Homophobie : "Ils m'ont insulté et m’ont roué de coups jusqu’à ce que je tombe" se souvient Nicolas Bellenchombre

Février 2018. Nicolas Bellenchombre, directeur artistique du festival du film canadien de Dieppe, et Alexis, un ami, sont violemment agressés dans les rues de Dieppe. Les auteurs seront condamnés à 10 et 12 mois de prison ferme. Retour sur un acte homophobe loin d’être unique en Normandie.

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Il est minuit ce soir de février lorsque Nicolas et Alexis rentrent à pied dans les rues de Dieppe. A quelques semaines de l’ouverture du festival du film canadien de Dieppe, les deux hommes sont joyeux, « sans être trop excentriques » précise Nicolas.

Ils chantonnent un air de Diane Tell lorsque leur chemin croise celui de deux individus. « Les deux types nous ont fusillé du regard, avec beaucoup de violence, un regard très noir » raconte Nicolas. « Ils nous ont  dit : qu’est-ce que vous voulez ? Qu’est-ce que vous avez ? Ca nous a refroidi alors nous avons arrêté de chanter » précise Alexis.

Les agresseurs les suivent et les insultes homophobes fusent. « C’est quoi ce parapluie de PD ?  Grosses pédales, tarlouzes ». L’un d’eux assène un coup de poing à Alexis, qui parvient ensuite à s’enfuir et prévient la police.

« Ce qu’on veut c’est te casser la gueule. J’ai cru que j’allais mourir »

Resté seul avec ses agresseurs, Nicolas propose aux deux hommes qui lui font face son téléphone, son portefeuille. « On s’en fout. Ce qu’on veut, c’est ta gueule. On veut te casser la gueule » répondent-ils. « Ils m’ont roué de coup à la tête, au dos, dans les jambes, jusqu’à ce que je tombe. J’ai cru que j’allais mourir » raconte Nicolas. Les deux agresseurs finissent par s’en aller en riant.

A l’arrivée de la police, la victime se souvient 

Alors que je saignais, pleurais, tremblais, la police m’a dit que si je m’étais fait taper dessus, c’était sans doute que je les avais provoqués.  En plus de l’agression s’est rajoutée cette accusation émanant de policiers, de représentants de l’Etat. C’était très violent psychologiquement.

Nicolas Bellenchombre

8 et 3 jours d’ITT pour les deux victimes

Pris en charge par les pompiers, Nicolas est conduit à l’hôpital. Il souffre de multiples fractures au crâne et au sinus et d’une paralysie partielle de la jambe gauche, dont il garde encore des séquelles. Il se voit prescrire 8 jours d’interruption totale de travail, 3 pour Alexis. Un dépôt de plainte est réalisé le soir-même.

Identifiés puis interpellés quelques semaines plus tard, les deux auteurs âgés de 21 et 19 ans, jugés en comparution immédiate, sont condamnés à 16 mois de prison, dont 6 avec sursis et 18 mois de réclusion dont 6 avec sursis. Ce soir-là, ils ont agressé un autre couple d’hommes.

Trois ans après, les deux victimes restent marquées par cette agression. « Je suis toujours sous antidépresseur » confie Nicolas. « Je ne rentre plus seul le soir chez moi ». Alexis, lui, se dit moins insouciant qu’avant. « En tant qu’adulte, je ne pensais pas être confronté à ça. Désormais, je suis davantage sur le qui-vive, plus méfiant ».

Une société française toujours homophobe ?

Pour Nicolas, ce n’est pas sa première confrontation avec l’homophobie. Collégien à Dieppe, il révèle très tôt sa préférence pour les garçons. Pendant 4 ans, il est alors victime de harcèlement scolaire en raison de son homosexualité. « J’ai été surnommé Zaza, en référence au film La Cage aux folles. On m’a tiré les oreilles, arraché mon sac, insulté de suceur de bites. Un soir, un groupe d’élèves m’a même suivi et m’a pissé dessus. Bien souvent, j’ai eu des idées noires. J’étais seul et le personnel du collège n’a rien fait » se remémore-t-il.

Ces injures et actes homophobes, SOS Homophobie les comptabilise chaque année dans un rapport. L’édition 2020 (chiffres de l’année 2019) relève une augmentation de 26% avec 2 390 cas signalés.

Une haine qui prend un visage numérique note David Malazoué, président de l’association : « nous notons une augmentation de 56% des signalements liés à l’homophobie et plus largement aux LGBTIphobies* sur internet, notamment via les réseaux sociaux »

Sur le plus long terme, David Malazoué analyse qu’à chaque événement de la vie politique ou législative en rapport avec la protection des droits, un regain systématique des actes homophobes est enregistré, comme après le débat sur le mariage pour tous en 2012-2013.

Une volonté politique mais des moyens insuffisants

Aujourd’hui en France, l’arsenal répressif existe pour lutter contre ces discriminations. La loi de 2017 prévoit ainsi un dispositif général aggravant les peines applicables aux infractions pénales commises avec un mobile homophobe ou transphobe, que la victime soit ou non lesbienne, gay, bi ou trans. 

Une volonté politique affichée saluée par SOS Homophobie. Mais les moyens mis en œuvre pour appliquer ces dispositions sont insuffisants précise David Malazoué.  

Aujourd’hui, les peines encourues sont lourdes. Pour autant, elles ne sont pas dissuasives. Même quand des plaintes sont déposées, très souvent, elles n’aboutissent pas, ce qui entretient le sentiment d’impunité des auteurs. Sans compter que pour beaucoup, la LGBTIphobie reste encore une opinion. Or, c’est un délit. 

David Malazoué, président de SOS Homophobie

Pour l’association, outre la mise en place de moyens suffisants, l’éducation reste l’une des principales solutions de lutte contre toutes les formes d’exclusion.

Eduquer pour lutter contre les discriminations

C’est le constat qui anime depuis 2017, le Musée national de l'Education, basé à Rouen. Il propose aux établissements scolaires une exposition itinérante sur l'histoire des LGBTI+, du XIXème siècle à nos jours. Un outil qui permet d’organiser au sein des collèges et lycées un temps d'échange et de sensibilisation. Un travail mené notamment au lycée Jacques Prévert de Pont-Audemer.

Depuis deux ans, une enseignante de SVT organise auprès d’élèves de seconde un atelier consacré aux LGBTphobies. L’objectif est de permettre aux jeunes de dialoguer chacun avec son niveau de connaissance et sa sensibilité. L’occasion aussi de leur montrer qu’ils peuvent agir eux aussi contre ces discriminations.

L’école est le premier lieu de socialisation. L’enjeu éducatif est fort sur ces questions mais pas toujours évident. Nous leur proposons une thématique, une réflexion sur laquelle ils ne sont pas toujours encore matures. C’est parfois un sujet dont ils n’ont pas forcément envie de parler. Mais, nous semons des graines.  

Emily Remmeau, enseignante de SVT au lycée

Un enjeu de taille. Selon une étude de l’IFOP réalisée en 2018, l’établissement scolaire apparaît comme le lieu au sein duquel les agressions LGBTIphobes sont les plus courantes, devant la rue et les transports en commun. 26 % des personnes LGBTI déclarent y avoir fait l’objet d’injures ou de menaces verbales.  

 

* La LGBTIphobie est le fait de commettre une infraction à l’encontre de quelqu’un à raison de son identité de genre (trans, non binaire…) ou orientation sexuelle (homosexuel, bisexuel, pansexuel…).

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