Insolite - Le musée de la Dame aux camélias au Château de Gacé

C'est un tout petit musée méconnu où l'on découvre l'incroyable destin d'Alphonsine Plessis, née petite paysanne à Nonant-le-Pin et qui deviendra la courtisane célèbre Marie Duplessis, inspirant non seulement la Dame aux camélias d'Alexandre Dumas, mais aussi la Traviata de Giuseppe Verdi.

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Il est vrai que c'est un mini musée qui côtoie celui des minéraux et des fossiles et qu'il se mérite puisqu'il n'ouvre que sur rendez-vous de juin à septembre, mais lorsque l'on découvre le fabuleux et tragique destin de Marie Duplessis, née au cœur de l'Orne en 1824, on ne peut qu'avoir envie de se plonger dans la vie de cette femme puissante morte à 23 ans !

Sortie des oubliettes

Il y a une trentaine d'années, Jean-Marie Choulet était professeur d'histoire et adjoint à la culture à la mairie de Gacé. À l'occasion d'un spectacle sur les personnages illustres liés à la région de Gacé, il s'attarde sur le peintre Degas qui y passait ses vacances, La Comtesse de Ségur qui écrivit la plupart de ses œuvres non loin de là, à Aube, au Château des Nouettes et on lui parle de la Dame aux Camélias ! Et, c'est là qu'il redécouvre la vie courte, mais hors norme, de la vraie héroïne Marie Duplessis qui n'a rien à envier à la Marguerite d'Alexandre Dumas ou à la Violetta de Giuseppe Verdi. Quelle n'est pas sa surprise quand il se rend compte que son arrière-arrière petite-nièce (descendante de la sœur de Marie Duplessis, qui elle, n'a pas eu d'enfant) vit encore près de Gacé...

Jean-Marie Choulet comprend assez vite pourquoi, alors que sa vie est devenue un best-seller et un opéra au XIXe siècle d'abord en France, et ensuite dans le monde entier, dans l'Orne, on a voulu oublier que cette courtisane adulée était née à Nonant-Le-Pin en 1824, "À l’époque ça ne se faisait pas !" .

Une jeune fille hors norme

Comment une petite fille née dans la misère ornaise en 1824 a-t-elle pu en moins d'un quart de siècle faire tourner les têtes du tout Paris ? À sa naissance, la sulfureuse Marie s'appelle encore Alphonsine Rose Plessis. Le destin est déjà farceur, avec celle qui sera connue non pour son goût des roses mais des camélias, car disait-elle selon la légende "ils n'ont pas d'odeurs". La prime enfance d'Alphonsine tient cependant plus des Misérables que des histoires de la Comtesse de Ségur. Son père est un pauvre colporteur ivrogne, lui-même fils illégitime d'une prostituée et d'un prêtre, violent avec sa famille. La mère d'Alphonsine s'échappe du foyer pour devenir bonne et meurt malheureusement quand Alphonsine n'a que six ans. Placée à différents endroits, elle arrive à Gacé à 14 ans pour travailler chez un marchand de parapluie. Elle se fait déjà remarquer partout où elle passe par sa grande beauté. Comme le raconte Jean-Marie Choulet, conservateur du Musée et auteur d'un ouvrage aux éditions Corlet "Promenades à Paris et en Normandie avec la Dame aux camélias " : "elle était hors norme, très fine, très brune, grande pour l'époque et différente des fermières de l'Orne souvent girondes".

Réalisant qu'il peut tirer avantage des charmes de sa fille, Marin Plessis emmène Alphonsine à la capitale. Elle a 15 ans et n'a plus que huit années devant elle...

La rose va se transformer en camélia

Elle est tout d'abord "grisette", joli mot désuet qui désigne les employées de maison, couturières, lingères qui usent de leur charme auprès de clients plus ou moins fortunés, clairement une forme de prostitution qui peut expliquer que certains Ornais pudibonds aient voulu l'oublier. L'un de ses amants, un certain monsieur Nollet, restaurateur influent, va lui offrir son premier appartement et l'introduire dans le Paris artistique et littéraire de l'époque. Elle a alors 17 ans. C'est ensuite le Duc Agenor de Guiche, futur ministre, qui tombe sous son charme et la pousse à changer son nom : Alphonsine Plessis se mue en la courtisane Marie Duplessis. Aussi intelligente que belle, elle apprend à lire, à jouer du piano et à danser. Bref, elle devient une courtisane accomplie. On la croise à l'Opéra, au Bois de Boulogne, sur les champs de courses... Elle arbore à son décolleté un camélia blanc, lorsqu'elle peut fréquenter ses amants et un rouge dans le cas contraire. Elle côtoie Théophile Gautier, Eugène Sue et enfin Alexandre Dumas fils qui a un véritable coup de foudre pour Marie. Ils vont vivre une passion d'une année avant de se séparer au grand désespoir d'Alexandre Dumas, qui ne peut entretenir la courtisane la plus convoitée et la plus onéreuse de Paris. Il ne peut non plus souffrir qu'elle accorde ses faveurs à d'autres...

