Insolite : des fruits et légumes exotiques produits en Normandie

Gingembre, yuzu, grenade, ananas, pitaya ... Non, vous ne rêvez pas, ces plantes exotiques sont bien cultivées en Normandie ! Certaines sont implantées depuis plusieurs années, d’autres sont encore au stade expérimental, mais avec le réchauffement climatique, on pourrait bien trouver des champs de nashis (poiriers asiatiques), ou de pitayas (fruits du dragon) à côté de nos pommiers d'ici à quelques années.

Désormais en Normandie, on trouve des fruits et légumes exotiques de provenance locale. Cela fait quelque temps maintenant, que gingembre et safran normands sont vendus sur les marchés. Même si cela reste confidentiel, les producteurs se multiplient et certains tentent de nouvelles cultures, encouragés par le réchauffement climatique.  

Gingembre et Curcuma prennent racine en Normandie 

La culture du gingembre, pour Magali Baré et Guillaume Demoucron, ce n’est pas qu’une question d’opportunité climatique. Amateurs de ce rhizome, une racine au développement horizontal, ils ont décidé de le cultiver dans leur ferme des Champeaux à Saint-Nicolas-de Bliquetuit en Seine-Maritime. D’ordinaire, le gingembre est importé en France depuis les pays asiatiques. Mais pour Magali Baré et Guillaume Demoucron, il était « bien dommage de faire venir cette épice du bout du monde ».

Car le climat normand ne permet pas d’obtenir les mêmes racines de gingembre que l’on peut trouver sur les étals des épiceries asiatiques. C’est une plante qui craint le gel, et apprécie les 25 degrés. Magali Baré et Guillaume Demoucron démarrent donc sous serre leurs plants à la fin du mois de janvier, en les surprotégeant avec des tunnels nantais (des tunnels de forçage), et attendent le 15 avril, pour les mettre en pleine terre, en continuant de les protéger. Selon eux, même avec les degrés supplémentaires du réchauffement climatique, leur gingembre ne sera pas le même qu’en milieu tropical.

C’est un produit très étonnant, bien loin du gingembre que l’on est habitué à consommer. Il est encore jeune, sa peau est fine et recouverte d’écaille rose. On vend du jeune, un peu comme avec les pommes de terre grenailles.

Magali Baré et Guillaume Demoucron, ferme des Champeaux (Seine-Maritime)

Cette année, ils ont décidé de se lancer dans la culture du curcuma, proche de celle du gingembre.

Yuzu, cédrat, kumquat : les agrumes se plaisent en Normandie

Sophie D’Hoine, elle, multiplie les expériences. A Cintheaux, dans le Calvados, elle s’est spécialisée dans la production de légumes oubliés. Mais, avec le réchauffement climatique, elle cherche des solutions pour limiter sa consommation en eau, et se penche sur la culture de fruits exotiques.

Avec une arrière-saison de plus en plus chaude, cela devient compliqué d’avoir des choux en plein hiver. On est sur un changement d’agriculture. Autant expérimenter !

Sophie D'Hoine, maraîchère aux Bons légumes de Sophie

En juin dernier, elle a pu échanger avec une délégation ivoirienne, venue lui rendre visite, sur les plantes peu gourmandes en eau, comme le pistachier, dont elle a planté quelques pieds cette année.

Depuis 2 ans, elle cultive aussi différents types d’agrumes. Yuzu, cédrat, citron vert, Combava, bergamotes font partie désormais de sa production normande. À petite échelle pour le moment, histoire de voir qui se plaît.

Certains agrumes ont 4 à 5 ans et lui donnent déjà des fruits. Les autres devraient produire d'ici novembre ou décembre.

C’est prometteur !  J’ai des Kumquats, qui font des fleurs et des fruits en même temps, c’est très surprenant. Ça produit 2 fois dans l’année ! 

Sophie D'Hoine, maraîchère aux Bons légumes de Sophie

Pour l’instant, elle possède une centaine d'arbres et compte en avoir 300 à 400. Elle attend notamment des pieds d'orange chocolat.

Grenadiers, ananas : des cultures exotiques expérimentales

Une des grandes fiertés de Sophie D'Hoine, ce sont ses ananas. Elle a choisi la variété Victoria, qu'elle va garder sous serre, puisque ces ananas gèlent à -5°C. Les pieds qu'elle avait commandés lui ont donné chacun une quinzaine de jeunes plants. Elle espère avoir une centaine de pieds d'ananas d'ici à l'année prochaine. Mais elle hésite encore sur le meilleur moment pour les repiquer : maintenant ou au printemps ? Elle se documente et c'est ça qui lui plaît.

Au-delà de l’adaptation au réchauffement climatique, c’est la curiosité qui m'anime. De là à en faire une production intensive, non, ce n'est pas possible pour l'instant. Je fais des expériences, et si les températures continuent d'augmenter, je serai prête pour de nouvelles cultures, peut-être dans 6-7 ans.

Sophie D'Hoine, maraîchère aux Bons légumes de Sophie

À titre expérimental, elle a planté :

• des grenadiers qui lui ont donné de jolies fleurs rouge orangé. La récolte est prévue dans l'hiver.
• des nashis (sorte de poire asiatique). Mi-septembre, elle a obtenu une quarantaine de fruits avec ses quatre arbres.
• des kakis
• des pitayas (fruits du dragon)

Elle a aussi commandé de la citronnelle, des plants d'avocats et de sapotier, encouragée par les cuisiniers normands qui connaissent sa curiosité. Un chef normand lui a envoyé une vidéo d’un youtubeur présentant la sapote, fruit tropical d'Amérique centrale. "Il m’a dit : tu peux me trouver ça ? Il m’a demandé aussi de la courgette pop-corn. Je lui ai répondu que j'allais chercher. Je me dis que ce n’est pas complètement fou, c’est une plante résistante. J'aime aller chercher ce que je ne connais pas."