Témoignage. De Sciences-Po à la ferme familiale, le parcours atypique et passionné de cette agricultrice

Publié le Écrit par Karine Lepainteur

Anne-Cécile Suzanne a repris la ferme familiale il y a tout juste 10 ans. Dans un livre publié en janvier 2024 aux éditions Fayard, elle raconte son parcours, souvent difficile, et assez atypique, puisqu’elle est aussi consultante auprès des acteurs de l’alimentation dans un cabinet parisien. Un témoignage poignant et un hymne au métier d'agriculteur, qu'elle estime trop mal connu du grand public.

Elle partage sa vie entre son Perche natal et Paris, où elle est consultante en cabinet de conseil en stratégie sur les sujets agroalimentaires.

Anne-Cécile Suzanne nous accorde un peu de son temps, précieux, puisqu'elle est aussi jeune maman. Un emploi du temps chargé, mais elle garde le sourire, fière de nous présenter sa ferme située à Mauves-sur-Huisne, dans l'Orne.

200 hectares en polyculture et un cheptel de plus de 200 blondes d'Aquitaine, élevées pour leur viande. "Des animaux tranquilles" dont elle s'occupe elle-même plusieurs fois par semaine. "Quand j'arrive ici, ça me fait du bien de retrouver la sérénité du troupeau." Quand elle travaille à la capitale, ce sont ses deux salariés qui prennent soin du cheptel. 

Une reprise de la ferme dans la douleur

Anne-Cécile Suzanne ne s'était pas imaginé reprendre la ferme familiale, et pourtant, aujourd'hui, elle est cheffe d'exploitation. Tout bascule il y a 10 ans pour cette jeune fille qui se destine à de hautes études.

Son père tombe gravement malade. Il faut que quelqu'un prenne soin des bêtes, sinon la ferme risque de disparaître. En parallèle de ses études aux Etats-Unis, puis à Sciences-Po à Paris, Anne-Cécile Suzanne va apprendre le métier d'agricultrice sur le tas, avec l'aide de son salarié, et conseillée par son père et une agricultrice retraitée. L'apprentissage est rude. La perte de son père, un déchirement. 

Un livre pour raconter et transmettre

10 ans tout juste après la reprise de la ferme, elle décide de raconter son histoire pour témoigner du métier d'agriculteur aujourd'hui, dans "Les sillons que l'on trace" aux éditions Fayard.

Un livre pour lequel elle a déjà des retours de collègues qui disent se reconnaître dans les contraintes du métier. Un métier, qu'elle a appris à aimer, comme ses vaches.

On ne peut pas exercer le métier d'agriculteur sans aimer les vaches, parce que c'est beaucoup de contraintes : c'est se lever toutes les nuits au printemps quand il y a les naissances des petits veaux. C'est une vigilance H24, 7 jours sur 7.

Anne-Cécile Suzanne, agricultrice

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Un reportage de Karine Lepainteur et Cyril Duponchel, montage : Thibault Blanchet ©France 3 Normandie

Une agricultrice engagée

Dans ce livre, elle raconte aussi son engagement politique au côté de François-Xavier Bellamy lors des élections européennes de 2019, et son soutien à Valérie Pécresse à l'élection présidentielle de 2022. Toujours dans un souci de défendre au mieux l'agriculture française. "On importe aujourd’hui en France un quart de la consommation de viande bovine, c’est délirant !"

À cette récente étude environnementale qui préconise de diviser par deux sa consommation de viande, elle répond : "Il faut peut-être effectivement consommer deux fois moins de viande, mais de la viande française et de meilleure qualité." Une meilleure qualité qui va de pair, selon elle, avec le souci du bien-être de l'animal. 

Et elle s'interroge, sans cesse, sur comment réconcilier agriculteurs et consommateurs, comment concilier agriculture et environnement. Elle qui travaille en circularité, et enrichit ses sols avec le fumier de ses vaches.

Le problème, c’est quand l’environnement devient une charge pure pour l’agriculteur. C’est vrai que les pratiques les plus vertueuses environnementales sont les moins bien rémunérées.

Anne-Cécile Suzanne, agricultrice

Aujourd'hui, première adjointe au maire de son village, elle explique aux Parisiens venus s'installer dans le Perche que la campagne, ce n'est pas le calme assuré, que le balai des tracteurs et des livraisons de camions fait partie du quotidien, et participe à l'économie locale.

"On ne peut plus penser l'agriculture dans son coin"

Pour Anne-Cécile Suzanne, "les consommateurs ne comprennent plus forcément l’élevage, car on n’a pas expliqué ce qu’on faisait. On mange trois fois par jour, c'est normal de vouloir savoir ce qu'on a dans nos assiettes".

Et elle n'hésite pas à quitter ses champs pour discuter avec les acteurs de l'alimentation. À ses nombreuses casquettes s'ajoute celle d'administratrice indépendante au sein du groupe de distribution d'Auchan. "Cela fait partie de l’impact que je veux avoir sur l’alimentaire et l’agriculture."

Anne-Cécile Suzanne est aussi l'une des héroïnes des Femmes de la terre, réalisé par Édouard Bergeon et diffusé le mardi 27 février à 21h10 sur France 2. Un documentaire qui raconte le combat des femmes dans le monde agricole pour obtenir un statut, des droits, une reconnaissance.

Elle sera d'ailleurs présente sur le salon de l'agriculture. Un passage obligé pour y transmettre sa passion du métier.

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