y a des gens qui se posent des questions sur ce que l’on mange, sur ce que l’on boit et ce que l’on respire », déclare Gilberte Moreau de PAE. En ligne de mire, le prosulfocarbe. Un herbicide utilisé par les céréaliers. Très volatil, il est retrouvé dans les vergers. Les pommes sont contaminées dans la masse. Impossible de les laver et les agriculteurs bio ne peuvent plus vendre leur production.
 


Pour le moment, aucun verger normand n’a été touché par le prosulfocarbe mais les producteurs invoquent le principe de précaution et demandent son interdiction. Dominique Plessis, producteur de cidre bio et membre du syndicat cidricole du Perche :

« Si nos cultures sont contaminées, nous serons dans l’interdiction de les récolter. A minima, on perdra notre label bio et dans tous les cas on n’aura pas le droit de récolter les fruits. Donc économiquement parlant, cela peut conduire une entreprise à la faillite »


Qu’est-ce que le prosulfocarbe ?


Cela fait trois ans que cette molécule est dans le collimateur de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

Le prosulfocarbe est un herbicide régulièrement utilisé dans les cultures d’orge et de blé mais aussi dans la production de pommes-de-terre. Cette molécule, qui n’a rien à voir avec le glyphosate qui élimine tout ce qui pousse, permet de cibler les mauvaises herbes comme le ray-grass ou le vulpin.  

« On aimerait bien faire sans -  reconnaît Jean-Pierre Prévost céréalier à Normandel dans l’Orne et vice-président de la section céréales de la FDSEA – mais dans l’immédiat ce n’est pas possible car c’est un très bon produit. Si on ne l’utilise pas, si on a beaucoup d’herbes dans une parcelle de blé, c’est 40 ou 50% de récolte en moins »
 
 

Pas d’impact connu sur la santé


L’herbicide ne serait pas dangereux pour la santé. Pour qu’un adulte tombe malade il lui faudrait consommer en une journée 75 kg de pommes-de-terre traitées, selon l’Anses. En revanche, comme le fait remarquer une étude de l’Inra, le mélange dans l’air de plusieurs types de produits phytosanitaires ne serait pas sans danger pour les humains et les animaux.

Mais ce produit cristallise surtout la colère des producteurs de pommes d’un point de vue économique. Tout a commencé en 2016 lors d’un contrôle inopiné d’un organisme certificateur officiel chez un agriculteur bio breton. L’analyse révèle des traces de prosulfocarbe sur ses pommes. Son label bio est suspendu.

L’Institut français des productions agricoles lance alors une étude dans toute la France. Elle révèle que sur 60 producteurs de cidres, 76% des lots étaient contaminés. La faute à la très grande volatilité du prosulfocarbe qui peut être retrouvé à 3 km à la ronde. De plus, sa période d’épandage à partir du mois d’octobre correspond au moment de la récolte des pommes.
 

Une réglementation très stricte


Des élus bretons décident donc d’interpeller le gouvernement et l’Anses se saisit du problème. Une réglementation très stricte est alors mise en place en 2018 (voir ci-dessous).
 

Les céréaliers vaporisent le produit avant la levée et après la levée des plantes pour éviter que cela coïncide avec la période de récolte des pommes. Ils ont obligation également d’utiliser une buse spéciale afin que le produit reste sur la surface cible.

« Nous respectons à la lettre la réglementation, assure Hervé Nouvellon céréalier à Bellou-sur-Huisne. Le produit est contrôlé et homologué ». La molécule est aussi de plus en plus utilisée par les agriculteurs. Entre 2011 et 2017, la vente de l’herbicide a été multipliée par 4.


Interdire le prosulfocarbe ?


Pourtant, malgré toutes ces restrictions, les nouvelles analyses révèlent que 69% des lots testés sont toujours positifs à la molécule. C’est pourquoi le syndicat cidricole du Perche et la Confédération paysanne demandent l’interdiction de la molécule. Une revendication qu’ils vont porter lors d’une réunion à l’Anses à Paris le 2 octobre prochain.

« Nous disposons de moins en moins de produits. C’est l’un des seuls outils qu’il nous reste », déplore Jean-Pierre Prévost. Pour l’heure, les céréaliers indiquent ne pas avoir d’autres solutions que le prosulfocarbe.  

Le reportage de Nicolas Corbard et Damien Migniau:

 

 
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