"Cette guerre, c'est celle de trop" : l'angoisse d'un Franco-Libanais installé en Normandie

En Normandie, la communauté libanaise est inquiète depuis les premiers bombardements du 23 septembre. Simon Abi Seeman vit dans la région depuis plus de trente ans, mais suit attentivement l'actualité dramatique de son pays d'origine. Il est inquiet pour sa famille qui vit sur place et se confie à France 3 Normandie.

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Son corps est en Normandie, mais son esprit au Liban. Depuis les bombardements massifs d'Israël sur les fiefs du Hezbollah, Simon Abi Semaan a le ventre noué. Lui a quitté son pays il y a trente ans, mais toute sa famille est restée sur place, dans leur village au nord de Beyrouth. 

Quand Simon Abi Semaan n'a pas les yeux rivés sur son poste de télévision pour suivre les dernières informations, il est au téléphone avec sa maman, son frère et sa sœur. Tous vivent dans la peur et sont très inquiets pour les prochains jours. 

Un pays "pris en otage"

"Cette guerre, c'est celle de trop", confie, ému, le Normand d'adoption, qui vit aujourd'hui à Saint-Valery-en-Caux (Seine-Maritime). Les bombardements dans le sud et l'est du Liban, et dans les quartiers sud de Beyrouth, ont déjà fait des milliers de déplacés. Deux semaines après le début de l’escalade entre le Hezbollah et Israël, le bilan humain est déjà catastrophique, avec un millier de Libanais morts, et s'alourdit chaque jour.  

Déjà dévasté par une crise économique, sociale et politique sans précédent, le Liban est au bord du gouffre et s'enfonce dans une crise financière sans précédent. "Depuis cinquante ans, on passe de guerre en guerre. Nous sommes régulièrement attaqués, agressés. On règle les comptes des autres chez nous, mais c'est nous qui payons le prix, déplore Simon Abi Semaan. La situation était déjà terrible avant la guerre, donc depuis quinze jours, vous imaginez que la situation ne fait que s'aggraver".

Les frappes s'intensifient

Ce week-end, l'armée israélienne a mené de nouvelles frappes aériennes dans la banlieue sud de Beyrouth, visant un fief du mouvement armé Hezbollah. Des nuits violentes entendues dans une majeure partie du pays. "Tous les jours, ma famille qui habite à Byblos, au nord de Beyrouth, entend les déflagrations. L'onde de choc se propage jusqu'à notre village. Ils entendent, ressentent et voient tout ce qui se passe", décrit Simon Abi Semaan.

Un quotidien tendu, mais encore plus terrible pour l'autre partie de sa famille qui vit dans le sud du pays. "L'aviation israélienne a visé un village chiite qui se situe à deux kilomètres de mon village chrétien. Mais les conséquences sont pareilles quand on tire des obus aussi importants", regrette-t-il. 

Si Simon Abi Semaan a choisi de partir de son pays en 1994, c'est pour poursuivre ses études. Au Liban, il était moniteur de ski, mais en France, il a choisi la direction du nucléaire et est aujourd'hui responsable d'un centre de formation en sûreté à Saint-Valery-en-Caux. Quitter son pays d'origine n'a pas été facile et il ne veut surtout pas faire subir cela à sa famille. 

Soutenir à distance

"Moi je suis heureux ici, mais le but n'est pas que les Libanais quittent leur pays. Eux ne veulent pas partir et sont dans une optique de faire de la résistance sur place. Nous, nous les aidons à distance". Avec des amis et des cousins installés à Paris, ils ont repris l'association qu'ils avaient fondée il y a quelques années. Grâce à "Libanais En Yvelines", ils envoient des colis alimentaires, des vêtements, des dons financiers. "L'actualité nous oblige à réactualiser les campagnes de dons. On fait tout ce que l'on peut pour aider les familles et ceux qui ont tout perdu en quelques minutes ". 

Son frère, lui, a encore un toit au-dessus de la tête, mais ne travaille presque plus à cause du conflit. À Biblos, à 30 kilomètres au nord de Beyrouth, il tient une garderie pour les enfants. Mais depuis la guerre, la majorité des écoles publiques a été réquisitionnée pour loger tous ceux qui fuient les zones bombardées. Depuis le 23 septembre, plus d'un million de personnes a été déplacé. Les écoles sont à l'arrêt, l'entreprise de son frère aussi. 

Garder un lien avec ceux sur place

Pour tenter de garder le moral, la famille de Simon Abi Semaan est plus que soudée. "Nous nous appelons tous les jours, nous gardons contact tout le temps. Lors de la guerre entre 1975 et 1990, j'étais sur place et nous avions que des téléphones fixes. Les liaisons coupaient à cause des bombes, nous devions attendre plusieurs semaines pour avoir des nouvelles. Aujourd'hui, heureusement, c'est plus facile", tente-t-il de relativiser. 

On renaîtra toujours de nos cendres, mais tout le monde n'a pas été habitué à la guerre. Cette fois, les conséquences seront régionales, si ce n'est mondiales". 

Simon Abi Semaan

Depuis 1975, c'est la cinquième guerre israélo-libanaise. Mais celle-ci terrifie le Normand, avec la crainte que la situation dégénère. "Moi je m'inquiète surtout pour le reste du monde. Car l'effet domino de cette guerre ne va pas s'arrêter aux frontières du Liban".

Malgré cette terrible situation, Simon Abi Seeman garde en mémoire les plus beaux souvenirs de son pays, ses dernières vacances où il est allé skier dans les montagnes de son enfance. Il avait pour espoir de retrouver sa famille pour les fêtes de Noël, mais aujourd'hui tous ses projets sont incertains. "Retrouvons un peu d'humanité. Les Libanais, les Israéliens, les responsables, les combattants... Tous, regardons autour de nous, il n'y a plus rien d'humain. Reconsidérons l'autre, sinon, nous ne sortirons jamais de cette guerre". 

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