Demain, vivrons-nous tous en "coliving" ?

Le coliving, sorte de colocation haut de gamme, a le vent en poupe. Idéal pour les actifs et les étudiants en quête de logement, envisageable pour combattre la solitude des séniors, rentable pour les investisseurs, le coliving se profile comme l’habitat de demain.

1 milliard d’euros. C’est la levée de fond que vient de réaliser, début mai 2022, Colonies, spécialiste du coliving. Déjà présente à Paris, Lille, Bordeaux, Marseille ou encore Nantes, la startup française nous confie que des ouvertures de maisons et appartements en habitat partagé « sont prévues » en Normandie. Notre région n’échappera pas à la hype coliving. A vrai dire, ça a déjà commencé.

C’est quoi le coliving ?

D’abord, un point définition. Le coliving, c’est une sorte de colocation haut de gamme, où les espaces privés sont plus fournis et les espaces partagés plus qualitatifs. C’est un savant mélange, où l’intimité est davantage préservée, et la vie collective facilitée. Oubliez la coloc’ avec une salle de bain pour quatre personnes et une petite cuisine où tout le monde se marche dessus.

En coliving, chaque habitant jouit d’une chambre privée avec un espace de travail, bien souvent une salle de bain privative, et parfois même un coin cuisine. On se rapproche du studio. Sauf que ce studio est au sein même d’un appartement ou d’une maison.

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Coliving, sens et définition en moins de deux minutes. ©France Télévisions

Dans ce logement, partagé avec 5, 10, 15 personnes ou plus (ça peut monter très haut), les espaces communs sont pensés pour convenir à tout le groupe. La preuve chez les pionniers de la région, créateurs des Maisons de Marcel, qui se sont lancés au Havre (Seine-Maritime). « La pièce à vivre est vraiment adapté pour les 12 personnes de la maison », explique Marion le Corre.

Dans le salon, des canapés et une grande télé. Dans la salle à manger, un banc immense et 6 chaises entourent une longue table. Puis vient la cuisine, suréquipée, avec 3 réfrigérateurs, 2 micro-ondes, 2 fours, 2 laves vaisselle, 1 tireuse à bière… Dans la cour intérieure, une table de ping-pong, un salon de jardin, un bar, des fléchettes…

Marion le Corre a acheté cette maison l’année dernière avec son cousin Guillaume, et l’épouse de ce dernier, Edwige. Après quelques mois de travaux, la société Les Maisons de Marcel (le prénom de leur grand-père, un homme « qui aimait recevoir ») propose aujourd’hui 12 chambres à la location dans cette bâtisse en brique, sur 5 niveaux, rue Arago. Leur cible : les actifs. « Les travailleurs qui aimeraient habiter au Havre » mais qui ne connaissent pas la ville. Actuellement, quelques chambres sont occupées par les salariés d’une même entreprise, en mission pour plusieurs mois au Havre.

L’envie profonde des trois trentenaires, c’est de louer la maison à des actifs d’horizons variés, qui ne travaillent pas dans les mêmes secteurs. Des personnalités différentes, mais qui ont ce point commun : ils veulent trouver rapidement un bon logement, qui rentre dans leur budget. Ils ne comptent pas se prendre la tête pour les visites, pour meubler le nouveau logement, pour gérer les abonnements à l’eau, l’électricité, à internet… Le concept est fait pour eux : dans le cas d’un logement en coliving, tout cela est compris.

Les services inclus, voilà la grande différence entre le coliving et la colocation. Cela peut varier selon les annonces, mais en général, on retrouvera les abonnements aux énergies, à un fournisseur internet, mais aussi à des plateformes de streaming. Chez les Maisons de Marcel, le ménage des parties communes est compris, ainsi que la maintenance du matériel (pas d’ampoule à changer, pas de robinets à resserrer). Cout du loyer : 750€.

Cela peut paraitre plus cher qu’une location classique dans le secteur havrais, mais Marion le Corre assure avoir fait les calculs : « On a comparé le prix avec un logement F2 de 35 m² au Havre. En prenant en compte l’ensemble des charges qui sont afférentes au logement, quand on additionne tout, avec l’ensemble des mobiliers à disposition et des services qu’on met en place, on arrive au même prix voire plus que ce que l’on propose».

