Caroline, cheffe de mission pour une organisation humanitaire vit au Liban depuis 3 ans. Lors de la double explosion qui a touché Beyrouth mardi 4 août, elle se trouvait à quelques kilomètres, en haut d'un immeuble. L'onde de choc et ses conséquences sont terribles, elle raconte.
Caroline était à deux kilomètres à vol d'oiseau du port de Beyrouth, précisément dans le quartier d’Achrafieh, ce mardi 4 août vers 18h00 heure locale (19h en France) lorsque la double explosion s'est produite.
"J'étais en haut d'un immeuble, dans une piscine, j'ai senti la déflagration dans tout mon corps. On a eu une vague dans la piscine", raconte t'-elle avec sang froid.
Tout comme la dizaine de personnes qui se trouvait sur le toit à ce moment-là, cette native de Rouen a vu les parasols et les chaises longues se renverser lorsque le bâtiment a tremblé, "on a été propulsé en arrière et on est resté figé".
La fumée est arrivée au-dessus de nous, j'aurais presque pu la toucher.
Bien sûr, c'est la panique qui envahit les personnes présentes et la ville commence à s'agiter. "Tout le monde a hurlé, tout le monde a cru que c'était une attaque à la bombe", explique Caroline avant de poursuivre "nos téléphones se sont tous mis à sonner et puis on a entendu très vite des cris dans la ville en bas, les rues étaient couvertes de débris de verre".
Caroline est restée une heure sur le toit de l'immeuble, le temps de reccueillir quelques informations, avant de rentrer chez elle quelques pâtés de maisons plus loin.
Son appartement est situé au 6ème étage d'une tour et elle constate que ses affaires ont été renversés. Elle avait laissé ses fenêtres ouvertes. Sa voisine du 3ème n'a pas eu cette chance, les fenêtres fermées ont volé en éclat dans son appartement.
L'état des lieux
Caroline Duconseille travaille depuis près de 20 ans dans l'humanitaire. Une passion qu'elle s'est découverte à Rouen. Elle a passé 15 ans a travaillé en Afrique avant d'accepter un poste au Liban, à Beyrouth en 2017. La jeune femme qui a fait ses études à Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime) est cheffe de mission pour l'organisation Handicap International.Scènes de détresse à #Beyrouth. L'équipe de HI #Liban est saine et sauve. Elle se prépare à venir en aide aux blessés avec de la kinésithérapie et du soutien psychosocial.
— Handicap International France (@HI_france) August 5, 2020
Au lendemain de l'explosion, elle s'est rendue sur son lieu de travail dans le quartier de Sodeco, touché lui aussi par la déflagration, pour évaluer les dégâts.
Dans les heures qui ont suivi les explosions, les grandes organisations humanitaires se sont réunis, ainsi que la Croix-Rouge et l'Armée, "on a évalué tous ensemble le type de blessures des habitants et les besoisn médicaux urgents", raconte Caroline. 24h après le drame, les autorités ont compté au moins une centaine de morts et près de 4000 blessés. "Trois hopitaux ont été rayés de la carte et beaucoup d'autres ne sont plus en mesures d'assurer des soins aux blessés", précise Caroline. Pour elle, la situation était déjà catastrophique avant ce terrible événement car le pays traverse depuis un an la pire crise économique de son histoire, "le pays manquait déjà de médicaments, de matériel médical".
Les habitants de Beyrouth ont entamé une véritable course contre la montre où chacun tente désespérement de retrouver un ami, un membre de sa famille dans les décombres, "certains immeubles ont été fragilisés par les explosions et peuvent s'effrondrer à tout moment", s'inquiète t'-elle.
Le nettoyage a bel et bien commencé. Des tas de débris commencent à prendre forme ça et là dans les rues de Beyrouth.
Le doute sur l'origine du drame
Beaucoup de Libanais se posent des questions sur ce qu'il s'est passé et n'arrivent pas à croire à la thèse de l'accident. Caroline en est la première témoin "le Liban a un gouvernement qui manipule les populations depuis plus de 30 ans, il y a forcément un doute sur l'origine de ces explosions". Comment le gouvernement a t-il pu laisser un stock de produits dangeureux aussi longtemps ? "il fait encore passer ses intérêts économiques avant la sécurité de sa population", explique désespérée Caroline.
L'interrogation porte aussi sur la toxicité de l'air, quels produits le panache de fumée a t-il laissé dans l'air ? Avant de connaître la réponse à cette question, nombreux sont les habitants de Beyrouth à fuir la ville pour se réfugier dans les montagnes.
"Après la crise du Covid-19, la crise économique qui sévit, il ne nous manquait plus que ça, c'est ce que me disent certains habitants", a conclu Caroline.