Après l'été, certains cultivateurs sont obligés de faire pousser des intercultures entre leurs sols en jachère avant de les détruire. Pour éviter d'utiliser des désherbants chimiques ou de broyer et labourer les sols à outrance, certains se tournent vers une méthode du siècle dernier : le pâturage.

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Depuis la mi-septembre, le champ de Marc Thuillier, polyculteur à Maulévrier-Sainte-Gertrude (76), s'est mis à sonner les cloches. Depuis la mi-septembre, vingt-et-une brebis, des Roussins de la Hague, s'y cachent pour déboiser tout ce qui pousse dans cette parcelle en jachère, à raison de 2 kilos et demi de matière sèche par jour et par bête, en sachant qu'un hectare représente environ 4 tonnes.Le petit troupeau appartient à Samuel Foubert, devenu éleveur sur le tard, en 2014, en parallèle de son activité dans les travaux publics. C'est lui qui a initié les démarches pour lancer la première expérimentation, à l'automne 2019 : "cela me permet de nourrir gratuitement mes moutons et de valoriser des intercultures qui sinon sont broyées ou traitées".

Ces brebis débrouissailleuses mangent à l'oeil, mais travaillent gracieusement pour le céréalier. Depuis 2012, la directive nitrates l'oblige à semer un couvert végétal, une culture de transition entre le colza de cet été et le maïs du mois d'avril, en l'occurrence. Cette protection sert à "limiter le lessivage des nitrates et lutter contre l’érosion des sols", indique la chambre d'agriculture de Normandie.

Pour autant, si les cultivateurs situés en zone dite "vulnérable" ont l'obligation de laisser pousser moutarde, avoine,vesce, tournesol, pois, phacélie ou tout autre plante qui pourra piéger au mieux l'azote de la précédente culture, il s'agit d'une production qu'ils n'ont pas le droit de récolter et qu'ils doivent donc détruire. Célie Bresson, chargée de mission élevage au sein du réseau des Civam normands, une association qui promeut un changement des comportements pour une agriculture durable, l'écopâturage "permet d'économiser le fioul du tracteur qui va détruire la plantation, ou d'éviter un passage de glyphosate sur le sol, dans le cas d'une destruction chimique".

Depuis l'année dernière, Samuel est l'un des pionniers de la pratique. Mais chose rare, c'est aussi un éleveur sans terrain pour l'hiver, qui balade son petit troupeau de parcelle en parcelle quand le froid s'attaque à sa petite prairie d'Hauville, dans l'Eure. Cette année, il a investi dans une clotûre mobile - il faut 1h30 pour encadrer 6 hectares de terrain - qui lui permet de fournir un service "clé en main" à son partenaire.
"J'ai conscience d'avoir de la chance d'être tombé sur lui, parce qu'en règle générale, c'est très compliqué de convaincre les agriculteurs", reconnait l'éleveur normand. 

Une pratique du siècle dernier

À ses cotés, cette le réseau des Civam  milite pour convertir de nouveaux agriculteurs à l'écopaturage.... car les plus anciens connaissent déjà. "Cette pratique était courante il y a une cinquantaine d'années,mais elle s'est perdue avec temps, poursuit Célie Bresson. Petit à petit, on a moins fait de couverts, car les semences coutent de l'argent, et le nombre de fermes était beaucoup plus important à l'époque".
 
Ce week-end, les brebis de Samuel Foubert remettent le couvert sur une nouvelle parcelle, plantée plus tard pour leur permettre de déguster des plantes plus basses et donc plus tendres. Un menu concocté tout spécialement pour elles : avoine, tournesol, plantes fleuries et toujours un peu de moutarde blanche... histoire de relever le tout.
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