Le 3 février 2022, le chalutier "Le Mylanoh" faisait naufrage en Baie de Seine. Trois marins-pêcheurs avaient trouvé la mort. Plus d'un après la catastrophe, l'enquête vient de livrer ses résultats. Le Mylanoh aurait probablement heurté un autre navire.
Ils s'appelaient Hakim, Alan et Thierry. Les trois hommes ont perdu la vie en février 2022 alors qu'ils étaient en pleine pêche de la coquille Saint-Jacques, à bord du Mylanoh, leur bateau.
A 20h26, l'alerte est donné par le Bienvenue, chalutier qui partait de sa zone de pêche en Baie de Seine pour rentrer à Dieppe. Arrivé à l'ouest d'Antifer, l'équipage alerte le Cross Gris-Nez. "Je viens de taper dans un truc en faisant route, y'a un bateau qu’est la coque en l’air." La coque retournée est identifiée comme étant bel et bien celle du coquiller Mylanoh.
Le plus jeune marin n'a toujours pas été retrouvé
Malgré le lancement de l'opération de sauvetage moins de 2h après l'alerte, le Mylanoh sombre et "le corps d’un premier marin remonte à la surface. Le corps du patron sera découvert dans l’épave du navire par les plongeurs de la Marine nationale quelques jours plus tard. Le troisième marin est porté disparu", indique le BEAmer.
Un an après les faits, le Bureau d'enquêtes sur les événements de la mer (BEAmer) vient de rendre son enquête.
Deux scénarios sur les circonstances de l'accident
Dans son rapport de 64 pages, le BEAmer rend ses conclusions à partir d'images radar de navires à proximité au moment du naufrage, d'entretiens avec l'équipage du Bienvenue et d'autres données recueillies au cours de l’enquête. Une analyse contestée par les armateurs du Mylanoh et du Bienvenue.
La première hypothèse privilégie un manque de stabilité du Mylanoh dû à des libertés prises par l'équipage qui auraient causé le naufrage à eux seuls. En effet, le coquillard aurait tout d'abord coupé sa technologie AIS (un outil pour transmettre des informations sur la position, le cap, la vitesse, etc. du navire aux bateaux émetteurs).
La seconde hypothèse, privilégiée par les enquêteurs, fait état d'une collision entre les deux navires. D'après les schémas du BEAmer, le Bienvenue n'aurait pas détecté le Mylanoh, qui avait changé de trajectoire, et l'aurait percuté, entraînant son naufrage rapide. "L’absence d’appel du Mylanoh par radio laisse penser que le chavirement a été instantané", précise le BEAmer.
Le BEAmer privilégie l’hypothèse de l’accrochage des funes du Mylanoh par le Bienvenue. La situation rapprochée entre les deux navires s’est développée après le changement de route à 180° du Mylanoh, AIS coupé, alors qu’à bord du Bienvenue la veille n’est pas continue.
Bureau d'enquêtes sur les événements de la mer
D'après les enquêteurs, il est possible que "le Mylanoh, sous l'effet d'une forte gîte et du couple de giration provoqué par l'accrochage de ses funes en tension par le Bienvenue, ait violemment heurté le bordé du Bienvenue".
Les experts écartent en revanche le scénario selon lequel "le déficit de stabilité dû à une croche ou à une pontée depassant la limite autorisée soit la cause première du chavirage du Mylanoh".
Rappel du BEAmer
Au terme de ses conclusions, le BEAmer rappelle que "les obligations de veille s’appliquent à tous les navires, y compris ceux exploités à la pêche" et que "les équipages embarqués devraient toujours être munis des titres de qualification ou autorisations administratives requises".
Les experts recommandent au Bienvenue de "mettre en place une organisation du travail à la mer permettant une veille permanente effective" et à l'administration maritime et au comité régional des pêches maritimes "de veiller à la mise en œuvre effective de l’AIS sur l’ensemble de la flotte". Même si le BEAmer précise qu'une "recommandation de sécurité ne doit en aucun cas faire naître une présomption de responsabilité ou de faute".
Plus d'un après l'accident, l'émotion est toujours forte. Les Havrais ont rendu hommage aux trois marins du Mylanoh début février pour honorer la mémoire de ces hommes emportés par la mer.