C'est une première en France : la préfecture de l'Orne doit ordonner la suspension du parc éolien d'Echauffour, près de l'Aigle. Les éoliennes en service depuis près de deux ans ne respectent pas le volume accoustique autorisé. Cet arrêt est un soulagement pour les riverains qui s'impatientent.
Le 26 janvier dernier, les riverains des éoliennes d'Echauffour avaient le sourire. La préfecture de l'Orne annonçait la suspension prochaine et temporaire du fonctionnement du parc éolien. L'arrêté devait être publié dans les jours suivants. Les éoliennes devant être à l'arrêt au plus tard 24 heures après sa publication. Mais au 8 février 2021, les pales tournent toujours. La préfecture a précisé ce lundi matin les modalités de cet arrêt programmé du parc.
"On est juste des riverains qui veulent dormir la nuit"
"On n’est pas des anti-éoliens, des opposants, on n’est pas des dans l’idéologie, on n’est pas dans la politique" précise Fabrice Ferreri, riverain de la zone éolienne d'Echauffour et porte-parole du collectif riverain des éoliennes incriminées, "on est juste des riverains et des citoyens français qui souhaitons dormir la nuit et sortir dans la journée et pouvoir recevoir nos amis sans être pollué et c’est même plus, notre vie est pourrie par ce bruit infernal. Pour lui, cette décision est une première reconnaissance de l’Etat des nuisances que subit le voisinage du parc éolien, nuisances dont ils témoignent tous depuis un an et demi.
Nous on ne compte même plus en année ou en mois, c’est en jours : plus de 600 jours et 601 nuits c’est comme ça qu’on compte le temps quand vous devez changer de chambre parce que vous ne pouvez plus dormir.
Fabrice Ferreri tient à le préciser, il n'était pas opposé à l'implantation du parc éolien, "dès le départ j’ai fait confiance à la mairie, à la Dreal, à la prefecture pour installer correctement ce chantier. J’ai même fait confiance à Voltalia d’ailleurs, l’exploitant, je me suis dit que leur intérêt c’était de faire les choses de manière exemplaire."
Mais durant le confinement, sa vie est devenue un enfer."Tout a commencé pour moi en pleine période de confinement où pendant 3 mois les vents dominants ont tourné et ont soufflé dans ma direction et pendant 3 mois nuit et jour, il était impossible de vivre chez nous."
"Sachant que quand vous avez une maison qui est à 570 m des éoliennes vous pouvez pas la revendre pour partir parce que personne ne vous l’achetera donc vous êtes dans une prison, vous ne pouvez plus partir, vous ne pouvez plus dormir, C’est juste l’horreur, vous avez l’impression d’être la victime et d’être sacrifié au profit d’une certaine image de la transition énergétique. On a vécu trois mois d’enfer avec comme des bruits d’avions qui passent au-dessus de la maison, ou une machine à laver qu’on met devant votre fenêtre. Même fenêtres fermées c’était pas possible de dormir. En plus pendant cette période il y a eu de fortes chaleurs on était à 40° de température dans la maison la nuit. C’est abominable, je souhaiterais pas ça à mon pire ennemi."
Alors l'annonce d'un arrêt imminent le met en joie. "Quand elles vont être à l’arrêt ce sera le bonheur absolu."
Une expertise réalisée avant tout redémarrage
Une expertise du parc éolien sera réalisée par un expert extérieur pendant l'arrêt de la structure.
L'arrêté de "mesure d'urgence pour non conformité constatée" fait suite à une étude accoustique demandée par Voltalia, l'exploitant du parc éolien. La suspension de l'activité, "c'est une décision qui revêt un caractère exceptionnel" explique Christine Royer, sous-préfète d'Argentan, "nous avons pu constater avec la restitution des études qu'il y avait dépassement des seuils réglementaires, émergence de bruits et nous avons pu constater aussi que ces dépassements induisaient dans la population un grand émoi, une forme de souffrance et nous avons acté le principe de cette suspension".
Pour pouvoir redémarrer, le parc éolien devra respecter la réglementation. Sur le plan accoustique, le bruit ne devra pas excèder 10 décibels de plus que le son ambiant en journée et pas plus de 4 décibels de plus durant la nuit.
Les habitants attendent toujours l'arrêt prochain des éoliennes
Plus de 15 jours après avoir reçu la bonne nouvelle, les riverains s'interrogen car les éoliennes tournent toujours. Ils ont été rassurés ce lundi 8 février. La prefecture, par le biais d'un communiqué précise que les éoliennes devraient cesser de fonctionner la nuit, entre 19 heures et 7 heures du matin :
Le 22 janvier 2021, au vu des constats de non-conformité persistante, l’État a annoncé lors de la réunion publique organisée, une mesure forte, en l'occurrence une mesure d'arrêt. C'est bien une mesure d'arrêt qui a été décidée : l'arrêt nocturne systématique, avec effet immédiat à la signature de l'arrêté. Il s'agit d'une mesure forte mais néanmoins proportionnée à l'enjeu, et qui permettra une amélioration immédiate de la situation.
D'un point de vue juridique, ces mesures seront encadrées par deux arrêtés afin :
• d’une part, de mettre en demeure l’exploitant de respecter les niveaux d’émergences sonores réglementairement autorisés, dans un délai de 5 mois ;
• et d’autre part, pour une durée de 5 mois également, de mettre à l’arrêt le parc, de 19h-07h (ce qui correspond à un arrêt 50% du temps, dans une optique deproportionnalité), considérant que les nuisances sonores sont les plus gênantes la nuit ainsi que de réaliser une tierce expertise afin de statuer sur la fiabilité des campagnes acoustiques déjà réalisées et de demander à l’exploitant de mettre en oeuvre un plan de fonctionnement des éoliennes respectant les émergences sonores applicables.A l’issue de cette période de 5 mois, soit l’exploitant pourra justifier d’un mode de fonctionnement dans le respect de la réglementation, soit les sanctions prévues par le code de l’environnement seront prises à son encontre : arrêté de suspension d'activité, astreinte financière ou amende administrative. Afin de respecter la légalité de la procédure, conformément aux articles L514-5 et L171-6 du code de l’environnement, les projets d’arrêtés sont actuellement en phase contradictoire avec l’exploitant, jusqu’au 20 février. Après analyse des observations de l’exploitant, le projet d’arrêté prescrivant l’arrêt temporaire et la tierce expertise sera présenté à la commission départementale de la nature des paysages et des sites - CDNPS. Une seconde période d'une dizaine de jours supplémentaires doit également être respectée pour l’envoi de ce projet d’arrêté finalisé aux membres de la CDNPS, afin de respecter le délai minimum légal d’information préalable qui est de 8 jours. Cette commission se réunira vers la mi mars. Les deux arrêtés seront ensuite signés concomitamment pour garantir la cohérence de leurs échéances.