Un réfugié irakien, qui avait profité de la crise migratoire pour obtenir une carte de résident de 10 ans en France, a été arrêté en mars dernier à Lisieux, dans le Calvados. Mis en examen à Paris, il s'agit possiblement d'un ancien cadre du groupe Etat islamique (EI).
Un Irakien a été arrêté à Lisieux (Calvados) et mis en examen en mars à Paris, soupçonné notamment d'avoir participé à un massacre dans son pays pour le compte de l'organisation jihadiste Etat Islamique (EI).
Arrivé en France à l'été 2016, Ahmed H. avait obtenu en juin 2017 le statut de réfugié politique auprès de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) lui donnant ainsi une carte de résident de 10 ans, a-t-on appris jeudi de source proche du dossier. L'Etat lui a retiré ce statut protecteur dans la foulée de son incarcération.
Sa mise en cause par la justice pour ses liens présumés avec l'EI illustre de nouveau le fait que des jihadistes ont pu profiter de la crise migratoire pour pénétrer en Europe, une des plus grandes craintes des services de renseignement occidentaux.
Cet homme de 33 ans est soupçonné par la justice antiterroriste française d'avoir participé en juin 2014 au massacre du camp militaire de Speicher, à Tikrit, au nord de Bagdad. Des hommes armés avaient alors enlevé des centaines de jeunes recrues de l'armée, essentiellement chiites, qu'ils avaient exécutées un par un, tuant jusqu'à 1.700 personnes dans cette ville alors occupée par les jihadistes de l'EI.
A l'été 2017, peu après l'obtention de son statut de réfugié, Ahmed H. avait été identifié et suivi par les services de renseignement, qui l'avaient ensuite signalé aux autorités judiciaires.
En novembre, le parquet de Paris décidait d'ouvrir une information judiciaire le concernant, confiée pour la première fois conjointement à des juges antiterroristes et à un de leurs collègues du pôle "crimes de guerres et crimes contre l'humanité" du tribunal de Paris, a indiqué le parquet.
Le 6 mars, les policiers de la DGSI (Direction général de la sécurité intérieure) l'ont finalement arrêté à Lisieux, dans le Calvados, selon une source proche de l'enquête.
Administrateur de l'EI ?
Après deux journées d'audition en garde à vue, Ahmed H. a été mis en examen le 9 mars pour "assassinats en relation avec une entreprise terroriste" et "crimes de guerre", puis placé en détention provisoire, a annoncé le parquet de Paris, confirmant une information de TF1/LCI. Ahmed H. est également poursuivi pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle", "crimes de guerre par traitements inhumains et dégradants", "crimes de guerre par l'usage de moyens et de méthodes de combats prohibés".
Selon une source proche du dossier, cet homme qui menait une vie discrète en France a nié toute implication dans les faits. Contacté par l'AFP, son avocat, Me Mohamed El Monsaf Hamdi, n'a souhaité faire aucun commentaire dans l'immédiat.
L'individu fait également l'objet d'une procédure judiciaire en Irak, où les autorités le soupçonnent d'avoir administré la région de Samarra, au nord de Bagdad, pour le compte de l'organisation jihadiste, a ajouté la source proche de l'enquête. La France refuse d'extrader les ressortissants passibles de la peine de mort dans le pays où ils sont recherchés.
Avant lui, d'autres membres de l'EI ont emprunté les routes des migrants dans les Balkans pour pénétrer en Europe en se mêlant au flot des réfugiés fuyant la guerre en Syrie. Une large partie de la cellule jihadiste qui a frappé la France et la Belgique, lors des attentats de 2015 et 2016 revendiqués par l'EI, était en effet parvenue à rentrer des zones de combat irako-syriennes en se mêlant aux civils. L'enquête sur les attentats du 13-Novembre à Paris et à Saint-Denis, qui ont fait 130 morts, s'attache d'ailleurs encore à retracer leur parcours et les soutiens dont ils ont bénéficié sur leur route, passée par la Grèce et les Balkans.
La France a enregistré plus de 100.000 demandes d'asile en 2017, selon des chiffres officiels qui confirment un bond des dossiers albanais devant les pays comme l'Afghanistan ou la Syrie.
Les explications d'Erwan de Miniac:
Mise en garde de l'Ofpra
Après cette arrestation, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) met en avant "sa vigilance" et explique demander des vérifications supplémentaires pour les pays "où il existe un risque", a indiqué son directeur. Pascal Brice explique que : "tout demandeur d'asile passe d'abord en préfecture" et que "s'il dépose un dossier à l'Ofpra, pour toute une série de nationalités identifiées où il existe un risque, nous faisons revérifier par le ministère de l'Intérieur".L'Irak figure parmi ces pays, a indiqué M. Brice, qui n'a pas voulu donner plus de détails sur le nombre d'Etats concernés, le type de risques ou le cas particulier d'Ahmed H. "L'Ofpra a son expertise", ajoute Pascal Brice, évoquant notamment le fait que l'Office se penche sur l'origine du demandeur d'asile et son passé et fait preuve, pour les pays où il existe "un risque", d'une "vigilance renforcée".