Le premier pont en fibre de lin et biorésine a été érigé aux Pays-Bas en avril dernier. Un édifice en partie construit par EchoTechnilin, une entreprise normande, selon un procédé secret.
Le lin pourrait bien être le matériau de construction du futur. Après les vêtements, les skis, la coque d'un catamaran... un pont piéton et cycliste vient d'être construit à partir de cette fibre végétale. Ce pont en fibre de lin et biorésine - le premier au monde - a été inauguré mi-avril à Almere, aux Pays-Bas. EcoTechnilin, l'entreprise qui a construit en partie l'édifice, est normande. Elle est basée à Valliquerville, en Seine-Maritime.
La société du pays de Caux a développé le FlaxTape, un renfort en lin qui compose 50% des neuf tonnes de la structure. Le procédé, développé durant plusieurs années de recherches, est cependant top secret. "On part d'un ruban de lin qui va entrer dans la machine et qui, avec un procédé un peu breveté, va ressortir de cette machine sous forme de voile", détaille Gwenn Prévost, ingénieur recherche et développement EcoTechnilin.
Pour la consolidation, l'ingénieur explique : "on travaille uniquement avec des éléments déjà présents dans la fibre qu'on va réussir à faire ressortir". Le travail s'effectue exclusivement "avec des procédés naturels sans ajout de liant ou de résine". L'innovation est qualifiée de "secrète" par l'entreprise qui "utilise plusieurs technologies" qui leur permettent "d'avoir un renfort manipulable et donc du lin aligné dans le sens de l'effort", précise Gwenn Prévost.
Des capteurs pour évaluer la résistance du pont
Thibaut est ingénieur développement commercial chez EcoTechnilin. "Cette matière va être déroulée par bandes d'une quinzaine de mètres. Et ces bandes vont être disposées dans un moule qui a déjà la forme de la pièce finale dans lequel on va venir imprégner de la résine pour pouvoir donner et figer la forme de la pièce finale", explique l'ingénieur.
Le pont est doté d'une centaine de capteurs pour évaluer sa résistance aux tensions mécaniques et conditions climatiques en temps réel. Ces capteurs indiquent par exemple le nombre de vibrations selon le nombre de passages sur le pont. "L'objectif est d'apprendre de ce premier pont pour avoir le plus de data possible pour les suivants", souligne Gwenn Prévost.
Aujourd'hui, en utilisant du lin, on est en train de prouver qu'on peut peut-être passer sur des matériaux biosourcés avec une ressource plutôt renouvelable et surtout locale.
Gwenn Prévost, ingénieur recherche et développement EcoTechnilin.
Le pont a été assemblé aux Pays-Bas et mesure 15 mètres par 3. Son espérance de vie est estimée entre une cinquantaine et une centaine d'années. Et son coût s'élève à 7 millions d'euros. Il est le premier d'une série de trois ponts qui font partie d'un projet européen mené par l'université hollandaise d'Eindhoven. Les Allemands éprouveront la robustesse du prochain ouvrage d'EcoTechnilin à Ulm, en Bavière.
Le catamaran en fibre de lin de Roland Jourdain
Et du lin, on en trouve également dans la coque du catamaran du skipper Roland Jourdain. Début juin, le double vainqueur de la route du Rhum mettait à l'eau son bateau un peu spécial en Méditerranée. Un hectare de lin a été nécessaire à la construction de la coque du "We explore". Une fibre de qualité fabriquée par la coopérative normande Terre de lin.
Roland Jourdain a muri ce projet pendant une quinzaine d'années. "Je crois que les biomatériaux sont une partie de la solution dans les transitions qui nous attendent", estime le navigateur.
Le 6 novembre prochain, son catamaran en fibre de lin prendra le départ de la route du Rhum 2022. Ce sera alors l'occasion de tester la résistance et les caractéristiques techniques de la fibre de lin et de les comparer à celles de la fibre de carbone ou de verre.