Quatre agents du Département de la Seine-Maritime poursuivent leur employeur en justice. Ils reprochent à la collectivité de les avoir exposés à l'amiante lors d'un chantier de désarmement d'un bac de Seine en 2015. Une audience a eu lieu le 15 mars 2022 au tribunal de Rouen. Le jugement a été mis en délibéré.
« J’attends des réponses de notre employeur. Je pense qu’il connaissait les risques. Nous n’avons pas été suffisamment protégés », soupire Arnaud Quibeuf devant le tribunal de Rouen. Il fait partie des quatre agents du Département de la Seine-Maritime à saisir la justice. Ces hommes travaillent ou ont travaillé sur les bacs qui assurent la traversée de la Seine.
«Je suis inquiet pour ma santé»
Ils reprochent à la collectivité de les avoir mis en danger lors d’un chantier de désarmement en avril 2015. Lors du démontage du moteur du bac 13, de la poussière de fibre d’amiante s’est répandue dans la soute.
« Je suis inquiet pour ma santé. J’ai été au contact de l’amiante. J’ai fait du perçage, du meulage avec un bleu de travail en coton. Je ne sais pas comment l’amiante va réagir, ça peut être dans 10 ans, dans 20 ans ou même demain. Je n’ose pas faire d’examens de peur de découvrir une maladie», explique Arnaud Quibeuf, chaudronnier depuis 31 ans.
J'ai fait du perçage et du meulage avec un bleu de travail en coton
Arnaud, Quibeuf, agent du Département de la Seine-Maritime
Questions autour de la formation et des équipements
Les plaignants considèrent que le Département n’a pas respecté ses obligations en matière de sécurité. Ils estiment ne pas avoir été suffisamment formés et ne pas avoir bénéficié d’équipements de protection adéquats. Selon leurs avocats, l’employeur n’a pas évalué les risques alors qu’il savait que les parois du navire étaient dégradés depuis « 2008 au moins ».
Les agents font valoir un préjudice d'anxiété
« L’infraction qu’on reproche au Département, c’est une mise en danger. Quel que soit le taux d’amiante, lorsque des salariés sont amenés à travailler au contact de l’amiante, ils doivent être informés et protégés. Il doit y avoir des mesures en amont, pendant et après l’intervention », note Me Corinne Morival, avocate des parties civiles. « Nous espérons une condamnation pénale de principe exemplaire et demandons l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété ».
« On espère que si condamnation il y a du Département, cela fasse réfléchir aussi bien les collectivités que les employeurs de droit privé qui peuvent prendre cette problématique à la légère », ajoute Me Karim Berbra, avocat du syndicat CGT qui s’est porté partie civile dans l’affaire.
Pas de manquement délibéré selon l'avocate du Département
De son côté, l’avocate du Département, qui n’a pas souhaité s’exprimer au micro de France 3 Normandie, assure que la collectivité a émis des notices pour les salariés et mis en place des formations. Pour Me Emmanuelle Dugué-Chauvin qui demande la relaxe, il n’y pas eu de manquement délibéré. Le jugement sera rendu le 10 mai 2022.