Le format des Maisons de Marcel suit la droite ligne du concept originel, tel qu’il est né aux Etats Unis dans les années 2000 : le coliving est un logement clé en main pour jeunes actifs urbains. Mais le concept se décline et s’adresse désormais à d’autres publics.

Coliving sénior et coliving étudiant

A Maromme (Seine-Maritime), près de Rouen, le chantier du Co-coon Social Club vient de démarrer. Fin 2023 va naitre « la première résidence coliving sénior de France » selon ses créateurs. Derrière ce projet, trois associés : l’un vient du secteur du coworking, les deux autres s’occupaient de maisons de retraite. Ils ont décidé de mixer leurs domaines de prédilection.

Pour Jean Charles Dupuis, l’un des trois fondateurs de Co-Coon, l’idée est de « développer une communauté » et de « créer du lien social ». Plusieurs séniors habiteront ainsi des appartements et partageront 350 m² d’espaces communs. « Il y aura des ateliers cuisine, bricolage, gym, etc, avec un animateur sur site ».

Certains défenseurs du coliving y voient une alternative pour combattre la solitude, qu’importent l’âge et la génération. Pour d’autres, c’est une solution face à la crise du logement.

C’est la vision de Thomas Seguy, directeur des opérations du groupe Kley, qui développe des résidences étudiantes en coliving. « La pénurie de logement se fait sentir de plus en plus, c’est une galère pour les étudiants. Nous on propose un logement qui répond à leur demande, c’est-à-dire avoir de la convivialité, un coté fun. Un logement qui répond à la demande de leurs parents, c’est-à-dire avec un coté sécuritaire, avec une équipe sur place ».

A Rouen, tout près de la fac de médecine, une nouvelle résidence du groupe ouvrira ses portes les 1er juillet. La 19e résidence en seulement 7 ans d’existence. 211 étudiants seront logés ici. 75% seront dans des studios assez classiques. Et un quart vivra dans des appartements de type colocation, mais respectant les standards du coliving, avec notamment 1 salle de bain par occupant, et tous les « services para-hôteliers » que détaille Thomas Seguy : « le ménage et le soin du linge sont compris, ainsi que le prêt de matériel : jeux de sociétés, appareil à raclette. On organise également des soirées festives, une semaine du bien être, des cours du sport, et tout un tas de service ». Studio ou colocation, le loyer avoisine les 500€ par mois, charges et (nombreux) services inclus.

Le coliving attire les investisseurs

« On a un investisseur institutionnel qui est le groupe Axa, et qui nous permet de nous développer de façon rapide. Donc ça marche plutôt bien », explique Thomas Seguy. Les chiffres sont éloquents, et le succès du groupe Kley presque insolent : 3 à 5 résidences en coliving ouvrent chaque année, le taux de remplissage avoisine les 100% à chaque rentrée. « On répond à une forte demande. Le remplissage se fait rapidement. Ce qui permet d’avoir des taux d’occupation toute l’année élevé, à des prix élevés, ce qui ramène une certaine rentabilité à l’investisseur. »

Pour des projets plus familiaux, plus modeste, comme celui des Maisons de Marcel, l'avenir est un peu plus incertain. Marion, Guillaume et Edwige ne se versent pas encore de salaire et doivent encore attendre quelques mois avant de voir si le concept prend.

Mais si des projets d’envergure sont prévues pour les prochaines années sur tout le territoire, normand comme national, c’est bien parce que le coliving promet une belle rentabilité pour les investisseurs. La demande est là, l’offre arrive. Mais les belles promesses du coliving ne doivent pas nous empêcher d’être sur nos gardes, et de nous poser cette question formulée par le journaliste anglais Will Coldwell, du Guardian : « Le coliving est-il une solution à la crise du logement et la solitude urbaine, ou une manière cynique de profiter de ces deux maux de la société pour se faire de l’argent ? »

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