Déjà deux titres mondiaux de natation artistique handisport, Léonice Caillot met les brassées doubles et prépare un ballet en équipe inclusive pour le prochain championnat du monde. La discipline n’est reconnue par aucune fédération et le club de Gravenchon se bat aux côtés de l’association Nat’handi artistique pour la faire reconnaître.
Fille de nageur, Léonice Caillot a commencé à fréquenter les bassins dès la petite enfance mais a peiné à apprendre à nager. Atteinte de dyslexie, dysorthographie, dysgraphie, dyspraxie et de troubles de l’attention, il est difficile pour la jeune fille de coordonner ses mouvements, de se repérer dans le temps et dans l’espace.
« J’ai du mal avec ma gauche et ma droite, avec les comptes et à rester concentrée pendant les entraînements entiers », développe l’adolescente, âgée de 14 ans.
Des entraînements adaptés
Difficile de performer en natation synchronisée, officiellement appelée natation artistique depuis 2017, puisque comme son nom l’indique… La synchronisation est primordiale. Plus à l’aise en solo, Léonice travaille sans relâche pour participer au championnat du monde de natation artistique destiné aux athlètes porteurs de handicap.
L’entraîneuse du CSG natation artistique Sandra Lerévérend la prend sous son aile et adapte les entraînements pour elle. « Quand un exercice ne marche pas il ne faut pas se dire que c’est la faute du nageur », confie l’entraîneuse, « Léonice m’a appris à être beaucoup plus observatrice et créative », reconnaît-elle.
Le reportage de Stéphane Letournel et de Emma Stendfeld :
La consécration aux États-Unis
Les efforts payent et en août 2022, Léonice se rend à Charlotte aux États-Unis avec l’association Nat’handi artistique, son club et sa famille. Elle revient avec deux médailles d’or autour du cou, une en solo et l’autre en figures imposées.
« Après le championnat du monde je me suis sentie valorisée », se souvient Léonice, ayant souffert de harcèlement scolaire à l’école primaire. « Ce sport m’a aidé à avoir confiance en moi, à apprendre à me connaître et à gérer mon stress. Une fois que j’ai plongé, je n’ai plus de stress », révèle la collégienne.
Une belle récompense aussi pour son père, sa mère et même sa grand-mère, qui ont fait le déplacement jusqu’en Caroline du Nord. « Ça va rester gravé à tout jamais, c’est un très bel accomplissement de tous les efforts qu’elle a pu fournir, s’enthousiasme Adrien, son père, ça lui a permis de connaître d’autres personnes avec d’autres difficultés, voir qu’elle n’est pas toute seule. »
Du solo à l’équipe inclusive
Le prochain championnat du monde se déroulera en France, à Châlons-en-Champagne dans la Marne du 13 au 15 août 2024, organisé par l'association Nat'Handi artistique. Léonice y participera en solo, et pour la première fois en équipe inclusive intégrant des nageurs avec ou sans handicap.
Un nouveau défi pour l’entraîneuse du club puisque Léonice peut faire la chorégraphie en miroir sans s’en rendre compte. « En solo c’est pas du tout gênant sauf qu’en équipe si elle part à droite et que les sept autres partent à gauche c’est problématique, explique Sandra Lerévérend, l’idée c’est de trouver sa place dans le ballet pour qu’elle ait toujours une co-équipière en visu, qu’elle ne soit jamais en aveugle. »
Avec leur coach, les huit nageuses de l’équipe rusent d’astuces et de patience pour contourner le handicap. « On a utilisé des bracelets pour la droite et la gauche, et comme elle n’arrive pas trop à compter on met la chorégraphie sur les mots de la chanson », confie Tyfenn Lerévérend, co-capitaine. Et répéter, encore et encore.
Natation artistique handisport en quête de reconnaissance
Reconnue par aucune fédération, la discipline ne bénéficie d’aucun soutien financier public. L’association « Nat’handi artistique », née en 2021, se démène pour la faire connaître et reconnaître, et pourquoi pas un jour, présenter des athlètes aux Jeux olympiques.
« Je rêve que la natation artistique soit reconnue en handisport et sport adapté pour pouvoir participer aux jeux avec d’autres nageuses de l’association, confie Léonice, faire comprendre que oui on est en situation de handicap mais on peut réussir à faire ce qu’on veut faire. »