Elle a vécu... l'espace d'un matin

Marie Duplessis a alors moins de deux ans à vivre et les premiers symptômes de la tuberculose se font sentir. Pour Jean-Marie Choulet : "elle était belle, élégante, raffinée, intelligente, mais il lui a manqué l'essentiel : le bonheur !". Elle est alors installée dans un somptueux appartement du Boulevard de La Madeleine. Mais, comme l'a écrit Alfred de Musset, " La vie est une rose dont chaque pétale est une illusion et chaque épine une réalité". Le compositeur Franz Liszt tombe éperdument amoureux d'elle, mais ne pouvant le suivre dans les cours européennes, elle épouse de plus en plus malade, le Comte de Perregaux. Elle meurt un an plus tard le 3 février 1847, ruinée et abandonnée, elle a 23 ans. Elle aura même droit à la fosse commune avant que son mari ne lui offre une sépulture au cimetière de Montmartre, où elle repose toujours. On raconte qu'à son enterrement il y avait plus de gens du peuple que d'aristocrates, elle qui n'avait jamais vraiment oublié ses origines et avait offert sa fortune aux pauvres à la fin de sa courte vie. 

Lorsque je pense à la pauvre Marie Duplessis, la corde mystérieuse d’une élégie antique résonne dans mon cœur

Franz Liszt

Une héroïne moderne et internationale

En 1848, un an après la mort de Marie Duplessis, Alexandre Dumas fils écrit "La Dame aux camélias". Son personnage central, Marguerite Gautier, est une demi-mondaine convoitée. Elle va vivre une passion avec Armand Duval, un jeune bourgeois et mourra de la tuberculose, seule et abandonnée. Dumas déclarait alors :  "n’ayant pas encore l’âge où l’on invente, je me contente de raconter".  Le livre connaîtra un succès retentissant et sera rapidement adapté au théâtre. En 1952, lors de la première représentation, c'est cependant un scandale, on raconte que des femmes s'évanouissaient dans la salle, la pièce sera alors censurée. Mais, elle deviendra un des plus gros succès du 19ᵉ siècle et sera jouée par toutes les grandes comédiennes de l'époque.

Lorsque Giuseppe Verdi voit la pièce, il tombe amoureux de la dame aux camélias et écrit la Traviata ce qui signifie "La dévoyée". Marie n'est plus Marguerite, mais Violetta. L'opéra est donné pour la première fois à la Fenice à Venise le 6 mars 1853, et c'est depuis lors l'opéra le plus joué au monde !

Une tombe toujours fleurie

Presque 200 ans après sa naissance dans l'Orne, sa tombe, au cimetière de Montmartre, ornée de ces mots « Ici repose Alphonsine Plessis" est toujours fleurie, sans trop que l'on sache qui vient honorer ainsi le souvenir de cette héroïne romantique. Il y a quelques jours, au pied de la fontaine qui lui est dédiée à Gacé, un admirateur a même déposé une gerbe de fleurs rouges. On raconte encore que Coco Chanel, à l'époque, a tellement aimé la pièce de la Dame aux camélias qu'elle en a fait son emblème, le fameux camélia blanc, signe de pureté.

A Gacé, il y a trois pièces dans le petit musée du château qui racontent le destin extraordinaire de Marie Duplessis. Lorsqu'il y a 30 ans, Jean-Marie Choulet a créé ce lieu, Madame Mariette, l'arrière-arrière petite nièce de Marie lui a fait don non seulement de vaisselle portant ses initiales, mais aussi de bijoux et surtout des lettres de ses nombreux amants. Dans la dernière salle du musée, un film évoque le mythe de la Dame, à travers des artistes d'hier et d'aujourd'hui (La Callas, E. Feuillère, I. Adjani, I. Huppert …), y sont également exposés des costumes de l'époque. Ce petit écrin mystérieux se mérite, car il n'est ouvert que du 1ᵉʳ juin au 31 août sur rendez-vous.

Au départ de Gacé, existe aussi une route touristique balisée qui vous emmène sur les lieux des quinze premières années de la petite Alphonsine. 

L'année prochaine, Jean-Marie Choulet, éternel amoureux de la vraie Dame aux camélias, souhaiterait que l'on puisse célébrer les 200 ans de la naissance de celle qui fait régulièrement se déplacer à Gacé des équipes de télévision, autrichienne, anglaise, polonaise et surtout japonaise. Ces derniers vouant un véritable mythe au destin tragique de la Dame aux camélias. Selon lui, quelle plus belle manière, ce serait de jouer la Traviata dans le cadre du festival "Septembre musical de l'Orne" pour fêter le souvenir de cette éternelle jeune femme ?

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