La Seine a débordé à plusieurs reprises en ce début avril en Normandie, les grandes marées se conjuguant à la tempête Pierrick. Et le phénomène va certainement s'accentuer dans les prochaines années, selon les experts. Alors comment prévenir les risques ? Éléments de réponse.
La Seine est une nouvelle fois sortie de son lit, jusqu'à recouvrir une large partie des quais à Rouen (Seine-Maritime), mercredi 10 avril après-midi. Le coefficient de marée atteignait 112. Ces crues ont été particulièrement spectaculaires en raison des grandes marées et de la dépression Pierrick.
Le phénomène n'est pas nouveau, mais pourrait s'accentuer dans les prochaines années, selon les prévisions des experts.
"On subit malheureusement"
La commune de Duclair fait partie des zones très souvent touchées par ces inondations. Maggy Lepillier en fait régulièrement les frais. Ce mardi, son restaurant situé à une dizaine de mètres du fleuve a été touché malgré des sacs de sable installés sur le pas de la porte.
"On subit malheureusement. L'eau rentre quand même parce que, de toute façon, ça s'infiltre, quoi qu'on fasse", se désole la gérante, installée depuis huit ans à Duclair. "C'est du boulot. Hier, on a passé trois heures à tout nettoyer", illustre Maggy Lepillier, qui trouve le phénomène "inquiétant".
Une crue à 9,50 mètres
La crue de ce mardi 9 avril a été mesurée à plus de 9,50 mètres, un niveau déjà atteint en 2020. Selon le syndicat mixte de gestion de la Seine Normande, à cause du changement climatique et de la montée des eaux, d'ici 2100 la Seine pourrait atteindre un niveau particulièrement élevé lors des crues, pratiquement un mètre de plus que cette année.
"On a deux phénomènes. On peut avoir, et c'est ce qu'on a aujourd'hui, une crue de Seine importante qui vient de l'amont. On a vu que l'Île-de-France, et même l'amont du bassin, étaient en alerte rouge il y a quelques jours, donc toute cette eau nous arrive et forcément nous inonde", indique Albane Guignard Martin, directrice du syndicat mixte de gestion de la Seine Normande. Et puis, il y a les crues qui viennent de la mer, les submersions marines.
"L'ensemble se rencontre ici, entre Rouen et Brotonne." À Duclair, le phénomène est donc accentué. "Quand on a, comme mardi, un phénomène avec un fort débit, un gros coefficient de marées et du vent dans l'estuaire, on a des niveaux d'eau très élevés", explique Albane Guignard Martin.
La nécessité de s'adapter
Mais au niveau de la vallée de la Seine, les crues sont prévisibles. "On voit la Seine monter [...] ça nous permet d'informer les maires et les riverains pour essayer de se mettre en sécurité le plus tôt possible", souligne la directrice du syndicat mixte.
Les crues actuelles montent à des niveaux d'une quinzaine de centimètres de plus que ceux de crues comparables ayant eu lieu 20 ou 30 ans plus tôt.
Les évènements tels que nous les vivons aujourd'hui seront plus fréquents, et les niveaux d'eau vont être plus hauts. Donc ça va nécessiter une adaptation.
Albane Guignard Martin, directrice du syndicat mixte de gestion de la Seine Normande
Redonner de l'espace à la Seine
Il va donc falloir trouver des solutions tout en préservant les aménagements réalisés en bord de Seine, comme les industries et les commerces. "On a une Seine qui est très aménagée, qui est largement endiguée, qui a été rétrécie, corsetée et du coup l'eau qui s'écoule quasiment dans un canal", constate Cédric Fisson, chargé de mission "qualité de l'eau et transfert des connaissances" au Groupement d'intérêt public Seine-Aval.
Aujourd'hui, ce qu'on peut préconiser, c'est de redonner un peu d'espace, de respiration à la Seine pour qu'elle retrouve un fonctionnement un peu plus naturel.
Cédric Fisson, chargé de mission au Groupement d'intérêt public Seine-Aval
Une solution qui n'est certes pas "magique" mais qui présente, selon lui, des avantages d'un point de vue écologique "pour les poissons et l'épuration des eaux", et qui permettrait de réduire le niveau de débordement de la Seine en période d'inondation.
"Que veut-on faire collectivement de la Seine ?"
"Quand on regarde l'histoire de l'aménagement de la Seine, il y a 50, 100, 150 ans, la Seine n'avait rien à voir avec celle qu'on connaît aujourd'hui. Et la Seine qu'on aura dans 20, 50 ou 100 ans sera encore complètement différente", pointe Cédric Fisson.
"La question est : que veut-on faire collectivement de la Seine ? Est-ce qu'on veut faire un petit peu de tout ? De la navigation ? De l'industrie ? Des zones urbaines ? Des usages récréatifs ? On parle de baignade également. Et comment on concilie ces différents usages ? C'est ça qui va guider les aménagements, les politiques, les gestions qu'on va pousser pour la Seine", appuie-t-il.
En attendant des actions, il va falloir redoubler de vigilance lors des prochains épisodes de crues de la Seine qui promettent d'être de plus en plus importants.