C'était il y a six mois, le 20 mars 2024, sur le port du Havre (Seine-Maritime) : un chimiquier, un navire-citerne dédié au transport des produits chimiques, percute le terminal gazier Norgal, classé Seveso seuil haut. Une manœuvre d'accostage ratée qui aurait pu être dramatique.
Cinq ans après l'incendie de Lubrizol, le manque de transparence de la part des industriels est toujours tenace. Il y a six mois, sur le port du Havre, un appontement gazier était détruit après une erreur humaine. Si les processus d'alerte ont été respectés le jour de l'accident, les suites, elles, se déroulent en toute opacité.
Ces images diffusées pour la première fois sur notre antenne montrent que la catastrophe aurait pu être majeure.
Le récit en images de Danilo Commodi, avec Cécile Lefèvre :
Un plan d'opération interne déclenché au bon moment
Il est 15h03, le 20 mars, lorsqu'un navire chimiquier percute de plein fouet l'appontement d'accostage du terminal gazier, situé sur le port du Havre. Une erreur humaine liée à l'échec d'une manœuvre... qui provoque une véritable vague de panique : le terminal est détruit, il est classé Seveso seuil haut.
Mais heureusement, la canalisation rompue ne contient ce jour-là que des résidus de gaz : il n'y a ainsi qu'une légère fuite de butane et propane, et l'arrosage automatique se lance normalement.
L'industriel a lancé son plan d'opération interne (POI) dans les délais, et a alerté immédiatement les autorités, comme le prévoit la législation.
On est prévenu dans les meilleurs délais, et on est invité à participer à la cellule de crise à l'intérieur des sites. Ce jour-là, j'étais d'astreinte. Je suis resté jusqu'à la levée du POI pour avoir les bonnes informations et parer à tout événement plus dangereux.
Christian Chicot, responsable des risques industriels de Gonfreville-l'Orcherà France 3 Baie de Seine
Selon certains acteurs du port, une catastrophe industrielle majeure a été évitée de peu. Dans ce périmètre sont en effet implantés de nombreux sites classés Seveso - des explosions en cascade auraient pu avoir des conséquences désastreuses. Et à lui seul, Norgal dispose d'une capacité de stockage de gaz de 90 000 m3 sur cette zone.
Pour autant, le Bureau d'enquêtes sur les événements de mer (BEA MER) ne se saisit pas du dossier et la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) classe l'événement sans suite dans son rapport, dont voici une copie :
Sur le port, la loi du silence
Et sur le port, c'est l'omerta. Ni les industriels, ni la capitainerie, ni le pilotage, ni le remorquage n'acceptent de répondre à nos questions. En coulisses, tous s'affrontent pour déterminer qui sont les responsables, et qui doit payer pour les réparations et les pertes d'exploitation.
Ces dernières sont chiffrées à plusieurs dizaines de millions d'euros. Le navire chimiquier concerné reste immobilisé dans le port pendant une semaine après les faits, l'armateur provisionne une garantie de près de dix millions d'euros, faisant jouer la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, issue d’une convention internationale de 1976.
Mais la somme ne suffit pas à réparer tous les dégâts et les pertes d’exploitation. Aujourd'hui, l'activité de Norgal est presque à l'arrêt. La reconstruction n'est pas encore planifiée. Difficile d'imaginer un bateau y accoster avant au moins un an.
Avec Danilo Commodi.