La Seconde Guerre mondiale a bouleversé le quotidien de millions de Français. Au Havre, Denise Elie a traversé cette période, de l'Occupation jusqu'aux bombardements, dans un bistrot où elle travaillait. Elle a aujourd'hui 98 ans, et se remémore pour nous cette période sombre, à l'occasion des 80 ans de la libération de la ville.
Au moment de la libération du Havre, en septembre 1944, Denise est à peine majeure. Elle a fait partie des rares Havrais à être restés dans la ville pendant la guerre. La plupart l'avaient fuie lors de la débâcle de juin 1940.
"C'était noir (...), j'avais extrêmement peur", confie la Havraise de 98 ans à propos des bombardements. Nul besoin pour Denise de fermer les yeux pour s'en rappeler : ses souvenirs sont gravés à jamais dans sa mémoire. "On restait là, dans un coin [du café] avec ma mère, ce n’était pas régulier. [Certains bombardements] duraient 20 minutes et d'autres plus d'une heure".
"Quand on voyait les bombes tomber, on savait qu'il y avait du monde en dessous", raconte celle aux yeux bleu clair. Son regard très expressif témoigne de l'intensité de ce qu'elle a vécu. Le 5 et le 6 septembre 1944, les bombardements alliés ont complètement rasé le centre-ville du Havre et fait 2 053 victimes. Denise s'estime chanceuse, car aucune faisait partie de sa famille. Mais la nonagénaire garde toujours des stigmates invisibles de cet épisode marquant.
J'ai gardé des peurs. Vous ne me ferez pas regarder un film de guerre, je ne peux pas.
Denise ElieA vécu au Havre pendant la guerre entre 1940 et 1944
"J'ai eu la peur de ma vie"
Jusqu'à la Libération, Denise travaillait comme serveuse au bar du Téléphone. Au moment de l'Occupation, en 1940, elle décide avec sa mère de rouvrir l'établissement pour éviter qu'il soit pillé. Denise n'était pas payée, mais elle gagnait un peu de sous grâce aux pourboires. "J'ai passé toute ma jeunesse là", souffle celle qui a commencé à travailler là-bas à 14 ans.
Parmi ses clients, des dockers, mais aussi des soldats allemands. "Une fois, j'ai eu la peur de ma vie", raconte Denise. "On n'avait pas le droit de leur servir de l'alcool", poursuit l'ancienne serveuse. Mais un jour, alors qu'il allait partir sur le front, un Allemand déroge à la règle et vient lui commander un verre de Schnaps. Elle refuse. Il insiste. Elle refuse encore. "Et là, il plante un couteau sur le comptoir !", s'exclame Denise. "Alors, je lui ai servi son verre de cognac. J'avais peur !"
De cette période chargée d'histoire, Denise garde aussi des souvenirs plus heureux. Car ce bar du Téléphone est aussi le lieu où elle a rencontré son mari.