La sécheresse qui dure depuis plusieurs mois fait des dégâts dans les cultures normandes, des champs jusqu'aux bouchots, ces pieux sur lesquels grandissent les moules. Pommes de terres et moules sont plus petites et plus rares cette année, ce qui pourrait faire grimper leur prix.
Dans le champ de pommes de terre des frères Lecarpentier, la moitié des feuillages est grillée. La sécheresse a fait de gros dégâts sur la pointe de Caux, en Seine-Maritime, l'une des zones où la production est la plus développée : "d'habitude à cette époque, on ne devrait pas voir la terre, ça devrait être un tapis de feuille", constate Anthony.
Les pommes de terre ont été plantées en avril et depuis, il n'a plu que 45mm d'eau, c'est moitié moins que les années précédentes.
Des petites pommes de terre
Pour ces producteurs conventionnels installés à Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime), les rendements s'annoncent médiocres car la pomme de terre n'a pas pu bien grandir "elles ont tubérisé à cause du manque d'eau. Quand la plante est en stress, elle cherche à se reproduire, à faire des fruits. Et plus il y a de fruits, moins elle est grosse", explique Jean-Baptiste Lecarpentier.
Le calibre des pommes de terre est donc restreint et la récolte est plus compliquée.
Dans la production de Frédéric Malo à Goderville (Seine-Maritime), le calendrier a été bousculé par la météo "quand le temps est sec, la récolte est difficile", explique le cultivateur, "alors on attend la pluie et on récolte à flux tendu". Chez lui aussi, le manque d'eau et les températures élevées ont empêché la plante de se développer. Les tubercules seront moins nombreuses et plus petites.
Selon Yves-Marie Raut, Conseiller spécialiste de la pomme de terre à la Chambre d'Agriculture de Normandie, les producteurs de la Seine-Maritime subissent plus qu'ailleurs les conséquences de cet été caniculaire "au niveau national, on est à 20% de rendement en moins cette année. Mais le secteur de la Seine-Maritime est moins irrigué. Les pertes pourront aller jusqu'à 30% voire plus en fonction des parcelles, des secteurs et des variétés", détaille le spécialiste.
Des conséquences sur les prix
Ce qui est rare est cher. Les faibles rendements attendus pourraient faire augmenter le cours de la pomme de terre dans les prochaines semaines. Une tendance accentuée par le coût de conservation des pommes de terre.
Après la récolte, les tubercules doivent être conservées en chambre froide pour éviter la germination. "On va devoir mettre une température plus basse que d'habitude car les pommes de terre sont stressées et ont envie de repartir", détaille Anthony Lecarpentier, producteur à Saint-Jouin-Bruneval. Une contrainte qui va faire grimper la facture d'électricité du cultivateur et donc du prix de vente de ces légumes.
Selon le producteur Frédéric Malo aussi, le cumul d'augmentation de charges va modifier les prix :"l'augmentation du coût des matières premières, du plastique, de l'électricité mais aussi de la main d'œuvre; le smic a pris 8% en un an; vont renforcer la hausse des prix".
Des moules de petits calibres
En mer aussi, la sécheresse a fait des dégâts. Dans l'exploitation de Marie Quétier à Agon-Coutainville, les moules n'ont pas assez grossi cette année. La faute au manque d'eau douce selon cette conchylicultrice : "ce sont les rivières qui se jettent dans la mer qui apportent les aliments. Cette année, elles se sont moins déversées et il n'y avait pas assez de phytoplancton pour que les moules se développent correctement".
En été habituellement, les moules sont 20 à 40% plus grosses
Marie Quétier, conchylicultrice à Agon-Coutainville (50)
Une petite taille qui rend la vente compliquée. A l'inverse des particuliers, les restaurateurs ne raffolent pas des petits coquillages. Mais l'exploitante se rassure, les moules sont tout de même bien fournies cette année et elle devrait écouler son stock sans trop de difficultés "car la moule en été, c'est une tradition!".
Sa seule crainte c'est le léger manque à gagner qu'elle pourrait subir "on a moins de poids, on fait de plus gros tonnages d'habitude, mais on les vendra quand même!". Plus cher ou pas...il est trop tôt pour le dire. Le consommateur peut s'attendre tout de même à une hausse des prix très légère.